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Dda El Hocine
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 25 - 02 - 2016

Dieu ! Que certains hommes peuvent paraître proches. Proches d'une proximité dont l'ancrage profond ne se dévoile crûment qu'avec leur disparition.
De leur vivant on les croit éternels et chaque jour qui passe nous égare, un peu plus, dans l'impossible présomption qu'ils sont faits pour ne pas mourir. Aussi, la survenue de leur trépas sonne comme une soudaineté maléfique, une fin absurde, fruit de la volonté divine dont on refuse d'accepter la fatalité.
Feu Aït Ahmed fait partie de ces hommes. De ces hommes d'action et de réflexion voués, à l'éternité, et dont la présence rassure, car éclairante face aux périls et dérives que les forces obscures et malfaisantes s'échinent à disséminer, au gré de leurs intérêts égoïstes et de leurs insalubres ambitions, sur la voie des braves. Il est de ces hommes /sentinelles que l'on peut côtoyer, sans qu'il soit nécessaire de les connaître personnellement, car persuadés que leur abord ne peut qu'être à l'image de ce qu'ils représentent, que leur personne ne peut qu'être conforme à ce qu'ils symbolisent ( Amour, rectitude, humilité, générosité, compétence).
La première fois que j'ai entendu parler d'Aït Ahmed, j'avais dix ans. C'était à la fin de l'année 1956 ; l'avion qui les transportait, lui et ses quatre compagnons, du Maroc vers la Tunisie a été arraisonné par les autorités coloniales. Mon père avait ramené à la maison un magazine qui relatait toute l'opération et m'a expliqué le pourquoi et le comment. Du magazine, j'en ai découpé une image les montrant ensemble menottés ; une photo que je cachais, jalousement, au fond d'un tiroir après l'avoir, soigneusement, encadrée sur un carton de fortune. Je venais de commettre un acte qui aurait pu se terminer par un drame. En effet, un jour que l'on subissait une fouille en règle, suite à un bouclage du village, des soldats trouvèrent la photo. Ils collèrent mon oncle au mur et le sommèrent de leur dire à qui appartenait la photo. Au moment où l'un d'eux manœuvrait pour l'abattre, je me suis précipité pour me dénoncer. Mon âge m'a sauvé du pire mais j'en fus quitte pour une « dérouillée » dont j'en garde encore un amer souvenir. Mais cela n'a, en rien, entamé mon exaltation sans borne, à l'égard de tous les Moudjahidin dont un grand nombre transitaient, régulièrement par notre village.
L'indépendance acquise, mon éveil à la politique m'amena progressivement à reconsidérer ma conception à l'égard des choses et des hommes et à la recadrer à l'aune des évènements et du comportement, de chaque protagoniste. Nombre d'entre eux, taraudés par l'ambition et la mégalomanie me déçurent et descendirent de leur piédestal. Aït Ahmed, lui, n'a jamais cessé de grandir dans mon esprit d'adolescent, puis d'adulte, m'offrant, à chaque étape de sa vie, l'occasion de conforter, par son action et ses prises de position, une fervente admiration qui n'a jamais été prise en défaut. Une stature conforme, en tous points, à l'image que je me faisais de ce que doit être l'homme avec un grand « H ».
Plus tard, en découvrant ce qu'il écrivit en 1957, dans son livre « La guerre et l'après-guerre », à propos du Sahara Occidental, notamment, puis le contenu de son rapport sur l'OS qu'il présenta, en 1948, du haut de ses 22 ans, à la réunion du Comité central du PPA/MTLD, je compris qu'il s'agit d'un visionnaire, d'un homme d'exception.
Des cinq arraisonnés, ce fut celui qui survécut le plus longtemps. Une longue vie de lutte pour un idéal de paix, de justice, de démocratie face à une adversité qui n'a jamais hésité à user des moyens les plus vils pour le faire fléchir ou le déconsidérer.
Toujours fidèle à ses principes il a su rester dans une démarche cohérente et constante, déjouant tous les pièges visant à le réduire, par la corruption ou la compromission. Sentinelle vigilante, il a su entourer son combat de l'humilité et l'affabilité qui sied au gentleman qu'il n'a jamais cessé d'être. En prison à Aulnoy, à quelques jours de l'indépendance, il refusa la présidence de la République offerte sur un plateau, par l'équipe d'Oujda. Dès l'indépendance, il refusa le fait accompli et l'émergence d'une dictature. Il condamna l'arrestation de Boudiaf par Ben Bella et fut le seul à s'élever contre la décision d'interdire le Parti Communiste Algérien. Sa conception de la pratique politique repose, avant tout, sur le dialogue et le respect de toutes les opinions. Un crédo opposé à la violence qui ne convenait pas à ceux pour qui le pouvoir est une finalité qui justifie l'usage de tous les moyens, y compris le crime. Ne voyant pas d'issues avec un FLN dévoyé, il créa le FFS, premier parti d'opposition auquel il insuffla une morale, une tradition, un objectif.
Combattu dans les montagnes de Kabylie pour sédition, arrêté et condamné à mort, il n'a cessé de réaffirmer ses convictions y compris à l'intérieur de la prison d'El Harrach, dont il réussit à s'extraire pour aller continuer son combat, dans la clandestinité et l'exil. Il a fallu attendre le début des années quatre-vingt-dix, à la faveur de la parenthèse d'ouverture démocratique, pour le voir refouler le sol natal. Hélas les mêmes lutins malfaisants ont décidé de reprendre de la main droite, ce qu'ils ont fait semblant d'octroyer de la main gauche. Après l'annulation des premières et seules élections démocratiques de 1991, croyant pouvoir l'aguicher avec une nouvelle proposition du fauteuil présidentiel, il renvoya les putschistes à leurs pénates : un homme de principe ne brade pas ses convictions pour un trône. Au demeurant, la suite a montré le sort réservé à son compagnon qui a cru naïvement qu'on pouvait composer avec les hyènes. Le traquenard de Annaba, en direct et devant les caméras de télévision, le conforta, dans sa certitude, que le système n'est ni fréquentable ni réformable. De nouveau l'exil jusqu'au simulacre d'élections présidentielles de 1999, desquelles il se retira, en cours de route, pour ne pas avoir à cautionner la désignation d'un candidat du consensus élu d'avance.
Aït Ahmed appartient à cette catégorie d'hommes dont le destin impacte la trajectoire de l'histoire, au point où même ses adversaires, les plus acharnés, ne peuvent se soustraire, sauf à être abjurés par l'opinion générale, à l'obligation de lui rendre hommage. Hypocrisie ou reconnaissance tardive, peu importe : l'histoire retiendra que son refus catégorique des honneurs officiels n'a d'égale que la sincère ferveur avec laquelle ce peuple, duquel il est issu et en qui il avait une confiance absolue, l'a accompagné à sa dernière demeure. Jamais hommage ne fut, aussi entier, aussi franc, aussi significatif, à travers tout le territoire national, comme pour faire un pied de nez à ceux qui ont, de tout temps, voulu le ghettoïser, dans sa Kabylie natale. Le monde retiendra que le premier janvier 2015, toute l'Algérie aura vibré, à l'unisson, avec ce village dont il porte le nom. Dans la foule, au micro d'un journaliste, une voix trémulante : celle d'un vieux en qui transpire toute la sagesse du terroir «Aït Ahmed, nous ne l'avons pas enterré, nous l'avons planté». Puisse Dieu que la germination ait lieu et que ce pays, pour qui il a tant donné, emprunte, irrémédiablement, la voix du salut. «Gloire à nos martyrs».


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