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« A la mémoire de Mouloud Kacem Naït Belkacem »
Des contrevérités coloniales à récuser
Publié dans El Watan le 25 - 05 - 2009

La propagande coloniale a commencé lorsque le dey Mustapha a inauguré son règne, le 14 mai 1798, à la mort du dey Hassan, par la réclamation des créances algériennes détenues sur la France demeurées impayées à ce jour. C'est Napoléon qui va introduire l'intitulé Régence dans ses correspondances écrites(1) à destination d'Alger comme nous l'enseigne feu Mouloud Kacem Naït Belkacem dans son mémorable et inépuisable ouvrage d'histoire sur la personnalité internationale de l'Algérie avant 1830.
Alger, qu'auparavant dans les correspondances des rois de France s'appelait Royaume, République et Puissance, devient brusquement Régence en souvenir, influençant sans doute Napoléon, du règne de Philippe d'Orléans à la mort de Louis XIV. Cela est attesté par les intitulés des traités qu'Alger signait souverainement avec les Etats d'Europe en toute liberté et loin de toute référence à la Porte Sublime (signalons pour appuyer cette thèse que les emblèmes de la Porte Sublime et d'El Djazaïr n'étaient pas du tout les mêmes durant trois siècles). Nous allons tenter de dénouer le fil attaché à la patte d'Alger qui a abouti à sa prise par les forces expéditionnaires du général de Bourmont, le 5 juillet 1830, sur la base de ces accusations mesquines de la propagande coloniale, présentant El Djazaïr comme une régence, le repaire de forbans et le nid de pirates venus d'ailleurs suite à la perte de notre flotte le 20 octobre 1827 à Navarin en Grèce (sur 2500 bâtiments, deux ont pu regagner Alger).
De l'origine du quolibet « la Régence » :
Le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse(1) remonte l'origine de ce terme à Philippe d'Orléans pendant la minorité de Louis XV (1715 - 1723). Cette période de gouvernement de Philippe d'Orléans, consécutive à la mort de Louis XIV, fut caractérisée par le relâchement des mœurs. Pour le dictionnaire sus-cité, la régence désigne une dignité, une fonction de celui qui gouverne un Etat en tant que régent pour une durée limitée. Alger, depuis les frères Barberousse (sollicités par le roi Medjkane de Béjaïa) qui ont fondé l'Etat des Algériens en 1510, n'a jamais souffert de flottement dans la direction de ses affaires publiques, malgré les assassinats de deys auxquels les comploteurs succédaient. Le même dictionnaire qualifie Alger de Régence à partir de 1587 en parlant de son organisation et en présentant la monographie de l'Algérie. Or, nous voyons bien que ce terme, dont le cours a débuté en France même, était bien après 1587 puisqu'il remonte à 1715 et a duré huit ans à 1723. Le dictionnaire ne s'empêche pas de préciser qu'Alger, qualifiée donc de régence dès 1587, vit de la course et met entre parenthèses le mot piraterie. Nous allons voir que le dictionnaire amalgame entre les deux mots en leur donnant pourtant des significations différentes. Jamais auparavant les rois de France ne s'adressaient aux illustres et magnifiques deys de la République d'Alger (intitulé exact de leurs correspondances) en utilisant le terme de Régence. Les archives des correspondances, traités, accords et conventions entre El Djazaïr et la France (70 au total jusqu'à Evian) soulignaient le Royaume, l'Etat, la Puissance. C'est Napoléon qui, le premier, va utiliser le terme de Régence pour répondre au dey Mustapha qui réclamait les créances d'Alger, sans intérêts faut-il le rappeler, détenues sur la France royale, puis sur le directoire de la République auquel il a renouvelé son crédit contre un traité de reconnaissance des dettes établi par l'Assemblée française de l'époque.
Les Algériens étaient corsaires ou pirates ?
Chez le commun des mortels, les mots ‘‘course'' et ‘‘piraterie'' se confondent, alors même que d'après l'Encyclopédie Larousse chaque terme signifie une chose bien différente. Pour le mot ‘‘piraterie'', il est noté : « Actes de dépravation ou violence commis en mer contre un navire, son équipage ou sa cargaison. » Quant à la ‘‘course'', elle est présentée comme tant « l'ensemble des opérations menées autrefois par les corsaires ». Qui sont donc les corsaires, sont-ils les pirates ? Tout au moins, devraient-ils l'être ? Si le pirate est un « aventurier qui courait les mers pour se livrer au brigandage », le corsaire est « un navire rapide armé par un équipage habilité par son gouvernement(3) à poursuivre et à prendre à l'abordage des bâtiments de commerce ennemis (XVe - XIXe siècles) ». Son capitaine ou son marin est appelé corsaire. Donc les corsaires ne sont pas des pirates comme les pirates ne sont pas des corsaires. Comme l'action de courser (suivre quelqu'un) n'est pas synonyme de l'action de pirater (voler). C'est Larousse qui l'écrit. Et c'est là qu'une question a illuminé notre esprit préoccupé par tant d'injustices coloniales commises à l'égard d'El Djazaïr (la question des redevances dues à l'Algérie par les nations chrétiennes et même musulmanes, dont au moins Tunis qui versait 150 000 livres en 1790) que le même dictionnaire qualifie tantôt de Régences barbaresques (nom donné du XVIe au XIXe siècles aux Etats musulmans du nord-ouest de l'Afrique) et tantôt, Barbarie ou Etats barbaresques (nom donné jadis aux régions de l'Afrique du Nord situés à l'ouest de l'Egypte : Maroc, Algérie, Tunisie, régence de Tripoli) .
De l'origine des obligations de « Redevances »
Comment les nations de Suède, de Norvège, de Hollande ou du Danemark pouvaient se laisser intimider par les corsaires d'Alger pour obliger leurs royaumes à verser des redevances annuelles ou biannuelles au Trésor d'Alger ? Les corsaires d'Alger menaçaient-ils ces trois pays lointains de missiles intercontinentaux avant l'heure ? Disposaient-ils de porte-avions comme l'Entreprise de la flotte américaine stationnée en permanence en Méditerranée ? Où peut-être avaient-ils des sous-marins à missiles nucléaires ? Il est connu que les corsaires d'Alger, comme ceux des nations voisines méditerranéennes, disposaient de chebeks, de bricks, de chaloupes canonnières et bombardières qui tiraient au canon à boulets, à quelques brasses ! Alors, comment des nations lointaines à des milliers de miles d'Alger succombaient, sous le régime des pirates et des forbans (ainsi qualifiés par la propagande coloniale française), pour payer des redevances et envoyer autres présents consulaires et diplomatiques, elles qui avaient en permanence à Alger leurs ambassadeurs et consuls et étaient liées avec El Djazaïr par des traités de commerce, et parfois d'amitié ? Les ambassadeurs de Suède, de Hollande, du Danemark et de la Norvège, de nos jours, les rappellent fièrement à chacune de leur installation à Alger, lors de la remise des lettres de créances au chef de l'Etat. Ils savent de quoi ils parlent quand ils soulignent que leurs relations avec Alger remontent au minimum au XVIe siècle.
La réponse saute aux yeux !
Par Dieu, les historiens qui ont parlé de droits de passage en Méditerranée ne se sont pas trompés, loin s'en faut. El Djazaïr dispose de la façade maritime la plus longue en Méditerranée, soit 1200 km. La Méditerranée était une région florissante de commerce et d'échanges de toutes sortes. Les navires des nations de cette époque naviguaient à la voile près des côtes algériennes, pour se mettre à l'abri des intempéries et autres avaries. Ils pouvaient avoir besoin d'accoster dans les ports d'El Djazaïr pour s'armer en victuailles et autres réparations nécessaires à leurs bâtiments. Ils faisaient du commerce avec Alger (orge, blé, laine, huile, sel, etc.) et les autres pays de l'empire ottoman comme le Maroc, la Tunisie et la régence de Tripoli. Ils remontaient vers Venise, Malte, l'Espagne, le Portugal, la Corse ou la France. C'est à ce titre, et uniquement à ce titre, que ces nations versaient à Alger des droits calculés en fonction de leurs volumes d'affaires de l'époque, couplés au nombre de navires en mer Méditerranée qui naviguaient sous la protection bienfaitrice des raïs (amiraux) algériens (calculs des droits consignés dans les traités). C'est cette protection, qui coûtait au Trésor d'Alger, qui était monnayée contre les vrais pirates de mer qui pouvaient être des Espagnols, Portugais, Italiens, Corses, Français et même, tenez-vous bien, Tunisiens. Jean-Michel de Venture de Paradis, que nous présenterons ci-après, parle d'une affaire de piraterie d'un navire anglais par des Tunisiens que les autorités d'Alger ont vite fait de libérer et rendre à la Grande-Bretagne. Il n'est pas dit que des Algériens, qui ne représentaient pas le deylicat, ne s'adonnaient pas à ce brigandage. Mais d'après ce diplomate espion, c'était au prix de leur vie : « S'ils étaient pris, Alger ne réclamait jamais leur libération, ils voguaient alors comme esclaves. »
Qui mieux qu'un espion de la France peut le prouver ?
En effet, Jean-Michel Venture de Paradis(4), sur ces notes et observations de diplomate espion à Alger, raconte dans ses mémoires que les prises effectuées par les corsaires algériens se faisaient au nom du droit(5) maritime. Les navires, confisqués au motif de droit, sont ramenés à Alger pour que leur équipage soit jugé sur les infractions commises devant les représentants officiels de leur nation à rang d'ambassadeur ou de consul. Ces dignitaires en poste à Alger avaient toute latitude de récuser les griefs de la marine de guerre algérienne, qui faisait office de garde-côtes. Sur certaines affaires qui dépassaient la compétence du ministre de la Marine, ces autorités établies à Alger plaidaient la cause de leurs sujets devant le dey lui-même assisté de son Premier ministre, le ministre des Finances (héritier du deylicat). Souvent contre de simples amendes, les navires abordés repartaient libres avec leur équipage et cargaisons. Mais ils tombaient souvent aussi sous le coup de la loi (navires en infraction) et si leurs cargaisons étaient confisquées, leur équipage tombait dans l'esclavage, c'était la loi de l'époque qui s'appliquait de même aux Algériens que les autorités d'El Djazaïr ne rachetaient jamais pour les dissuader d'aller brigander sur les côtes des pays voisins. C'est ce que rapporte fidèlement le sieur Venture de Paradis à l'attention de son gouvernement la France au XVIIIe siècle (1788-1790). Peu avant les débuts des préparatifs de l'expédition d'Afrique (à 40 ans près).
On est loin de la piraterie, on est loin du règne des « forbans » et « des pirates » qui faisaient injure à la chrétienté. Le Trésor de la Casbah détourné par la France coloniale prouve le contraire de ces accusations gratuites, sinon, la France n'aurait rien trouvé à détourner. Alger aussi n'était la régence de personne. Ses corsaires étaient des marins soldats au service de leur pays. Ils naviguaient sur des bâtiments portant toujours le pavillon, l'emblème, de leur pays. Avec passeports officiels et rôles, tout aussi officiels des navires. Ils étaient reconnaissables à la vue et on se soumettait volontairement à leur contrôle du rôle des navires, de la nationalité de l'équipage, du contenu des cargaisons, dans les eaux territoriales algériennes, sans que cela suscite de la part de leurs nations quelques récriminations. En fait, aujourd'hui, ces pratiques ont toujours cours dans les eaux territoriales des nations, y compris en Algérie. Seulement, le droit et les mœurs ont évolué. Quant aux contrevenants (équipages clandestins et cargaisons illicites), elles sont toujours « coursées » partout.
Le plus riche trésor de l'univers
Selon la thèse de Daniel Lefeuvre, l'histoire de « la colonisation de l'Algérie a plus coûté que rapporté à la France »(6). Si telle était la vérité, M. Lefeuvre prendrait ses ancêtres colonisateurs pour ce qu'ils ne sont pas, c'est-à-dire des mécènes ou des bourgeois gentilhommes. Au commencement de la colonisation, nous l'avons déjà rappelé dans une précédente contribution(7), il y avait un éventail de raisons qui explique l'expédition coloniale sur l'Algérie et, parmi elles, la faillite de la France qui ne pouvait plus rembourser sa dette envers l'Algérie de plusieurs millions de francs or(8). L'Algérie était, à cette époque, de par le témoignage de Xavier Bardon, « le plus riche trésor de l'univers »(9). Aujourd'hui, nous allons rappeler quelques vérités historiques qui édifieront M. Lefeuvre et tout le courant révisionniste de l'histoire coloniale sur ce qu'a coûté à l'Algérie la colonisation, non pas durant 132 années d'exploitation des hommes et des richesses du pays, mais au lendemain du 5 juillet 1830, nonobstant la dette de l'Etat français proprement dite qu'un jour ou l'autre le peuple algérien réclamera, parce que les dettes des Etats ne s'éteignent pas avec le temps (jurisprudence internationale constituant une norme du jus cogens : le droit impératif international). En effet, et en guise d'introduction, disons que les frais de l'expédition coloniale furent amortis au premier jour comme le rappelle si justement Léon Galibert(10) : « Ainsi, par un hasard heureux, la conquête d'Alger, loin de grever la France, couvrit ses propres dépenses et fit rentrer plusieurs millions dans les caisses publiques ; car, outre le trésor, la Casbah contenait encore des quantités considérables de laine, de peaux, de cuirs, de cire, de plomb et de cuivre ; dans les magasins de la marine on trouva aussi du blé, du sel, de la toile, des cordes, du bois, des ferrures et du chanvre en abondance. » En résumé, voici l'état des recettes et des dépenses de l'expédition jusqu'à l'époque du retour des forces navales à Toulon :
Le trésorier de la Casbah, à Alger, consigna à la commission française des finances, en juillet 1830 : 48 684 527 Fr.
Valeurs des laines et denrées diverses : 3000 000 Fr.
Idem, des pièces d'artillerie de bronze : 4000 000 Fr.
Total : 55 684 527 Fr. Les dépenses de tout genre pour l'expédition, celle de la marine et de la guerre réunies, se sont élevées à 48 500 000 Fr. L'excédent des recettes est arrêté à 7 184 527 Fr. Il poursuit en notant : « Dans les différentes salles qui renfermaient le trésor, M. l'intendant Denniée avait été frappé de la grande quantité d'or et d'argent qui s'était offerte à sa vue. »
Ainsi, en plus des créances détenues sur la France, reconnues et consignées par trois fois dans des actes de gouvernement engageant deux Etats souverains, que l'Algérie allait perdre momentanément de par son nouveau statut de pays occupé, son trésor fut confisqué et transporté à bord de cinq navires comme nous allons le voir ci-après. La reconnaissance exacte du trésor algérien fut réalisée par la très officielle commission des finances sous la direction de l'intendant Denniée, de concert avec des officiers supérieurs, notamment le lieutenant-général Desprez qui a consigné dans son Journal sur la campagne des informations importantes sur les quantités d'or et d'argent inventoriées.« La commission fit d'abord le tri des pièces et des lingots d'or qui se trouvaient dans les différentes salles ; puis elle procéda à leur pesage. Cette opération délicate qui dura plusieurs jours eut lieu par les soins des officiers d'état-major et de la trésorerie, sous la surveillance de la commission des finances. Ses résultats donnèrent :
7212 kilogrammes d'or, à 3434 Fr le kg : 24 768 000 Fr
108 704 kilogrammes d'argent, à 290 Fr le kg : 23 915 000 Fr. » Huit sous-officiers d'artillerie furent chargés d'embaler ces matières. A mesure que les caisses étaientclouées, ficelées et cachetées, elles recevaient un numéro d'ordre et on les plaçait méthodiquement dans l'un des caveaux, d'où elles ne sortaient que pour être embarquées à bord des vaisseaux de l'Etat par des militaires de corvées, commandés par des officiers, et sous la conduite du payeur-général et des agents de la trésorerie.
Le Marengo et le Duquesne reçurent à leur bord les matières d'or ; celles d'argent furent réparties entre le Scipion, le Nestor et la Vénus. Et pour donner du crédit à ces informations consignées par ailleurs dans le rapport officiel de la commission des finances, reprenons ces quelques notes qui vont faire état de détournement par les officiers supérieurs de l'expédition, qui ont reçu des mains du général de Bourmont en plus des gratifications, des présents reçus par la République d'Alger principalement des nations européennes au titre des traités d'amitié et de commerce conclus avec elles (armes de collection en or massif et en argent) : « Les matières d'or et d'argent entassées depuis de longues années(11) dans le même lieu avaient laissé sur la muraille des traces très visibles de leur présence : on mit à profit ces fugitives indications ; on pensa qu'en prenant toutes les hauteurs et en les cubant, on parviendrait à déterminer l'importance des valeurs concentrées à La Casbah. M. Guy, capitaine du génie, procéda à cette opération, et constata que l'or avait plus occupé un espace de 4,467 m3 , et l'argent 34,464 m3. D'après ce volume et le poids spécifique des métaux, le trésor de La Casbah aurait contenu plus de 300 millions de francs. » Le mémoire ajoute que le chiffre de 150 millions de francs était plus approprié, compte tenu d'un calcul géométrique qui ôtait la part du vide (40% de différence du plein au vide et 10% pour l'alliage des monnaies). Ce chiffre est du reste corroboré par les déclarations du consul d'Angleterre, sur l'importance du trésor d'Alger, reçues par de Bourmont, le jour de la capitulation. Avec le document historique publié par Scheler, consul général d'Amérique près la République d'Alger, le rapport de Deval, consul de France, envoyé le 26 février 1828(12) et la déclaration du premier ministre du bey de Tunis reçue par le chef de bataillon du génie, M. Guy, qui a procédé lui-même au cubage ; ce chiffre de 150 millions de francs (or et argent) paraît le plus indiqué.
Il n'a jamais été établi une estimation des malversations commises par les lieutenants généraux, les maréchaux de camp, les officiers supérieurs et les officiers puisqu'on considéra que : « Tel fut, pour les officiers d'une armée qui avait fait une si riche conquête, le seul fruit matériel de la victoire. » Cette « si riche conquête », dont fait état le rapport de la commission des finances, ne mentionne pas non plus d'autres valeurs (hors trésor de la Casbah), comme les tapis, des meubles sculptés, les bijoux des familles des chefs militaires, les tableaux, les armes de collections privées en or et argent, les chevaux et tout ce qui a pu être transporté, y compris des canons en bronze(13), exposés aujourd'hui même en France dans certaines villes. Des clés en or massif reçues jadis du royaume d'Espagne et d'autres nations, vivant en bonne intelligence avec El Djazaïr, ont été soustraites. Sans parler du trésor des bibliothèques et d'autres œuvres du génie militaire algérien applicable au domaine maritime dont certaines ont été brûlées sur place. La France, qui a reçu d'El Djazaïr beaucoup de bonnes choses en nature et en numéraire, sans intérêt, s'est renié pour occuper militairement Alger avec toutes les conséquences connues, après la destruction de sa flotte légendaire à Navarin en 1827.
Le plus grand tort de la colonisation ne se mesure pas aux dépossessions matérielles et financières qui ont contribué grandement à refaire la santé de la France que le peuple algérien saura les pardonner ou les réclamer conformément au droit des gens (droit international sous sa forme civilisée) qui inspire les relations des peuples et de leurs Etats. Au moment de la colonisation qui a constitué pour la France son va-tout, elle vivait la disette, le tumulte politique de la Révolution, l'insolvabilité financière(14), la famine et les maladies, et faisait face à l'Europe entière (l'Europe impériale hostile à la République) qui voulait la dépecer et l'anéantir à jamais. Qui a été aux côtés de la France ? Le gouvernement « des pirates(15) » ainsi qualifié par Jules Ferry, qui a écrit, comme les révisionnistes d'aujourd'hui le pensent, que la France a occupé une terre sans maître et que, ce faisant, elle a apporté dans ses vaisseaux de guerre « la civilisation ». Que non, que non et que non ! Le plus grand tort de la colonisation, c'est qu'elle a laissé, à son départ en 1962, un peuple, jadis cultivé, analphabète à 97% après 132 années d'occupation et d'exploitation.
Notes de renvoi :
1- Correspondance du 15 floréal an VIII de la République (5 avril 1800) de Napoléon Bonaparte, premier consul de la République française à Moustafa Pacha, dey d'Alger.
2- Edition de 1986.
3- Souligné par l'auteur, tellement c'est important de le préciser. Il s'agit de forces gouvernementales.
4- Alger au XVIIIe siècle (1788-1790) présentations et notes par Abderrahmane Rebahi, Editions Grand Alger des Livres, Collection Histoire dirigée par Kamel Chehrit, Alger 2006, ISBN : 9961-819-65-9.
5- Souvent à cause des passeports qualifiés de courts, c'est-à-dire retouchés, raturés, surchargés. Les modèles de passeports officiels étaient entre les mains de nos marins déposés par leurs gouvernements.
6- N. Bouzeghrane in El Watan du 28/11/04, « Douce et chère Algérie ».
7- « Pourquoi l'Algérie a été colonisée » in El Watan du 16 mai 2004.
8- « La dette française envers l'Algérie d'avant 1830 » in El Watan du 18 avril 2004.
9- X. Bardon : Histoire nationale de l'Algérie, pages 117 et 118.
10- Léon Galibert : L'Algérie, page 318 et suivantes cité par M. K. Naït Belkacem, La personnalité internationale de l'Algérie avant 1830 et son influence mondiale.
11- Ce qui prouve que les deys de la République d'Alger n'étaient pas des « forbans ». Les biens de la nation étaient déposés au Trésor public, inaugurant ainsi une tradition d'Etat qui a cours aujourd'hui chez les nations civilisées.
12- A cette date, les visées coloniales ne faisaient aucun doute. Le Trésor épié faisait l'objet de rapport consulaire très officiel.
13- Que notre ami Babassi, tout à son honneur, ne cesse de réclamer.
14- H. D. de Grammont. Histoire d'Alger sous la domination turque, pages 348 et 349 (pénurie de finances, épuisement du trésor, disette, insolvabilité à propos de l'Etat français avant l'expédition).
15- Sublimés par les rois de France « Illustres et magnifiques deys de la République et du Royaume d'Alger la puissante, la bien gardée, l'invincible etc. ». Tel était leur titre officiel dans les correspondances royales françaises.


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