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Malek bensmail. Réalisateur : « Je ne suis ni juge ni flic, juste un cinéaste »
Publié dans El Watan le 23 - 01 - 2010

Une démarche originale, un regard incisif, des propos qui détonnent.
Comment considérez-vous la situation actuelle du cinéma dans le pays. Y a-t-il, selon vous, un nouveau cinéma qui émerge ?
A mon sens, il y a une volonté véritablement citoyenne de témoigner de quelque chose. Il y a des associations qui émergent, des films qui se font et ce, dans des cadres de formation, je pense, par exemple, à « Kaïna Cinéma » et aux « Rencontres du cinéma documentaire de Béjaïa ». Des courts-métrages plus ou moins aboutis, mais qui reconsidèrent le cinéma, son essence de témoigner et qui permettent de ne pas sombrer dans des films où la fiction déréaliserait le message important du cinéaste. Justement, le cinéma algérien s'est retrouvé désincarné, il y a eu un manque de fond au-delà du cinéma révolutionnaire, comme s'il n'y avait plus eu de sujets majeurs. On retrouve cela dans la poésie aussi.
Dans le cinéma algérien actuel, pensez-vous que la nouvelle génération s'oriente vers une retranscription filmique de son quotidien ?
Oui ! Tariq Teguia et Lyes Salem ont un regard personnel, un univers particulier. Et puis toutes ces personnes ne sont pas contraintes de parler uniquement de l'Algérie. Il existe aussi d'autres sujets qui épousent une idée qui m'est primordiale : ne pas enfermer le cinéaste algérien dans son entité de la nation. Pour moi, ce fut la grande tragédie de l'Algérie et pas uniquement dans le milieu du cinéma. La pensée arabe en elle-même n'a pas pu évoluer, car elle est toujours enfermée entre le marteau et l'enclume, c'est-à-dire le nationalisme ou l'enclume qui serait le rapport à la religion ou à la tradition. Il existe un autre regard en mouvement, celui de Lyes ou de Tariq qui me plaît davantage. Prenez le titre du premier long-métrage de Teguia, Rome plutôt que vous. Ce titre, déjà, interpelle ! Il y a eu un besoin de désenclaver tout cela comme on a pu le retrouver dans le cinéma marocain et tunisien. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a eu un bon accompagnement dans ces pays, des personnes compétentes aux bons postes. Il faut qu'il y ait une liberté de regard sans pour autant avoir l'aval d'en haut.
Dans vos films, on a l'impression que l'Algérie est un laboratoire d'expérimentation filmique...
Par exemple, quand je réalise, en 1996, Territoire(s), je m'interroge sur la médiatisation des chaînes de télévision occidentale autour de la réceptivité du spectateur algérien. J'aime bien l'idée de travailler sur des territoires différents pour exploser, exposer et travailler les choses. Pour répondre à ta question, j'en suis convaincu, car rien n'a été filmé encore. Beaucoup de strates, de territoires cinématographiques vierges, de géographies invisibles dans le cinéma algérien, de personnages qui n'ont pas été dessinés, de témoins non enregistrés. Il reste beaucoup de choses à faire. L'Algérie me permet un tel espace-mémoire à capter. Et dans le registre du documentaire, c'est encore plus conséquent. Le réel est peu travaillé en Algérie alors que, paradoxalement, je trouve que l'écriture dans le documentaire est plus forte que dans la fiction car elle n'a pas de limite.
L'écriture est-elle douloureuse ?
Elle n'est pas simple. Dans La Chine est encore loin, mon dernier film, je trouve que c'est plus de l'ordre de la mélancolie. Quand je pars tourner, je n'y vais jamais avec une idée préconçue. Il s'est avéré que dans ce film, je me suis très vite rendu compte des supplices des gamins, de leur endoctrinement, et cela m'a fait songer à ma propre enfance. Ma génération a hérité d'une formation bilingue, mais nous avons eu des professeurs syriens qui nous ont très mal enseigné l'arabe. L'espace de mon enfance, je l'ai reçu en pleine face. J'ai trouvé qu'à mon époque, par contre, c'était moins douloureux, car il y avait encore plus de choses vivantes. Là, je me suis imposé le même timing que les enfants. J'ai ressenti le même ennui que ces écoliers. J'ai vécu durant un an avec eux, et même quand je ne tournais pas, j'allais en classe avec eux. Je subissais pour voir. Et je peux t'assurer que j'ai rarement vu cela. Je voulais filmer une réalité sociale. Il y avait beaucoup de tristesse… car demain, ce sont ces enfants qui hériteront de l'Algérie.
Le culturel, le respect, tous ces dispositifs qui forgent un jeune, n'existent pas et, du coup, c'est le serpent qui se mord la queue. Pour aller plus loin dans votre question, j'ai eu l'idée de faire ce film après le tournage d'Aliénations. Là, la douleur fut conséquente. Je voulais faire un film sur la matière à délire. Et à ce moment-là, cette matière doit pénétrer l'humain dans son évolution, et c'est comme cela que je suis allé du côté du monde scolaire. Je me suis rendu compte aussi que l'univers des enfants n'existe pas dans ce pays. C'est plus un monde d'hommes ou de femmes. Les enfants sont des hommes ou des femmes. Si le film s'oriente vers cette mélancolie, c'est que sans doute, je ne m'en suis pas sorti indemne de cette expérience. Si on ne réforme pas en profondeur tout le système éducatif, cela risque d'être désastreux.
Est-ce que votre film est aussi un réquisitoire contre la colonisation ?
Oui ! L'école française a parfois éduqué des enfants pour les administrations françaises. Mais de nombreux enfants de cette époque n'ont pas reçu d'éducation, et la plupart sont devenus des parents. Dans mon film, la plupart sont analphabètes. Mais attention, tu retrouves cela aussi dans le milieu citadin. Dans mon film, les deux instituteurs décident de faire des choses car ce sont des humanistes. On peut leur reprocher une forme d'incompétence, mais ils font le nécessaire pour envoyer les gamins dans les collèges, car ils veulent les pousser un peu plus loin. Mais, ce qu'il faut souligner plus, c'est la pauvreté de l'éducation scolaire. Lisez à l'occasion les manuels, c'est à s'arracher les cheveux. Par exemple, dans les bouquins d'histoire, tout est basé sur la colonisation, sur la haine de la France, la haine de l'autre. Qu'on désigne l'ennemi dès le jeune âge, c'est insupportable. Cela ne fait que desservir le système, surtout quand tu les obliges à assister tous les matins à la montée du drapeau.
Tous les matins ! C'est de la folie. A trop vouloir mettre du nationalisme et du religieux, cela les déphase et c'est dangereux ! Par exemple, je reproche constamment à de nombreux cinéastes algériens de ne pointer du doigt que les islamistes en les présentant comme le mal absolu. Il existe d'autres maux qui contaminèrent le système algérien, car toutes les formes de terrorisme n'ont pas débuté dans les années 1990, mais bien avant ! Qui fabrique la pensée islamiste ? Qui bloque le mouvement culturel ? La violence de l'Etat, par exemple, on n'en parle jamais, car elle est dans les arcanes même du système. Quand on voit les écoles, quand on assiste à une campagne électorale, on remarque toutes ces failles, tous ces mécanismes. C'est pour cela que Boudiaf voulait stopper tout cela ! Les cinéastes algériens, comme par une simplicité dramaturgique, pénètrent dans ce schématisme absolu. Quand je vois mes grands-parents, qui sont décédés, j'avais des conversations avec eux sur la religion, sur la culture, sur des livres. Je me souviens que l'Islam, dans leurs propos, était tolérant, magnifique, intelligent. Et maintenant ? C'est une question obsessionnelle que je me pose souvent en réalisant des films.
Nous avons l'impression que le cinéma algérien a toujours été frileux sur certaines thématiques...
Le cinéma algérien est encore en construction. Il n'y a pas encore eu de validation d'un cinéma. Il n'existe pas. Il y a eu des films autour de la guerre de Libération, mais il n'y a eu qu'un seul point de vue sur cette guerre. Les tortures du FLN n'ont jamais été abordées. Il y a des pans entiers de la guerre d'Algérie qui n'ont pas été abordés. Je reste effectivement obsédé par les années contemporaines, même si parfois, je convoque le passé, mais c'est pour mieux illustrer mon film. J'ai eu une sorte d'overdose de ce cinéma historique en tant que gamin. Tous les ans, on me bassinait avec La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo le 1er novembre. Tous les ans, lors du mawlid ennabaoui, j'avais droit au Messager (Mustapha Akkad, 1976). Un moment donné, j'ai eu l'impression que toute la décolonisation n'avait plus d'importance. De par mon travail, j'essaie de comprendre ce qui s'est passé entre Omar Gatlato (Merzak Allouache, 1977) et aujourd'hui.
Dans les années 1990, le documentaire a percé, avec Djamila Sahraoui ou Jean-Pierre Lledo, et posa des questions essentielles. Nos pères ne nous ont laissé, en termes de cinéma, pas grand-chose. Je vais vous raconter une anecdote. Quand j'effectuais ma formation en France, j'avais la possibilité d'avoir une bourse en tant que cinéaste apprenti pour aller étudier à Saint-Petersbourg. Je devais trouver un parrain du cinéma algérien. Je n'ai trouvé personne. C'est là que je me suis dis que chez nous, il y a une problématique liée à la transmission. J'espère que ma génération ne commettra pas ce genre d'erreur. J'ai souffert de cette absence de relais.
Est-ce qu'aujourd'hui, vous pensez qu'il y a une envie chez les jeunes réalisateurs algériens de vouloir travailler le réel par le biais du documentaire ?
Cela dépend de la manière de les sensibiliser. Il y a beaucoup de jeunes qui vont très vite vers le court-métrage de fiction, mais comme un rêve d'enfant. Je crois que le documentaire est plus de l'ordre de la maturité. Je ne veux pas dire que faire de la fiction, c'est quelque chose d'enfantin. Personnellement, plus jeune, j'ai beaucoup suivi l'école anglaise avec des cinéastes tels que Boorman ou Loach. Tant que je ne peux plus filmer un sujet, j'irais dans la fiction.
Oui, mais certains de vos films accaparent un genre cinématographique de fiction...
Parce que je suis un passionné de la fiction. Bon, mon père était psychiatre. On dit souvent que c'est de la médecine pauvre. La médecine riche, c'est la chirurgie. Le documentaire, c'est exactement la même chose. Majoritairement, les cinéastes se tournent vers la fiction, car avec le documentaire, tu te retrouves face à des gens du réel et tu ne peux les manipuler. Tu dois être toi et tu n'as pas le droit d'esquiver ce processus. L'implication du documentaire est beaucoup plus précieuse, car difficile en raison de la manière d'expliquer ton projet à ceux qui vont témoigner. Mais je ne vilipende pas la fiction. Ma première claque au cinéma, ce fut à la Cinémathèque algérienne, lorsque je vis Le Voleur de Bicyclette (Vittorio de Sica, 1948). Je m'en souviens encore de ce néo-réalisme et sans doute j'essaie d'insuffler un peu de ce genre dans mes films.
Comment travaillez-vous sur la construction narrative de vos films ?
Je pars du principe que chaque film doit trouver son univers formel. Quand j'ai tourné Des Vacances malgré tout (2001), je n'avais pas eu les autorisations de filmer en Algérie. Je sortais de Boudiaf, un espoir assassiné (1999). J'avais eu quelques soucis, donc j'ai dû écrire un film sur une famille de maghrébins qui allait séjourner en Algérie, mais en respectant la contrainte de ne pas tourner en Algérie. Donc, j'ai dû filmer à l'arraché. Je l'ai tourné comme un film de vacances. Pour Le Grand jeu, je l'ai traité comme un road-movie. J'essaie de donner à chacun de mes films un style différent. J'aime bien quand c'est transformable. Chaque espace de film doit me donner un dispositif formel propre et il faut que je m'y tienne. Dans La Chine est encore loin, ce n'était que l'amour d'un enfant, donc j'ai utilisé des gros plans, des mouvements de caméra qui, pour le coup, traduisaient une envie de s'exiler, car tous les Algériens sont en mouvement, sont des exilés. Il y a là une violence dans le mouvement. C'est du work-in-progress.
Vous avez parlé du Grand jeu qui portait sur les élections présidentielles de 2005. Pourquoi cette interdiction dans les deux pays ?
En France, il y a une question de diplomatie, mais cela n'excuse pas. En Algérie, il y a le culte du chef. Bouteflika est là, personne ne doit le toucher. Mais au départ, j'ai fais la demande auprès des deux camps électoraux. Le camp de Bouteflika était réticent, car je voulais avoir carte blanche. Benflis, alors qu'il a aussi une partie de l'armée avec lui, m'accorde une audience. Il m'écoute, on se parle et là, je lui sors un film de Raymond Depardon sur la campagne présidentielle de Valérie Giscard d'Estaing. Je lui dis : « Vous voyez, ce sera dans la même lignée et je pense qu'il faut le faire car ce sera inscrit dans la mémoire collective du pays. » Il a pris la copie et m'a donné son accord avant de voir le film. Je ne sais s'il l'a vu. Benflis me permettait de mieux voir les arcanes du système. On peut tout lui reprocher à Benflis, mais il m'a autorisé le tournage, le filmage, le montage. D'ailleurs, la seule chose qu'il m'ait demandé de faire, c'était de raccourcir la séquence avec Madame Boumediène qu'il trouvait trop présente. Je lui précise qu'elle est une figure importante et j'ai réussi à le convaincre. Benflis a été respectueux envers le film. Je reste incroyablement surpris. La question qu'il faut se poser, c'est si Benflis avait été élu, aurait-il accepté ce film ? Je ne sais pas. Peut-être…Je voulais montrer un sentiment de confiance entre un homme politique et un cinéaste.
Quand vous filmez Benflis dans Le Grand jeu, vous vous doutez qu'il va perdre ?
Quand je le filme, je ne le sais pas. En amont, oui... Mais, pendant le tournage, je ne préjuge de rien. Ce que j'entends, j'essaie de le croire, sinon, je serais dans l'incapacité de filmer. Dans Algérie(s) par exemple, si je haïssais les islamistes, je n'aurais pas fais de films. Il faut faire attention aux propos. Quand je filme les islamistes, c'est que je veux les entendre, je veux les comprendre et non les rejeter en bloc. Je ne dis pas que j'y adhère, je veux juste filmer tout cela. C'est le métier de cinéaste. C'est la même chose qu'avec Benflis, je ne dois surtout pas le voir comme un perdant, il faut que je le filme sans artefact. Il y a des hommes autour de lui, une partie de l'armée, il y a eu de l'humain derrière lui et c'est ce qui m'intéressait.
Dans votre film, Boudiaf, un espoir assassiné, il y a un plan qui interroge le réel. Il s'agit de son assassinat. Il y a un hors-champ qui n'est pas montré. J'ai l'impression qu'à ce moment-là, le cinéma n'a plus de rôle à jouer...
Vous avez raison. Quand j'ai fais ce film, j'ai eu beaucoup de difficultés à récupérer des images d'archives. Dans Algérie(s), j'ai réussi à obtenir quelques plans supplémentaires après l'assassinat où l'on voyait un semblant de corps. Le hors-champ dont vous parlez est impossible à récupérer. Mais je n'étais pas dans ce questionnement, car à cette époque, c'est-à-dire en 1997, j'étais plus dans la tragédie grecque. Je voulais montrer le théâtre comme dans César et Brutus. Même s'il m'était impossible de récupérer le plan du meurtre, je me disais que pour la première fois, la Télévision algérienne créait une sortie de dramaturgie shakespearienne. Tuer Boudiaf dans ces conditions de direct, c'était extraordinaire. Cela signifie que ceux qui ont commandité l'assassinat ont bien saisi la présence des caméras, donc du direct. C'était une période difficile, car les massacres étaient encore présents. Tout était fermé. Et jusqu'à ce jour, je n'ai jamais eu accès aux archives. La mort de Boudiaf reste l'un des secrets les mieux gardés en Algérie avec la corruption dans l'économie algérienne. Je ne suis ni juge ni flic, juste un cinéaste.
Filmographie :
La Chine est encore loin, 2008.
Le Grand jeu, 2005.
Aliénations, 2004.
Algérie(s), 2003.
Plaisirs d'eau, 2001.
Des vacances malgré tout, 2001.
Dêmokratia, 2000/2001 .
Boudiaf, un espoir assassiné, 1999.
Decibled, 1998.
Culture Pub (spécial Algérie), 1997.
Visions of Bali, 1997.
Algerian TV show, 1996.
Territoire(s), 1996.
Barcelone, 1992
Roumanie, l'après-Ceaucescu, 1990.
Est-Ouest : l'Immigration au pied du mur, 1990.
Le Trafic des Icônes, 1990
Repère :
Dans la filmographie algérienne, la démarche de Malek Bensmail apparaît comme particulière. Né en 1966 à Constantine, il y réalise plusieurs essais en super 8. Il participe régulièrement aux festivals de cinéma amateur et obtient un prix national. En 1988, il quitte Constantine pour Paris afin d'y poursuivre des études de cinéma. Diplômé de l'Ecole supérieure d'études cinématographiques, il effectue un stage dans les studios de Lenfilm à Saint-Petersbourg. Il se consacre au documentaire de création engagé sur son pays et développe une écriture spécifique sur la question de l'appartenance et de l'identité. Réalisateur de documentaires aussi importants que prestigieux (Aliénations, 2004 ; Algérie(s), 2003 ; Le Grand jeu, 2005), c'est un écrivain du regard. Depuis 2008, Malek Bensmail est sur tous les fronts avec son dernier opus, La Chine est encore loin. En ce moment, ll préside le jury longs-métrages du festival Songe d'une Nuit DV qui se tient à Paris. C'est à cette occasion qu'il nous a accordé cet entretien où il revient sur sa filmographie, la construction du cinéma algérien et l'identité citoyenne. « Mon identité, c'est ce qui fait que je ne suis identique à aucune personne », écrit Amin Maalouf. Belle description du cinéma de Bensmail


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