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La valeur du don de rein
Prospectives sur la transplantation rénale en Algérie
Publié dans El Watan le 22 - 04 - 2010

Chaque personne adulte devrait être sollicitée de son vivant sans y être contrainte. Chaque individu devrait être informé qu'il est un donneur potentiel et non un donneur présumé.
L'introduction dans les programmes scolaires d'un enseignement à la citoyenneté et à la santé est très utile pour comprendre les problèmes de dons d'organes. La première conférence internationale de néphrologie, concernant la transplantation rénale en Algérie, s'est tenue au Complexe olympique de Chéraga, le 13 avril 1985. Les médecins cliniciens, chercheurs, chirurgiens, médecins légistes, immunologistes, juristes, sociologues et hommes de religion ont participé à cette manifestation et ont animé les débats intéressant les patients et la société tout entière. Des personnalités médicales des continents européen, africain, américain et asiatique étaient présentes. Les autorités religieuses, par la voix du regretté professeur Ahmed Aroua, médecin, ont apporté un éclairage considérable à la solution de la problématique du don d'organes.
Les propos qu'il a prononcés semblent toujours être d'actualité. Ses citations tirées des textes sacrés ont « devancé » les réflexions de la population, du législateur et des autorités de la santé publique. A cette date anniversaire — un quart de siècle déjà ! — il paraît utile d'apporter un point de vue sur la greffe rénale à partir d'un donneur décédé. Si les autorités religieuses ont aidé les médecins et les professionnels de santé à avancer dans leurs réflexions et dans l'organisation d'un programme de greffe rénale, il convient maintenant, dans la société algérienne de 2010, de faire le point sur la valeur du don d'organes.
Pour le receveur d'organe, la greffe ne représente pas seulement un indéniable intérêt sur le plan de la santé et de la qualité de vie, mais elle est ressentie comme un bénéfice, c'est-à-dire quelque chose qui revalorise la vie dans son entier. Le don fait comprendre la valeur inestimable, aussi bien au receveur qu'à la société tout entière, du sens de la solidarité humaine en acte. L'anonymat du don en fait un acte universel, et donc éthique. En effet, il ne s'agit pas d'un geste adressé à un individu en particulier, pour des raisons de préférence ou de lien affectif qui uniraient donneur et receveur, comme cela se passe dans le cas du vivant. Le don, par la garantie du double anonymat, est véritablement universel, c'est-à-dire n'importe qui peut donner à n'importe qui, sans la moindre restriction autre que médicale. Un être humain donne à un autre être humain. Ainsi, le geste du don prend ici toute sa force éthique.
Symétriquement, comme pour le sang, en Algérie, n'importe qui reçoit de n'importe qui sans préférence et sans exclusion. Il y a là aussi l'affirmation concrète d'une égalité entre les hommes, sans distinction de sexe (homme/femme), qui est totalement abolie dans la répartition du sang et logiquement pour des organes à greffer. Dans le cas du donneur décédé, on voit mal pourquoi le don post mortem, geste généreux a priori, ne serait pas éthique, d'autant qu'il est universel, sans préférence ni exclusive. Il se rapproche par là du don pur, c'est-à-dire désintéressé. Le donneur n'a rien à attendre en retour, pour la bonne raison qu'il est décédé au moment de son choix, celui de donner un organe.En consentant ce geste effectué sur lui après sa mort, il donne bien en avance ce que l'on va lui prendre postérieurement à son décès. C'est une sorte de don anticipé.
Ce donneur, qui a réfléchi de son vivant que son corps peut servir à sauver autrui, a une générosité réelle de faire de sa propre mort quelque chose d'utile pour les autres. Quand le « don sert à sauver une vie humaine, le doneur aura accompli par son choix un acte bénéfique qui lui ouvrira les portes du paradis ». (citation du Pr Ahmed Aroua, lors de la conférence « Prospectives de la transplantation rénale en Algérie » du 13 avril 1985). Ces propos ont été cités de nouveau dans El Watan, en janvier 2008, par le docteur Dalil Boubekeur, recteur de la Mosquée de Paris. Dans une société moderne, le don est de l'ordre du symbolique. Néanmoins, il faut accepter d'abord de prendre en considération la réalité de sa propre mort, ce qui peut être coûteux pour certains et qui représente un effort psychologique important.
Des enquêtes devraient être faites de nouveau auprès de la population en Algérie pour connaître son point de vue. Il faut aussi beaucoup de courage pour en parler aux autres, aux proches, les aviser de notre décision, qui ne sera pas toujours bien perçue et peut même parfois choquer, notamment dans les familles rurales traditionnelles. Cependant, en prenant le risque d'en parler à ses proches, on leur évite la douleur supplémentaire d'un dilemme moral venant s'ajouter à celle, terrible, de la perte, si elle devait se produire. Ne pas le faire, c'est en quelque sorte se décharger moralement sur eux de la question. La question de la mort par les proches du donneur potentiel suscite aussi beaucoup d'interrogations.
Le donneur décédé, à proprement parler, n'a plus de problèmes dans ce monde puisqu'il est mort. Si des problèmes se posent, ils concerneraient ses proches.La première difficulté, qui va générer le trouble dans la représentation de la mort par le public averti, notamment urbain et chez les proches du donneur potentiel, tient à l'ambiguïté de la définition légale de la mort. Le consensus des sociétés actuelles a longtemps considéré l'arrêt cardiaque comme le signe manifeste de la mort. Si la notion de mort cérébrale a commencé à être envisagée dès 1959, ce n'est qu'en 1968 que les progrès techniques de la réanimation (ventilation artificielle et réanimation cardio-pulmonaire) ont permis de la décrire et d'envisager de fournir des critères de définition de la mort. La déclaration de Harvard, USA, en 1968, donne validation scientifique à la mort cérébrale. Celle-ci est considérée comme l'incompétence du cerveau, c'est-à-dire son incapacité à faire accomplir les fonctions vitales, comme la respiration, la marche de la pompe cardiaque et la circulation sanguine.
Suite au constat de manque de greffons disponibles sur des donneurs décédés par mort encéphalique, il a été envisagé, dans certains pays développés, la pratique du prélèvement sur personne décédée à « cœur arrêté ». Ce qui est particulièrement difficile à définir scientifiquement, c'est le caractère persistant de l'arrêt, en quelque sorte sa durée, le temps au- delà duquel on peut considérer, avec certitude, que la personne est morte. D'autant plus que de nouveaux progrès techniques dans la réanimation enlèvent les certitudes absolues concernant les bonnes pratiques, en particulier la durée consentie au massage cardiaque. On se heurte là à un problème crucial qui est celui de la définition des limites de la frontière séparant l'état de vie et celui de mort.
Pour les praticiens, le problème est terrible dans le cas de figure précis du constat de mort par cœur arrêté, qui consiste à déterminer quand on bascule de l'acte thérapeutique de la réanimation d'une personne apparemment morte à l'acte de préservation des organes par les techniques appropriées. Ces techniques ont montré, dans certains cas, leur capacité à être aussi thérapeutiques.
La réflexion et la discussion communes, la confrontation des expertises et des expériences paraissent être la seule solution pour que se dégage le consensus nécessaire à la légitimation rationnelle de ces pratiques, toujours confrontées aux marges. Pour ma part, il me paraît difficile dans l'état actuel de l'infrastructure sanitaire du pays, de ses moyens matériels, humains et de la problématique de l'éthique d'envisager une telle disposition. Le prélèvement sur personne décédée à « cœur arrêté » ne peut être effectué actuellement en Algérie. La mort dite encéphalique est bien réelle et constitue un processus irréversible. On n'est pas en présence d'un coma. C'est pourtant cet état de mort encéphalique qui est le plus difficile à admettre pour la famille du défunt.
Du fait des techniques mises en œuvre pour la conservation des organes dans le corps du défunt (ventilation, circulation...), le corps est chaud, souple, et la personne décédée n'a pas un aspect cadavérique, mais celui d'une personne qui dort. Comment alors pour ses proches admettre la réalité de la mort ? Il faut pour cette famille un héroïsme hors du commun pour parvenir à l'accepter et à entériner dans l'immédiat cette acceptation. Peu de familles en seraient capables car « la culture du don » a du mal à trouver sa place dans la société, d'autant plus qu'il y a absence de moyens suffisants pour lui permettre de se développer réellement.
Pour les sociétés modernes, le sens possible ou la valeur du don d'organes se réfère à autre chose qu'à la fameuse triple obligation de « donner, recevoir, rendre », connue dans certaines sociétés anciennes. La première sphère de compréhension dans laquelle s'inscrit la transplantation d'organes avec des expressions comme « le don de vie », « le don de soi » est celle du don classique, une sorte de morale vertueuse où on a affaire à « un don pur », altruiste totalement désintéressé.
On peut y opposer radicalement une vision intéressée du don d'organes, qui y voit un calcul égoïste de la part de celui qui donne. Ce principe ne pourrait être envisagé dans sa radicale crudité, car si seuls ceux qui accepteraient de donner avaient le droit de recevoir, c'est-à-dire de s'inscrire sur les listes d'attente de greffes, le projet médical et sociétal de greffes d'organes en Algérie ne pourrait se réaliser. Enfin, une troisième perception de la question considère que l'Etat, par son intervention, normalise le don d'organes par des contraintes législatives et pourrait tout aussi bien le rendre obligatoire. Dans son expression la plus radicale, l'homme abandonne son corps à la collectivité pour le bien de celle-ci, comme si l'Etat « nationaliserait » les corps. En effet, en cas de guerre, on ne demande pas aux individus s'ils veulent se sacrifier ou non, mais on les y contraint.
Cette « radicalité » paraît difficilement envisageable, voire inacceptable, dans le cas de la greffe d'organes en Algérie ou ailleurs dans toute autre société. Le plus souvent, la réalité se plaît davantage à un compromis intelligent qu'à l'affirmation de positions extrêmes qui se nient d'elles-mêmes dans leur intransigeance. A ce titre, il me paraît qu'aucune de ces trois définitions du don ne peut constituer le fondement d'une société. Une pratique, comme la transplantation d'organes, ne peut être déconnectée des fondements de la société. Il conviendrait donc de rassembler les hommes dans un univers d'échanges sans obligation, dans une sorte de participation symbolique. Chaque personne adulte devrait être sollicitée de son vivant sans y être contrainte. Chaque individu devrait être informé qu'il est un donneur potentiel et non un donneur présumé.
Notre société, à l'instar d'autres sociétés dans le monde, est actuellement dominée, voire « écrasée », par les rapports marchands, et le don pourrait être porteur de perspectives de bonheur et de rêve pour la population. Dans certaines contrées, l'appât du don est aussi fort que l'appât du gain. Il faudrait réfléchir à des solutions de conciliation de l'idéal éthique et des réalités pragmatiques. Elles pourraient commencer par une éducation. Il est facile de faire entrer dans les programmes scolaires un enseignement à la citoyenneté et à la santé, qui traite très précisément de la question de la transplantation d'organes. Il est également possible d'informer, de façon honnête et loyale, les citoyens à l'occasion d'un contrôle de médecine du travail, examen d'embauche, service national, programme d'information de population par les supports médiatiques et de recevoir par écrit leur consentement affirmatif et franc. A mon avis, le consentement présumé ne peut avoir sa place en Algérie dans le contexte actuel.
La participation de la société à un débat sur ce sujet paraît être un impératif incontournable. Les autorités religieuses ont apporté leur contribution à faire avancer la réflexion il y a déjà un quart de siècle. Leur éclairage est suffisant pour la mise en œuvre d'un programme clair de greffes d'organes. Afin que se développe une véritable culture du don, ces actions d'information et d'éducation sont très utiles. Ainsi, dans ce contexte, la seule obligation du citoyen serait de se prononcer, et non de dire oui. D'autre part, il en serait fini de l'incertitude, de l'ambiguïté et de la souffrance supplémentaire infligée aux familles lors d'un décès accidentel, puisque chacun s'étant prononcé, tout serait clair pour tout le monde.
Le comportement de cavalier seul, qui consiste à souhaiter recevoir le bénéfice d'un système auquel on refuse néanmoins d'apporter sa participation comme contributeur, doit être expliqué à la population. Refuser de donner, c'est se mettre volontairement hors du circuit du don et donc, logiquement, c'est accepter de ne pas en recevoir. Il conviendrait donc de signifier aux personnes, lorsqu'elles sont amenées à se prononcer, qu'il en va logiquement ainsi. L'objection majeure, c'est qu'on imagine mal un système de santé interdire à quiconque, du fait de son choix en tant que citoyen, la possibilité d'accéder à un soin auquel il a droit en tant que malade potentiel.
Ce serait contraire à toute déontologie, et je pense qu'aucun médecin ne l'accepterait. Dans ce contexte, en dehors de l'urgence médicale absolue et tout en étant égal par ailleurs sur le plan médical et éthique, le donneur potentiel inscrit sur une liste serait prioritaire par rapport à celui qui ne se serait pas prononcé. La présentation claire et franche de cette restriction a minima serait en fait une invite à réfléchir à la réalité du système de transplantation d'organes, pour la participation du plus grand nombre au bénéfice de tous. Je ne doute pas que si l'éducation devenait effective, cette culture de la solidarité active se développant, les comportements de cavalier seul deviendraient l'exception. Le coût de la mise en place et du fonctionnement d'un système, mettant réellement en acte les principes qui le fondent, apparaît sans doute encore comme trop élevé pour les pouvoirs publics en Algérie dont les moyens semblent limités à l'heure actuelle.
Pr H. S. : Néphrologue, Directeur de la Maison du rein, Palm Beach, Staouéli, Alger, Membre fondateur et ancien président de la Société algérienne de néphrologie et du Comité pédagogique national de néphrologie, Ancien chef de service de néphrologie du CHU Beni Messous


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