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«Les textes ne sont pas les seules sources lorsqu'il s'agit de caractériser l'indépendance de la justice»
Me Boudjemaâ Ghechir. Avocat et ancien président de la LADH
Publié dans El Watan le 04 - 11 - 2019

L'avocat et ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, maître Boudjemaâ Ghechir, livre ici son point de vue sur la grève des magistrats, sur sa portée, et réagit aux récentes déclarations du SNM, notamment celles liées à l'appréhension de la grève par l'opinion publique.
– Le président du SNM a rejeté les accusations de «justice du téléphone». Comment expliquer que des magistrats renvoient systématiquement en prison les activistes du hirak ?
Issaad Mabrouk a rejeté les accusations de justice du téléphone, mais il a oublié que les poursuites pour port de l'emblème amazigh ont été déclenchées après le discours du vice-ministre de la Défense. Si l'on en croit ses déclarations, donc, dans les rangs des magistrats il y en a qui ont la maladie de la servitude volontaire, et pour ceux-là la guérison est très simple, nous leur disons : «Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres !»
– Que pensez-vous de cette «révolte» inédite des magistrats ?
Il faut reconnaître que dans les rangs des magistrats, il y a des gens honnêtes qui essaient de changer les choses. Je parle en connaissance de cause, parce que j'ai suivi de près leurs initiatives. Parmi eux, il y en a qui font de la résistance, à l'image de l'actuel président du Syndicat des magistrats. D'ailleurs, c'est lui qui a organisé la première sortie des magistrats au début du hirak. Et cette révolte est plus forte ; elle a mobilisé pratiquement tous les magistrats et plusieurs membres du Conseil supérieur de la magistrature. Son côté positif est le refus de la situation actuelle et l'exigence que la gestion de la carrière professionnelle des magistrats soit assurée par le CSM. Cette démarche est un premier pas vers l'indépendance de la justice.
Aussi, la grève a démontré clairement comment le ministre de la Justice se comporte avec les magistrats et leurs représentants, ce qui confirme qu'il peut même donner des ordres aux magistrats du siège. Cela dit, la grève a aussi un côté négatif, car elle est illimitée et a des conséquences négatives sur le sort de certains détenus qui attendent leurs procès depuis des mois et peut-être des années, et sur la garde à vue au niveau des commissariats de police et les brigades de gendarmerie. Comme elle a des conséquences négatives sur les personnes qui demandent des certificats de nationalité ou des casiers judiciaires, qui peuvent perdre des opportunités pour présenter un dossier ou participer à un concours.
– Beaucoup d'Algériens ont exprimé des critiques à l'égard de cette grève et des magistrats motivés, dit-on, seulement par leurs intérêts personnels…
Les Algériens ont exprimé des critiques à l'égard de cette grève, parce que l'appareil judiciaire est incapable d'assurer la protection des droits et libertés des citoyens ; il est même complice du système politique. Il faut voir son comportement par rapport aux grèves, par rapport aux détenus d'opinion et politiques, les jeunes du hirak…
– Le dernier communiqué du SNM a enregistré cette attitude, il a critiqué et l'opinion publique et les autorités…
Si l'attitude des autorités trouve son explication dans la volonté du pouvoir politique de maintenir l'appareil judiciaire sous son emprise, l'attitude des citoyens trouve son interprétation dans les jugements prononcés en leurs noms, et qui ne reflètent pas l'impartialité et l'indépendance. Lorsque quelqu'un définit les caractéristiques que devrait incorporer le dessein de l'institution dans laquelle il travaille, il exprime en fait de manière sous-jacente les valeurs auxquelles il adhère, qui devraient, selon lui, être présentes. Je crois que le SNM dans son action cherche «la bonne justice», et c'est formidable, car c'est ce que cherchent les Algériens.
Pour qu'un procès soit équitable, toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Mais dans la conjoncture actuelle, quel est le bien-fondé des accusations contre les jeunes de l'emblème amazigh ? Quel est le bien-fondé des accusations contre Louisa Hanoune, Lakhdar Bouregaâ, Karim Tabbou, Fodil Boumala, Fersaoui, Addad, Samira et les autres détenus ? Ces personnes sont toutes placées en détention par des juges, ceux-là mêmes qui cherchent le soutien de l'opinion publique pour le mouvement de grève.
Quelles que soient ses bonnes intentions, le SNM néglige un paramètre très important dans la relation entre le juge et la société : l'acceptation sociale de la justice rendue, c'est-à-dire la légitimité de cette justice et la confiance qu'elle suscite auprès des justiciables. Si l'opinion publique n'a pas soutenu le mouvement des magistrats, les sondages auprès des justiciables peuvent aussi nous renseigner sur l'idée que se fait la population de la justice. Pour l'Algérien, la justice ne représente pas une garantie contre l'inégalité ; la justice est pour les riches. Au tribunal, on est jugé d'avance, le juge ne nous écoute pas.
– Les grévistes affirment placer la revendication de l'indépendance de la justice comme priorité de leurs revendications et demandent que les lois qui régissent l'exercice de la magistrature soient changées…
Les textes ne sont pas les seules sources auxquelles se référer lorsqu'il s'agit de caractériser l'indépendance de la justice. Il faut identifier les valeurs et les attentes qui sous-tendent le concept de « bonne justice » comme révélateur de la culture institutionnelle de celle-ci : le niveau de la formation des magistrats, leur personnalité, leur courage, leur expérience, leur intégrité et leur sentiment d'indépendance, le niveau de la dose de leur humanisme, leur conscience de la gravité de leurs décisions, leur capacité d'initiatives, leur bon esprit de synthèse.
– Est-ce à dire que ces conditions font défaut dans le corps des magistrats algériens ?
L'indépendance de la justice s'incarne sur deux niveaux. Le premier renvoie à l'état d'esprit des magistrats et le deuxième à sa culture. Et les deux ne se trouvent pas dans les textes de loi. Premièrement, un magistrat doit ne craindre ni le président de la cour, ni le ministre, ni qui que ce soit, et il doit vivre pleinement sa liberté. On est libre quand on y croit et qu'on se comporte librement, et non pas parce que c'est écrit dans un texte de loi. La loi te protège dans un Etat de droit, parce que la référence en justice c'est la liberté, mais quand le magistrat est réfractaire à l'indépendance dans son intimité, dans sa conscience, dès qu'il est devant un litige juridique, on l'a vu, il suspend l'audience et monte chez le président de la cour.
Les magistrats doivent d'abord commencer par se libérer mentalement de cet esprit de dépendance, le reste viendra après. Il faut savoir aussi que les textes actuels ne gênent pas à ce point l'indépendance de la justice, en revanche, ce qui, par exemple, peut entraver l'indépendance, c'est la composante du CSM qui ne donne peut-être pas assez d'indépendance dans la gestion de leur carrière, parce que la moitié sont des parquetiers, et les parquetiers chez nous se prennent pour des fonctionnaires et non pour des magistrats, et donc ils reçoivent les instructions du ministre. Cet état de chose fait que les magistrats élus deviennent une minorité et perdent de leur influence au niveau du CSM.
Cela dit, maintenant qu'une partie du CSM a contredit le ministre, en déclarant ne pas avoir pris part à la décision pour le mouvement, c'est une bonne chose parce que cela permet au CSM de récupérer ses prérogatives et agir dans le sens de la libération des magistrats. Ensuite, pour l'application des textes, quand le magistrat est qualifié mentalement, intellectuellement et par ses compétences, il a une culture de magistrat qui lui permet d'aller au-delà de l'application stricte des lois et l'appréciation détachée des faits, car cette attitude empêche souvent une appréciation humaine et logique des cas. Avant de demander le changement des textes, on demande que le magistrat soit qualifié pour être magistrat.
– Cela renvoie à la qualité de la formation. N'est-ce pas que la plus faible des formations au sein de l'université algérienne est celle du droit ?
Tout à fait. Nous travaillons actuellement avec l'IEDA (Institut pour la démocratie et l'assistance aux élections, ndlr) autour de la culture judiciaire, et tout vient de là. Le candidat à la magistrature passe par la faculté de droit, ensuite par l'institut de magistrature et enfin et surtout, il est soumis à la sélection, parce que normalement, avant d'accéder à la magistrature, il doit répondre sans faute à des tests sur des sujets, comme sa conception de la liberté, à défaut de quoi, un parquetier, par exemple, enverra systématiquement en prison les personnes que lui ramène la police.
C'est l'un des défis majeurs de la justice algérienne dans les années à venir : mettre en place des réformes améliorant les qualités sur lesquelles les efforts les plus importants sont attendus. Surtout les qualités décisives pour une bonne justice, comme l'incorruptilité, l'impartialité, l'équité et l'indépendance.


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