Cela faisait longtemps que le journal télévisé de l'Unique racontait le quotidien d'une Algérie dans laquelle l'Algérien ne se reconnaissait pas. Il n'y avait jamais la parole, sauf pour vanter les prouesses de l'équipe gouvernementale et du président Bouteflika. Pendant des années, le citoyen s'était résigné à voir, dans la lucarne, l'Algérie fictive et surréaliste qu'on voulait bien lui montrer. Lorsque, en septembre dernier, la Télévision algérienne s'est mise subitement à jouer son véritable rôle de service public, la stupéfaction fut presque aussi grande que le budget consacré aux médias lourds. C'est que, du jour au lendemain, la caméra de l'EnTV se faufilait dans les services crasseux des hôpitaux publics dans lesquels s'amassaient des malades contraints de prendre leur mal en patience. L'œil de l'ETV dévoilait que les travaux publics, au nord comme au sud du pays, n'avançaient pas aussi bien qu'on a bien voulu nous le faire croire. Et le micro était brusquement tendu à quelques voix discordantes. Au lieu de se réjouir du fait que l'Unique s'intéresse enfin à leurs véritables problèmes, les Algériens s'en sont inquiétés, craignant le pire. Dans les cafés et les chaumières, chacun y allait de son commentaire, l'un soupçonnant une «guerre de clans au sommet», l'autre pensant que le régime s'échinait à faire bonne figure à l'étranger. Le ministre de la Communication avait beau souligner qu'un vent de réforme souffle désormais sur la télévision publique et que la «révolution» est en marche, cela paraît encore trop beau pour être vrai. «Avez-vous remarqué que la télévision a fait du bon travail dernièrement», a lâché Nacer Mehal, en octobre à l'APN. «Il ne faut pas laisser le champ aux autres de parler de nos problèmes», a plaidé l'ancien directeur de l'APS, soulignant qu'il s'agit là des directives du président de la République. Dès 2011, nous a-t-il promis, la Télévision algérienne s'ouvrira au débat politique. Pour autant, la tolérance a des limites : une ouverture du champ audiovisuel ne semble pas encore envisagée.