Le rôle de l'Algérie dans la défense des droits de l'homme au niveau international salué    Algérie : Manœuvres insidieuses autour de l'exploitation du gaz de schiste dans le Sahara    Déshabillons-les !    Le pouvoir politique US des deux poids, deux mesures, mis à mal par la protesta estudiantine, les manifestations populaires, et la résistance palestinienne    Lancement d'une campagne nationale sur la prévention des accidents de la route    Enseignement supérieur/Pêche: signature d'un accord-cadre de coopération    ONU: plus de 500 Palestiniens tombés en martyrs en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre    UPA: la proposition de l'Algérie d'inscrire la cause palestinienne au programme de toutes les activités parlementaires africaines largement saluée    Ghaza: 9 enfants sur 10 souffrent d'une grave pauvreté alimentaire    Mondial-2026 (Algérie-Guinée): les Verts joueront en Blanc    Mondial-2026: ultime séance des Verts avant son match devant la Guinée    Sommet Afrique-Corée: une occasion pour renforcer davantage la coopération avec l'Algérie    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 36.654 martyrs    Belaribi inspecte les travaux de réalisation des infrastructures publiques au pôle urbain "Haouch Erih"    Journée parlementaire: les efforts visant à moderniser et développer le potentiel militaire de l'ANP salués    « Pour une intégration efficiente et inclusive »    Les défis écologiques de l'été    Le zugzwang    L'Organisation de la coopération islamique salue la reconnaissance de la Palestine par la Slovénie    Les Palestiniens déplacés vivent dans des conditions «épouvantables» à Al-Mawasi, dénonce Oxfam    Sonatrach participe à la Semaine de l'énergie de Bakou    Importance de la formation des journalistes dans les domaines économiques    Algérie – Guinée ce soir à 20h Les Verts face à un adversaire déterminé et rugueux    Tour du Cameroun (4e étape) : Victoire de Ayoub Sahiri    «Le match face à l'Algérie sera un tournant»    10 partis politiques pour un candidat de consensus    Les cinq conditions pour pouvoir produire 200 milliards m3 et exporter 100 milliards de m3 gazeux à l'horizon 2029/2030    Décès d'un enfant dans l'incendie d'un appartement à Aïn Fekane    Traitement de trois affaires d'émigration clandestine    Grand nettoyage de la plage de Clovis à Ben Abdelmalek Ramdan    El Tarf: 3 ans de prison ferme à l'encontre d'une jeune fille pour "fuite de sujets et réponses des épreuves du BEM"    Nécessaire utilisation d'une langue arabe simplifiée dans la communication    Près de 80 jeunes initiés aux Techniques théâtrales    Mouloudji inspecte des projets culturels et opérations de restauration    Remise des distinctions aux lauréats du premier concours de design urbain au service de l'authenticité    Mouloudji souligne l'importance que les pouvoirs publics accordent au 7e art    Qualifications Mondial-2026/Algérie: la préparation pour le match contre la Guinée bat son plein    Chanegriha exige plus de résultats opérationnels    Archéologie: conférence à Alger sur l'évolution de l'espèce humaine    Commission mémorielle ou marché aux puces    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le Sahara-Sahel face à l'AQMI (Contribution) : La vraie fausse opacité d'un espace aux marges du monde
Actualité : les autres articles

La région saharo-sahélienne focalise les inquiétudes par le condensé de tensions la parcourant, où se mêlent conflits de territoires, violences politiques, actions terroristes et trafics.
Mais, surtout, elle alimente les fantasmes par une supposée opacité voilant les multiples filières (trafiquantes, militaires ou criminelles) qui la parcourent et les actions qu'elles y mènent. Lieu de dangers brumeux et insaisissables dont l'absence de traçabilité et de prévisibilité s'expliquerait par l'opacité promue comme caractéristique principale, et d'abord physique, de cet «espace gris échappant à tout contrôle». Une opacité que les analystes «stratèges» s'empressent de certifier, à distance, comme une évidence et comme le facteur principal de dangerosité. Ce serait ainsi le principal atout au déploiement d'Al Qaîda dans la région.
Il est pour le moins paradoxal et révélateur, qu'on ait pu opérer une mystification sur une prétendue opacité de cet espace alors qu'il est l'un des mieux contrôlés. Pas, il est vrai, par les Etats nationaux pour lesquels il reste un espace gris et d'irrédentisme, mais plutôt par les populations locales qui le pratiquent intensément par leur mobilité même si celle-ci a changé de forme. C'est l'occultation de ces populations qui voile le regard sur cet espace et le plonge dans une apparente obscurité.
C'est pourtant l'espace dont la structuration spatiale, assise sur un substrat social ancestral, est bien balisée. Ainsi, les itinéraires possibles, peu nombreux, ont peu varié depuis le Moyen Âge qui en a écrémé l'essentiel. Leur contrôle pour les échanges commerciaux ou le pastoralisme a toujours été vital pour les tribus, même quand le profit en était devenu dérisoire. Les trafics illicites et de plus en plus criminels, très juteux, attisent aujourd'hui la compétition pour ce contrôle. Bien que le nomadisme ait perdu de sa vigueur et que parfois il soit réduit à une relique et même si les Sahariens sont majoritairement urbanisés, pour la plupart dans des grandes villes, ils ont reconstruit une «sédentarité nomade» qui leur fait toujours parcourir, entre les grands centres où ils se répartissent, les mêmes itinéraires de nomadisation. Ils peuvent ainsi contrôler ou s'associer à des échanges contraints de se mener en dehors voire contre des Etats-Nations qui se tournent le dos, offrant ainsi un interstice aux trafics.
Ces derniers ne sont ni un phénomène marginal ni le fait d'acteurs marginaux et ne sont, de ce fait, nullement opaques. Ils impliquent communautés locales et Etats. Si les premières lui servent de vecteurs par leurs solides et vieux réseaux relationnels, l'implication des Etats dans ces trafics va au-delà des bénéfices qu'en tirent ses agents et ses officiers supérieurs qui en font une grasse «prime de terrain». Elle est un élément essentiel et planifié de leurs stratégies sécuritaires, les trafics, tolérés ou souvent alimentés par leurs services de sécurité, servant de moyen de pénétration. Ils s'assurent ainsi parmi les populations des allégeances utiles pour surveiller les confins de leurs territoires, infiltrer et récupérer les mouvements dissidents des pays limitrophes pour se prémunir de leur contagion ou les utiliser comme atout diplomatique. Ils ne peuvent faire mine de découvrir ce qu'ils couvrent eux-mêmes.
Il est une vérité élémentaire que connaissent et pratiquent aussi bien trafiquants, militants clandestins que services : la «clandestinisation» des actions n'est pas une abstraction. Elle est tributaire du degré d'ancrage infrastructurel et social dont peuvent bénéficier les acteurs. Et cette vérité est encore plus évidente au Sahara, aride et ponctuellement peuplé, scène qui dénude plus qu'ailleurs ceux qui s'y déploient. Trafiquants et AQMI n'agissent pas comme des facteurs externes obéissant à des dynamiques propres, mais sous la prégnance de cadres géographiques et sociaux bien plus contraignants qu'ailleurs.
Comme les trafics, le déploiement actuel des islamistes au Sahara n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Leur présence est avérée depuis le milieu des années 1990 où ils en avaient fait une base de repli, de repos et d'approvisionnement. Visibles à l'œil nu du citoyen, ils l'étaient encore plus à celui des services des pays du pourtour saharien qui les ont laissés tisser leur toile dans les grandes places marchandes sahariennes renaissantes et ont négocié avec eux soit pour s'en prémunir, soit pour les instrumenter, leur laissant le temps de nouer des alliances avec les tribus commerçantes et les trafiquants. Il n'est pas fortuit que tous ceux qui aujourd'hui font valoir des capacités de négociation avec les islamistes au Sahara sont, au moins par leur parenté, justement issus de ce milieu.
Ainsi longtemps avant que le Sahara ne bascule dans la violence islamiste coexistaient des couloirs de trafics qui veillaient à ne pas s'empiéter : celui des trafiquants, celui des militaires et celui des islamistes. Autant d'ancrages qui ont déblayé le terrain aux groupes armés qui y transporteront leurs actions, pour une part en raison de leur échec au nord de l'Algérie, et achèveront cet ancrage par une implantation tribale scellée par des alliances matrimoniales et la redistribution de l'argent des trafics. C'est cet ancrage qui donne aujourd'hui à l'AQMI une capacité opérationnelle sur laquelle il ne faut cependant pas se méprendre. Son implantation ne concerne en effet que des fractions, voire des individus et, en dehors du sanctuaire des Iforas, ses liens sont moins forts avec les Touareg ou les Maures qu'avec certaines tribus commerçantes dites «arabes», auparavant bien impliquées dans les trafics.
Le discours islamiste rencontre plus d'écho chez les populations sud-sahéliennes qui, par le jeu clientéliste des pouvoirs centraux sahéliens, trustent toutes les positions de pouvoir dans le pays touareg, occupant ainsi l'essentiel des postes dans les sociétés d'exploitation de l'uranium. Ce fut d'ailleurs une des raisons des multiples révoltes des Touareg qui se voient exclus dans leur propre pays. Et comme hier dans le commerce transsaharien, les Touareg ne profitent qu'à la marge des trafics, surtout comme convoyeurs et parfois comme pilleurs pour imposer leur suprématie sur cet espace. Le Sahara n'offre pas non plus un type de conflit comme en Irak, où l'AQMI a pu se greffer sur un conflit confessionnel.
Mais surtout son ancrage au Sahara est bâti sur des équilibres instables. En effet, rien n'est plus éphémère et mouvant que les allégeances tribales dans le monde nomade où le «nomadisme des alliances» est une vertu assurant la survie de la communauté et des individus. Et rien n'est aussi instable que les équilibres à l'intérieur même de ces communautés régies par un «ordre anarchique». Les trafiquants ou même les Etats-Nations qui ont cru acquis des allégeances en sont bien revenus et à leurs frais. L'implantation d'AQMI dans ces communautés est aussi peu durable qu'elle a pu sembler «facile», encouragée en fait seulement par le dénuement de populations que leur marginalisation par les pouvoirs centraux rend encore plus insupportable.
Il suffit que soit donné à ces communautés des perspectives sociales et surtout un respect de leur autonomie et de leur identité pour qu'elles renversent complètement leurs alliances et recrachent l'AQMI nue sur les sables.
Au-delà de la question tragique du terrorisme, cette situation rappelle avec force que le Sahara que Braudel désignait comme «l'autre Méditerranée» est un élément essentiel de son système et qu'il le demeure malgré l'épisode colonial qui a voulu en faire un monde-frontière et les Etats-Nations un appendice territorial à seul usage stratégique.
Elle rappelle que la mondialisation ne saurait être unilatérale ou univoque, les marges étant là pour la subvertir et la ramener aux réalités du monde.

Notes :
- Derniers ouvrages parus sur le Sahara : Les enjeux de l'eau au Sahara, Karthala, 2011 et Le Maghreb à l'épreuve des migrations subsahariennes, Karthala 2010


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.