Impressionnant dispositif de sécurité, des centaines d'engins postés partout, des milliers de policiers, des voitures et des agents banalisés, des casseurs prépayés prêts à en découdre, une ville en état de siège qui a été fermée tôt le matin et interdite d'entrée. Pour quel motif ? Une marche pacifique d'un petit parti politique qui a 19 sièges à l'Assemblée et auquel Ouyahia s'est adressé, quelque temps avant de disparaître dans l'émeute, en lui disant : «Personne ne vous connaît.» La disproportion des moyens mis en place a révélé une profonde peur du régime et fait sourire un passant, qui s'est demandé si c'était une manifestation de la police. Un autre, par contre, est triste en se demandant «où étaient-ils quand les Algériens se faisaient massacrer par les groupes terroristes ?» Un autre encore est plus positif : «Au moins, l'argent se voit», a-t-il commenté, heureux de toucher de ses yeux le résultat de gros investissements faits ces dernières années pour équiper les forces de sécurité et augmenter le salaire des policiers. Pour le reste, chacun s'est étonné de voir comment l'Algérie est discrètement passée de dictature militaire à état policier. Et si la marche n'a pas eu lieu, tuée dans l'œuf, un nouvel élément a fait son apparition, en ce 22 janvier 2011, dans la panoplie du dispositif antimarche : tous les 100 mètres, de la rue Didouche à la Grande-Poste et de celle-ci au 1er Mai, trois pompiers debout, stationnaires, un sac à leurs pieds. De quoi s'agit-il ? D'unités anti-immolation, de pompiers vigilants avec un extincteur discret dans le sac. La contagion des immolations par le feu ayant pris une vitesse spectaculaire, les autorités ont craint le pire – que des Algériens s'immolent – et ont placé un dispositif pour les éteindre rapidement. Premier pays au monde à avoir créé des brigades anti-immolations, l'Algérie aura au moins inventé quelque chose.