Pour s'enivrer des parfums des fleurs et des senteurs qui montent des tapis de menthe sauvage, pour jouir du murmure de l'eau et du chant des oiseaux, il faut plonger au cœur du vieux Tkout et de ses jardins en terrasses. Assis sur les marches de l'escalier menant vers les vergers, ammi Rachid consent volontiers à nous parler de cet eden terrestre dont il est le gardien du bien le plus précieux : l'eau. Ammi Rachid est un vieux montagnard de près de 80 ans mais il remplit toujours cette fonction que ses ancêtres ont perpétuée de père en fils. C'est en effet à lui que revient la charge de distribuer les tours d'eau à tous les propriétaires qui possèdent un jardin. Jaillissant d'une source naturelle, l'eau se déverse dans un grand bassin appelé Ayelmam n'Tkoukt, le lac de Tkout. Des barbots et des carpes de belle taille, qu'il est strictement interdit de pêcher, vivent dans ces eaux calmes et beaucoup de citoyens prennent plaisir à les nourrir en leur jetant du pain rassis. L'eau, denrée rare et précieuse dans ces contrées semi désertiques, fait l'objet d'une distribution réglée minutieusement. Selon les tailles de la propriété, chacun voit son tour revenir au bout d'un minimum d'une semaine ou de 24 jours. Dans le passé, un piquet de bois fiché à proximité de la retenue indiquait, selon un jeu d'ombre lié à la course du soleil, les «noubas» de tout un chacun. Au milieu de ces jardins et vergers trône toujours la vieille mosquée de Tkout construite au début des années 1500. Son architecture traditionnelle en fait un joyau historique jalousement sauvegardé. Le lac est le lieu de rencontres des vieux dans la journée et des jeunes à la nuit tombée. On se raconte encore des histoires du temps, par exemple, celle d'un bandit d'honneur de la région du nom de Messaoud Ugzelmad.