A la faveur de l'état d'urgence, maintenu pendant une vingtaine d'années, certaines rues, ruelles et autres passages, le long desquels sont érigés des édifices étatiques, se voient toujours bouclés.Situation d'insécurité oblige, il n'est presque pas d'institution publique au cœur de la capitale et dans sa périphérie sans que la voie qui y conduit soit verrouillée à la circulation routière, voire piétonne, parfois. Sous couvert de cet alibi massue, on y pose affreusement autour de la bâtisse à l'allure d'une «forteresse» un dispositif de masses informes de béton, tous gabarits confondus, on y confectionne des ensembles de pièces en fer avant de les fourrer dans le macadam, on y plante des piquets qu'on relie à des chaînes sur le trottoir, on y installe des châssis métalliques en dents croisées, non sans rogner sur la chaussée, on y dresse des barrières mobiles et immobiles, on y cadenasse une voie publique avant d'en faire un parking… Rappelons-nous même de cette impertinence commise par certains «bien pensants» poussés par la hardiesse à faire planter un portail sur la largeur d'une avenue baptisée ironiquement «Bab St-Eugène». Aussi, certains établissements «bunkerisés» couronnent le périmètre de sécurité avec de grands bacs à fleurs en béton pour faire, un tant soit peu, moins lugubre. Ainsi, la présence visible d'un attirail de protection, renforcé par une escouade d'agents de sécurité dans les périmètres des bâtiments publics sensibles, reste dissuasive et c'est somme toute logique de se prémunir du péril qui peut frapper à tout instant. Mais la levée de l'état d'urgence, mesure prise dernièrement par le gouvernement, serait-elle suivie de gestes palpables sur le terrain où l'espace collectif urbain se rapetisse ? D'autant que les 500 caméras de télésurveillance installées à travers les quartiers d'Alger — système capable de décrypter les lieux à une portée de 4 kilomètres — découragent les actes de malveillance (agression, vandalisme, terrorisme…). Mais on semble se prêter à cette dialectique implacable de blindage dans nos agglomérations, dont l'espace d'intérêt commun renseigne, à notre grand dam, sur la notion de non-partage. Cette dernière nous édifie, au demeurant, sur une certaine pratique, voire une confrontation autour de l'espace public dont l'objectif est l'appropriation sans gêne. Comme quoi «toute tolérance devient à la longue un droit acquis», pour décliner à juste titre la pensée de Georges Clemenceau.