Des pères de famille, le panier à la main, ne font qu'entrer et sortir du marché, sans acheter une once de denrée à Constantine. Voici, à titre illustratif, quelques personnes dans ce cas, que nous avons rencontrées dans différents points de commerce de la ville. Fadila M., 36 ans, divorcée et mère de trois enfants (10 ans, 8 ans et 5 ans), n'arrive pas à joindre les deux bouts. Pour renflouer quelque peu son budget, en sus des 6000 DA/mois qu'elle gagne en faisant le ménage dans un cabinet d'avocat, elle confectionne du couscous et autres pâtes traditionnelles pour quelques femmes cadres. Durant ce Ramadhan, elle a aussi appris à cuire des «dyouls», qu'elle écoule auprès de ses voisins. «Je ne me repose jamais, mes enfants ont besoin de tant de choses, et mes parents n'ont pas les moyens de m'aider ; mon ex-mari est lui-même au chômage», raconte-t-elle. Saïd B., jeune chômeur et père de triplés, habitant un bidonville, a honte d'accepter, en désespoir de cause, la charité. «Ce n'est pas une solution ; j'ai honte de vivre en parasite, j'ai frappé à toutes les portes, mais je n'ai pas trouvé de travail», dit-il. Bien d'autres, dont la dignité interdit de quémander, font durer un quart de poulet pendant des jours. «C'est juste pour donner un peu de saveur à la chorba», relève, presque en s'excusant, un quinquagénaire. En outre, on voit de plus en plus des enfants travailler. Certains vendent tout et n'importe quoi, d'autres tamisent du sable dans les chantiers de construction, d'autres encore servent dans les cafés... Nous avons vu des personnes, à l'allure propre et respectueuse, acheter des trognons de pomme à Souk El Asser (vieux marché de plein air au centre de la médina). Si l'on devait se fier aux chiffres officiels livrés par l'APC, 30 000 familles nécessiteuses ont été recensées dans la wilaya cette année ; dans la seule commune de Constantine, l'on parle en 2011, de 6000 familles vivant en dessous du seuil de pauvreté, avec une hausse de 700 par rapport à l'année dernière où l'on en comptait 5300. Dans la commune d'El Khroub, l'on enregistre 3000 familles dans le besoin. Sans parler de ces SDF et autres marginaux qui farfouillent dans les poubelles pour trouver pitance. D'ailleurs, en fin de marché, beaucoup de personnes ramassent les restes pourris que les vendeurs de fruits et légumes laissent sur place. Ceci, n'en déplaise à certains officiels qui ont osé un jour proclamer qu'il n'y avait pas de pauvres en Algérie. Des initiatives sont prises conjoncturellement, notamment en ce mois sacré, par des organismes étatiques (couffins du Ramadhan, restaurants Rahma), des particuliers et des associations caritatives, à l'exemple de Dar Ettadamoun Oua El Ihssen, de la mosquée Emir Abdelkader. Selon le président de cette dernière, M. Sifour, il a été distribué, depuis le 1er jour du mois du jeûne à ce mardi, 1290 couffins d'une valeur de 4 000 DA/unité. D'autre part, 300 chômeurs sont rémunérés de façon régulière, par la même association, de 7 000 à 15 000 DA /mois, en fonction du nombre de personnes par famille.