A un peu plus d'un mois des premières élections post-révolution, le terrain reste encore miné en Libye. Empêtré jusqu'au cou dans les problèmes politiques et sociaux, le Conseil national libyen de transition (CNT), dont le président vient de se faire opérer d'une hernie à Benghazi, continue à subir sans broncher le diktat des thowars (les ex-rebelles). Preuve en est qu'au moins deux gardes ont été tués hier dans l'attaque du siège du gouvernement se trouvant dans le centre de Tripoli par des milices armées. Des dizaines d'ex-rebelles ont, en effet, encerclé le bâtiment avant de le cribler de balles. Raison de la «descente» cette fois : ces thowar étaient venus réclamer leur part des primes distribuées aux rebelles ayant combattu l'ancien régime. Le gouvernement libyen a commencé, il y a quelques mois, à verser des primes aux rebelles ayant participé aux combats contre les forces du colonel El Gueddafi durant les huit mois du conflit libyen, avant de les suspendre quelques semaines plus tard suite à des «irrégularités». Cette suspension a provoqué l'ire de plusieurs ex-rebelles qui n'ont pas reçu leur part. Un groupe d'entre eux avait déjà attaqué le siège du gouvernement le 10 avril, provoquant l'indignation du cabinet du Premier ministre, Abderrahim Al Kib, et du Conseil national de transition (CNT, au pouvoir). «Un grand nombre d'hommes armés encerclent le bâtiment. Ils ont tiré dessus avec des armes, dont des canons anti-aériens», a indiqué à la presse sous le couvert de l'anonymat un responsable du gouvernement qui se trouvait dans les locaux au moment de l'attaque. «Un groupe a réussi à entrer dans le bâtiment et il y a eu des tirs à l'intérieur», a-t-il ajouté. Selon des témoins, des voitures armées ont encerclé le siège du gouvernement et fermé toutes les routes autour du bâtiment, provoquant des embouteillages. Mais au lieu de réagir, le porte-parole du gouvernement, Nasser Al Manaa, a, dans une déclaration à la presse, tenté de minimiser la gravité des faits, affirmant que des ex-rebelles étaient venus au siège du gouvernement en signe de protestation au «sujet des primes». «Ils sont maintenant en réunion avec le ministre de la Défense pour trouver une solution», a-t-il ajouté, sans autre détail. Le procès des pro-El Gueddafi commence Dans le but probablement de détourner l'attention de l'opinion publique qui ne cesse de contester sa gestion ainsi que ces choix politiques, le CNT a décidé d'accélérer le jugement des anciens partisans de Mouammar El Gueddafi qui se trouvent dans ses geôles. La décision des nouveaux décideurs libyens intervient au moment où la Cour pénale internationale (CPI) et les organisations internationales de défense des droits de l'homme estiment que la justice libyenne ne peut pas, dans les conditions actuelles, assurer la tenue de procès équitables. Le premier procès civil de partisans du régime de l'ancien dirigeant libyen Mouammar El Gueddafi s'est ainsi ouvert hier au tribunal de Zawiyah (40 km à l'ouest de Tripoli), avant d'être reporté. Dans une salle d'audience flambant neuve, cinq accusés ont comparu en état d'arrestation. Le juge Amer Al Turki, qui a présidé la séance, a annoncé le report à mardi prochain de l'audience à la demande de la défense : deux avocats, dont une femme portant le niqab, sans lire les chefs d'accusation. Un responsable du tribunal, Ali Al chaab Mohamed, a expliqué par la suite aux journalistes que ce procès était le premier des pro-Gueddafi qui se tient devant un tribunal civil. Selon lui, les cinq détenus, arrêtés à Zawiyah, sont «accusés notamment de former une bande criminelle dans le but de commettre des actes de sabotage et de port d'armes sans autorisation». Plusieurs responsables de l'ancien régime et des centaines de ses partisans, militaires et civils, croupissent depuis des mois - certains depuis plus d'un an - dans des dizaines de prisons en Libye, dont la plupart, sous la coupe des milices d'ex-rebelles, échappent au contrôle des autorités. Mais depuis quelques semaines, le pouvoir a annoncé avoir pris le contrôle de plusieurs prisons dans le pays et réactivé la justice. Début février, un premier procès des gueddafistes s'était ouvert dans un tribunal militaire à Benghazi (est) pour juger une quarantaine de personnes accusées d'avoir comploté contre la révolution libyenne. Mais trois semaines plus tard, le tribunal s'était déclaré «incompétent» dans cette affaire, dans la mesure où les accusés sont tous des civils.