Notre journaliste a passé une journée avec les magistrats chargés de la surveillance des législatives. A la Commission nationale de supervision des élections, Cnse, on n'a pas chômé ce jeudi. Reportage. Il est 7h30. Ça grouille à la salle de conférences du Club des Pins, à l'ouest d'Alger. C'est une véritable fourmilière. 22 membres de la Commission nationale de supervision des élections (CNSE) sont figés sur leur PC et chacun d'eux doit superviser deux à trois des 73 sous-commissions, dont 69 en Algérie, et 4 à l'étranger. Ils sont aidés par des greffiers chevronnés de la Cour suprême et du Conseil d'Etat, ainsi que des notaires et des huissiers de justice assermentés pour recevoir et transcrire les saisines. Celles-ci font par la suite l'objet d'une délibération. Une application informatique conçue par des ingénieurs du Centre de recherche judiciaire, et aussi de la Direction de la modernisation de la justice (dépendant du ministère de la Justice) leur permet d'être en contact direct avec les sous-commissions locales, de réceptionner – et d'enregistrer – en temps réel les saisines et décider instantanément des suites à donner. Dès 8h, celles-ci commencent à tomber, y compris par le biais du site web de la CNSE qui a reçu la visite de 8649 internautes. Saisines Très calme, le président de la CNSE, Slimane Boudi, slalome entre les postes de travail, tout en étant accroché à son téléphone portable. «Cette pression nous la subissons depuis le début du vote à l'étranger, et au niveau des bureaux itinérants, cela fait cinq jours», déclare M. Boudi. «M. le président, nous venons d'envoyer la décision relative à la saisine de la sous-commission de Bir Mourad Raïs, relative à l'absence des bulletins de vote de la liste du Parti des travailleurs», lance M. Merah, conseiller à la Cour suprême, membre de la commission. Un autre fait savoir au président qu'à Tizi Ouzou, le parquet général a été saisi pour le cas d'une infraction. «Nous avons réagi en temps réel pour rétablir la situation et faire en sorte que le vote se poursuive», souligne M. Boudi. Il quitte la salle pour rejoindre celle des délibérés. Plusieurs saisines vont être tranchées par les membres. Si un consensus n'est pas trouvé par ceux-ci, c'est le président qui intervient. Vers 10h, le nombre des saisines passe de 5 à 17. Elles proviennent des sous-commissions de Tlemcen, Constantine, Tizi Ouzou et Alger. Les auxiliaires de la justice sont tous assistés par des juges du siège cumulant une longue expérience. La rigueur et la discipline sont leur credo. Ils quittent rarement leur siège. Le président revient. Il se prépare à aller rendre visite à quelques sous-commissions installées dans les centres de vote de la capitale. Sur le terrain La première visitée est celle de Bir Mourad Raïs. Installée à l'école primaire de Sidi Yahia 1, elle coiffe 5 centres de vote. «Nous avons reçu plusieurs saisines auxquelles nous avons répondu et rétabli les situations sur place. Il s'agit de saisines très minimes sans aucune gravité», déclare une magistrate de la Cour suprême. La situation semble très calme et les membres de la sous-commission n'enregistrent aucun incident. Nous prenons le départ vers Sidi M'hamed, plus précisément au centre culturel Azzeddine Medjoubi, où la sous-commission supervise 20 centres de vote comprenant 551 bureaux. La délégation s'enquiert des conditions de travail. «Tout se passe bien. C'est très calme. Les quelques saisines reçues ont toutes été résolues. Il y a eu le problème des scellés des urnes mais ça été vite réglé», explique une juge. Le président prend la parole et relève que «la nature des saisines montre que le scrutin se déroule dans de bonnes conditions». Un de ses membres précise qu'il s'agit «plutôt d'anomalies liées à la forme qu'à des incidents de fond». Dans le bureau de vote visité, le président interpelle les membres sur l'inexistence de scellés sur les urnes. «Il est anormal que ces urnes ne soient pas scellées. Il faut le faire maintenant», lance-t-il, avant de quitter les lieux. Le cortège se dirige vers le centre culturel de Chéraga qui abrite la sous-commission de cette même localité. Dirigée par M. Boukhatem, président de la chambre pénale de la cour de Blida qui est assistéde plusieurs femmes juges, la sous-commission supervise 45 centres de vote. Ici aussi, le problème le plus récurrent est celui des scellés. A l'école primaire Abane Ramdane, l'opération de vote se déroule bien. L'affluence est très timide, la présence des représentants des candidats est remarquée, et aucun incident n'a été enregistré. Les membres de la sous-commission relèvent néanmoins quelques anomalies. «Un représentant d'un parti troublait l'ordre dans la cour de l'école et personne ne pouvait l'arrêter», révèle la juge. «Vous auriez dû recourir à la force publique, la loi vous le permet», répond le président. La discussion tourne autour des procédures à respecter. «Il faut de la rigueur dans le respect des formes. C'est très important», conclut le président avant de saluer les membres de la sous-commission et de reprendre le chemin vers la salle des opérations à Club des Pins. Il est déjà 14h30. Les membres de la commission sont très occupés. Le taux de saisine augmente et avec lui la tension monte. Satisfaction Mais la machine semble bien huilée, puisque les décisions sont prises instantanément. Une petite pause et un point de la situation vers 16h. Le président annonce 125 saisines, dont 12 concernent les sous-commissions des bureaux itinérants et de ceux à l'étranger. «Elles concernent des défauts de bulletins de vote, leur disposition, le dépassement des membres du bureau de vote, l'absence de scellés sur les urnes, ou encore le refus de la présence d'un représentant d'un candidat. Elles ont fait l'objet de délibérés et 12 d'entre elles ont été rejetées. Le reste a été réglé», explique M. Boudi. Il précise que parmi les saisines, certaines ont fait l'objet de transmission au parquet, parce qu'elles relèvent du pénal. Il n'a cependant pas donné leur nombre. Le président de la CNSE note toutefois que «le scrutin se passe dans des conditions satisfaisantes, arguant du fait que les 125 saisines restent insignifiantes si l'on prend en compte le nombre de plus de 40 000 bureaux de vote». Il nous quitte rapidement et rejoint la salle de délibérations. A la salle d'opérations, le personnel est toujours collé aux écrans des PC. M. Graoui demande aux journalistes de se retirer «pour laisser les gens travailler dans le calme et la discrétion». Les heures passent, et les va-et-vient entre le bureau du président et la salle d'opérations s'intensifient. Sur plus de 200 saisines, dix relèvent du pénal et ont été transmises aux parquets généraux. 70 à 75% d'entre elles ont été faites par les membres de la commission. «Toutes ces saisines ne sont pas graves, conclut le président. Le scrutin est assez satisfaisant».