Le bus démarre très tôt en ce matin de début d'été. La majorité avait encore sommeil. Une escapade qui permet d'échapper à la routine et aller sur les pas des hommes qui nous ont précédés et qui ont joué un rôle majeur dans l'histoire. A El Yachir (Bordj Bou Arréridj), on nous invite dans un café au décor traditionnel sous une immense kheima très accueillante. On reprend la route après avoir siroté des thés à la menthe. Arrivés à Batna et après avoir déjeuné à l'hôtel Chelia, nous nous sommes rendus au site romain de Timgad. C'est une ville touristique, classée patrimoine universel par l'Unesco et connue pour son festival annuel de musique et chanson. Ce festival est le seul événement attendu chaque année par la région pour sortir un tant soit peu de « l'inertie culturelle ». Il se veut une occasion pour les autorités locales en vue de transformer la région en un pôle culturel, touristique et même économique d'autant plus que les Aurès sont riches en talents créateurs et en potentialités naturelles. Le site comprend le Cardo Nord, large voie dallée bordée de colonnes conduisant à l'entrée principale du Forum, la bibliothèque, le Decumanus maximus, la voie transversale qui croise le Cardo à son extrémité, le Forum, les thermes du Sud, le théâtre, le Fort byzantin, le capitole, le marché de Sertius et l'arc de triomphe de Trajan, qui a été érigé au IIe siècle. Après cette escale, nous prenons de nouveau la route en direction de Constantine. L'ambiance est bon enfant. Nous arrivons à 21h 30. Les lampions de la ville scintillent de beauté. Les ponts de Sidi M'cid, de Sidi Rached et la passerelle piétonnière défient le temps. La vallée du Rhummel se perd à l'horizon. Cours et circuit Constantine est une ville sculptée par l'artiste divin de toutes choses sur des rochers. Au Grand Hôtel Cirta, une soirée animée par la troupe Aïssaoua a gratifié les invités d'un spectacle décliné en plusieurs tableaux artistiques haut en couleurs mêlant chants et danses et toute la palette du patrimoine culturel constantinois. Séductrice, Constantine garde sa musique comme une dot qu'elle apporte en temps voulu en offrande à tous les mélomanes qui veulent la conquérir. Un défilé de mode a montré les différents costumes traditionnels féminins. Le lendemain, on visite Madaure. Mille colonnes de calcaire bistre et de marbre fusent vers le bleu des cieux et attestent d'un passé glorieux en cette croisée de civilisations, également creuset d'augustes érudits : Apulée de Madaure, l'inventeur du roman moderne, Maxime le grammairien ou Augustin le saint. Le site reste à fouiller : le sous-sol de la région recèle de trésors mais, étant donné le coût des travaux, priorité est donnée à la restauration des sites déterrés. Mme Ouafia Zerarkadel, directrice de la culture de Souk Ahras, nous sert de guide. « Madaure est connue pour avoir eu l'université la plus ancienne en Afrique du Nord. C'était le centre intellectuel de la Numidie, c'est là que saint Augustin a fait ses études, tout étudiant qui voulait faire des études poussées à Carthage pour aller ensuite à Rome devait nécessairement passer par Madaure. La région est riche en eau, en oliviers et en céréales. » Ici et là, on croise des stèles épigraphiques qui parlent du passage de saint Augustin, le reste de trois églises, des basiliques juridiques et des sources écrites et même... la roue de la fortune. Elles témoignent d'un temps ancien, jadis très florissant où la vanité des hommes se disputait au désir d'hégémonie. Lors des fouilles, les archéologues ont trouvé un tas d'objets, la statuaire, des pièces architectoniques et des stèles. La spécificité du forum de Madaure, c'est que juste au milieu, les Byzantins sont venus et ont construit leur basilique sur le forum romain en réutilisant la pierre de taille des édifices publics avec des éléments architectoniques. On remarque plusieurs inscriptions à l'envers et des traces d'incendie. Il y a aussi des vestiges de système défensif : des escaliers où la sentinelle pouvait guetter l'ennemi. Frédéric Castel, journaliste dans une radio française, reste admiratif : « Je connaissais de nom les sites, mais c'est la première fois que je les visite et je réalise leur importance. A une époque où le monde est complètement déchiré (conflit d'Afghanistan et d'Irak) et où les gens ne comprennent plus le sens de ces tumultes parmi les nations, le voyage est essentiel pour comprendre l'autre. » Monseigneur Tessier, archevêque d'Alger, vient souvent à Madaure se ressourcer ainsi que des Italiens et des Américains, très attachés aux traditions. La prochaine étape a été le site de l'olivier. Selon la tradition, ce serait saint Augustin qui aurait planté lui-même cet arbre. « Il n'y a aucun document historique qui lie l'olivier à saint Augustin directement mais il y a un certain nombre d'éléments qui nous permettent de certifier cette hypothèse. Le premier est la tradition. A l'époque romaine, le fils majeur plantait un arbre dans la cour ou à la maison pour perpétuer la mémoire de son père. Cet olivier a plus de 1500 ans selon les botaniques. Saint Augustin est né entre le IVe et le Ve siècles , ça pourrait être un arbre de la même période de saint Augustin. On n'a pas besoin de le prouver ou avoir une motivation scientifique, ça nous fait plaisir à tous d'être convaincus que cet arbre qui a l'âge de saint Augustin soit réellement son arbre », explique un représentant d'une agence de voyage. Nous avons terminé ce périple par une visite de Annaba. La basilique de saint Augustin au sommet d'une colline, près des ruines, est imposante. Pierre Désira accueille la délégation et nous fait la visite des lieux. Une relique de saint Augustin (cubitus droit), encastrée dans un monument tumulaire le représentant couché sur son lit de mort, est conservée dans l'abside de la cathédrale. Ce haut lieu de la spiritualité catholique a aussi une vocation de dialogue entre les cultures et les religions. Naseer Shamma, luthiste irakien, a été invité pour animer un concert en ces temps où des pays se colorent de larmes et de sang...