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Edward Saïd, un singulier incident de frontière
L'affaire de la pierre jetée
Publié dans El Watan le 16 - 03 - 2006

C'est en 1991 que le grand intellectuel palestinien, Edward Saïd, découvre qu'il est atteint d'un cancer incurable et que l'ombre de la mort planait sur lui pour le cueillir le 24 septembre 2003, à l'âge de 68 ans.
Professeur de littérature comparée à l'université prestigieuse de Columbia, critique littéraire et spécialiste du Moyen-Orient, le penseur est connu mondialement pour ses écrits et son œuvre : son ouvrage célèbre sur L'Orientalisme a été traduit en 35 langues. Mais l'ardent intellectuel avait une autre qualité inestimable : il plaidait sans relâche pour la résistance palestinienne à l'occupation sioniste. « Si la route semble barrée d'embûches, qu'importe ! Nous ne la quitterons pas. Si l'un d'entre-nous tombe, dix se lèveront à sa place. » Poussé à casser les frontières du silence et des complaisances intellectuelles, à transgresser les peurs établies, l'exilé a développé une pensée qui s'inscrit comme fondamentale pour la conscience politique dans les sociétés arabes ; pensée pour laquelle il a payé de sa propre personne avec les campagnes orchestrées par le mouvement sioniste. Dans une conférence sur « Freud, le sionisme et Vienne », il relate un événement émouvant : « Fin juin et début juillet 2000, au cours d'une visite privée au Liban, j'ai donné deux conférences. Comme beaucoup d'arabes, ma famille et moi étions vivement intéressés à visiter le Liban-Sud la - zone de sécurité - militairement occupée par Israël pendant 22 ans, et après que les troupes de l'Etat juif en aient été chassées sans cérémonie par la résistance libanaise. Au cours de notre excursion du 3 juillet, nous nous sommes attardés dans la prison Khiam construite par Israël dans laquelle 8000 personnes ont été détenues comme des bêtes et torturées dans d'atroces conditions. Nous nous sommes ensuite rendu au poste frontière abandonné par les troupes israéliennes, maintenant déserté à l'exception des visiteurs libanais qui affluent ici pour jeter symboliquement une pierre vers une frontière encore densément fortifiée... J'ai été photographié à mon insu, jetant une petite pierre, en compagnie de quelques jeunes qui étaient là, sans cible particulière. L'endroit était désert à perte de vue. Deux jours plus tard, la photographie paraissait dans les journaux israéliens et dans la presse occidentale. J'y étais dénoncé comme un terroriste jeteur de pierre... » Comme la machine de propagande sioniste est bien huilée et n'est jamais en panne, cet événement banal de « pierre jetée » a pris des proportions lamentables pour ternir l'image de l'éminent penseur et discréditer le militant de la cause palestinienne. Pour cela, il a été stigmatisé dans la presse de « fanatique violent ». Beaucoup plus grave encore - et le souvenir ne s'effacera pas - l'histoire retiendra aussi que l'institut du Musée de Freud de Vienne lui a fermé les portes après l'avoir invité pour donner une conférence annuelle en mai 2002 sur « Freud et le non-Européen » où il devait soulever le couvercle sur un versant - refoulé pendant plus d'une soixantaine d'années - par l'ensemble des écoles de psychanalyse, toutes tendances confondues. Une lettre en témoigne, celle du fondateur de la psychanalyse adressée à Chaim Koffler et qui a été publiée en 2004, une lettre qui est restée cachée depuis 1930 où Freud se démarque de façon manifeste et radicale du sionisme dont voici un extrait : « Je concède aussi, avec regret, que le fanatisme peu réaliste de nos compatriotes porte sa part de responsabilité dans l'éveil de la méfiance des Arabes. Je ne peux éprouver la moindre sympathie pour une piété mal interprétée qui fait d'un morceau de mur d'Hérode une relique nationale et, à cause d'elle, défie les sentiments des habitants du pays. Jugez vous-mêmes si, avec un point de vue aussi critique, je suis la personne qu'il faut pour jouer le rôle de consolateur d'un peuple ébranlé par un espoir injustifié. » Grand admirateur de Freud, Edward Saïd a produit de nombreux écrits sur la psychanalyse. Etait-il au courant de cette lettre pour asseoir son argumentation sur les prises de positions anti-sionistes du savant ? Connaissait-il la préface que Freud a consacrée à l'édition hébraïque de Totem et Tabou, où l'auteur se déclare étranger à l'idéologie du sionisme ? Sinon, comment expliquer le motif du refus par le directeur de l'institut du Musée de Freud de Vienne ? Laissons la réponse au concerné sur ce refus : « Aucune autre explication ne m'a été donnée. Il s'agissait d'une attitude en dehors de toute déontologie et remarquablement en contradiction avec, justement, l'esprit et la lettre de la pensée de Freud. Pareil camouflé ne m'a jamais été donné. » Dans cette douloureuse confidence, l'auteur ne doute pas de sa pensée et de l'hostilité qu'elle rencontre dans les milieux intellectuels sionistes, pardon lecteurs, psychanalytiques. Son intérêt pour la psychanalyse a semé du désordre dans les esprits des sectes et dans leur « aveu d'une horreur de penser » P. Legendre. Il fait une analogie fulgurante avec Freud pour circonscrire la censure et le mépris auxquels il était exposé par le comité viennois dans cette interdiction infamante en rappelant que, pendant la montée du nazisme, Freud a connu les mêmes menaces avant d'être chassé de Vienne en 1938 pour s'exiler en Angleterre où il est accueilli avec enthousiasme dans la capitale britannique. C'est dès 1934, à Vienne, que Freud avait commencé à écrire cet ouvrage troublant pour le sionisme et dérangeant pour la pensée européocentriste ; il terminera et éditera à Londres son Moise et le monothéisme en 1939. L'insoumis Edward Saïd savait qu'aucun discours de conformité de la police psychanalytique ne pouvait destituer l'originalité de la pensée freudienne. Il n'ignorait ni le silence ni la complaisance, encore moins les amalgames des critiques sur ce livre où Freud explique et défend l'idée selon laquelle Moïse était un Egyptien qui apporta au peuple juif la religion monothéiste du pharaon Akhenaton. Quelques années avant sa mort, frappé par la souffrance de la maladie et son deuil impossible, Edward Saïd entreprend une lecture de l'épineux ouvrage Moise et le Monothéisme, pour composer un ouvrage publié à titre posthume, intitulé Freud et le monde extra-européen. Un livre où il démontre le coup d'éclat de Freud qui finit par faire toute la lumière sur l'archéologie de l'identité juive. « Une identité qui ne commence pas avec elle-même, mais plutôt avec d'autres identités (égyptienne et arabe). Cette autre identité non-juive et non européenne chez Freud est aujourd'hui effacée. Elle a disparu, du moins dans la perspective d'une identité juive officielle. » L'auteur dénonce toutes les simplicités qui ont réduit la pensée psychanalytique à une codification européocentriste qui l'enlise dans une imposture en oubliant que l'œuvre de Freud « a ouvert la seconde révolution de l'interprète » P. Legendre, qui restitue l'interrogation du sujet de la parole. Adolescent, le défunt Edward Saïd lisait en cachette de ses parents L'Interprétation des rêves. Adulte, il entreprend une analyse où il découvre la double référence à travers Edward son prénom qu'il déteste et Saïd son patronyme. Méditons ce partage de la même personne, Edward d'un côté et Saïd de l'autre, pour comprendre la déchirure de ce grand intellectuel exilé, que certains commentateurs d'un grand journal français ont confondu avec la richesse « d'une identité multiple ».

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