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«Revoir la taxation des salariés et des retraités»
Abderrazak Naïli Douaouda. Ancien DG des impôts
Publié dans El Watan le 01 - 04 - 2013

Ancien cadre du ministère des Finances et de l'administration fiscale, M. Naïli nous explique dans cet entretien les facteurs historiques, économiques et idéologiques qui sont à l'origine de la fraude fiscale.
-Le montant de l'évasion fiscale est faramineux. Qu'est-ce qui explique que beaucoup d'Algériens rechignent à s'acquitter de ce devoir ?
Le comportement des Algériens devant l'impôt renvoie à des considérations historiques, économiques et financières. Depuis les Turcs, les notions de «kheznadji» et de «mekkess» sont profondément enracinées dans la mémoire des Algériens. Le kheznadji, par exemple, attendait la fin des moissons pour partir, escorté par des soldats, dans les campagnes prendre de force, en nature, la grande partie du blé, ce qu'il considérait être le dû du «Beylik». Donc, déjà, la population algérienne commençait à considérer négativement la question de l'impôt et le voyait comme un acte de contrition de la puissance publique qui lui prenait une partie de son revenu…
Cette situation s'est brutalement aggravée avec la colonisation française. Dans le cadre de la politique de dépossession des terres des Algériens, l'outil fiscal a été utilisé comme un élément de répression et de spoliation. Des millions d'hectares ont été spoliés, notamment par voie de taxation…. Plus loin, durant la guerre de libération, ne pas payer les impôts (et donc ne pas alimenter le budget du colonisateur) était considéré comme un acte de résistance… Après l'indépendance, il y a eu la longue période du socialisme, avec un organe central de planification qui allouait la ressource ; la fiscalité était considérée comme une superstructure, qui n'était pas importante.
Les notions de crédit, de fiscalité, d'incitation économique étaient considérées comme des notions capitalistes. L'impôt n'avait pas beaucoup d'impact, parce que la propriété privée n'existait pas ou était strictement limitée. Ce n'est qu'au début des années 1990 qu'elle a commencé à émerger. Et ce n'est qu'à partir de 86-88, suite à la chute des prix du pétrole, des événements d'octobre et de la crise financière qu'il y a eu la réforme et l'ouverture économiques avec une apparition timide du secteur privé. Et la fiscalité des affaires…. Et, pour aggraver le tout, durant la période 1990-2000, il s'est développé dans les milieux du commerce une idéologie opposée à la fiscalité et qui prônait l'impôt légal, la zakat.
Outre ces considérations historiques, il y a eu le problème du système fiscal que nous avons hérité du système français, bureaucratique, compliqué, procédurier, qui n'était pas en adéquation avec la culture des Algériens. Il y avait une multitude d'impôts avec chacun de multiples taux et que les gens ne comprenaient pas. A l'indépendance, la part de la fiscalité ordinaire était inversement proportionnelle à ce qu'elle est aujourd'hui. C'est-à-dire que la part de la fiscalité pétrolière était minime alors que les besoins financiers de l'Etat et de la société énormes.
Donc, là où l'Etat avait la possibilité de taxer le citoyen, il le faisait pour financer les besoins grandissants parce qu'il n'y avait pas d'autres ressources. Les taux étaient devenus très vite prohibitifs, voire confiscatoires. Il y eut, même des taux qui atteignaient 96% (exemple de la Taxe sur les hauts salaires de l'époque). Ceci allait contre les principes universels d'administration de l'impôt de type «trop d'impôts tuent l'impôt».
La réaction de l'Algérien, qui considérait que les taux étaient trop élevés et confiscatoires et que l'Etat ne jouait pas le jeu, était donc de fuir l'impôt. Je ne dirais pas que l'Etat a créé la fraude, mais le système qui était appliqué à l'époque y a aidé… Ainsi, l'héritage colonial, la planification à la soviétique, les raison idéologiques, l'insuffisance d'une culture civique ont créé cette aversion de l'Algérien pour l'impôt. Mais il y a des gens qui ne peuvent pas frauder, comme les salariés, ceux que l'on appelle les «contribuables intégraux», (et encore, lorsque le salarié est déclaré, parce qu'aujourd'hui, une grande partie de l'économie algérienne est dans l'informel) lesquels sont taxés pour la totalité de leurs salaires et indemnités parce que les retenues sont effectuées sous la responsabilité de l'employeur qui, par ailleurs, peut déduire ces prélèvements de ses charges. Il n'y a donc aucune possibilité de fraude pour le salarié qui est malheureusement, de plus surtaxé. Je ne cesse de proposer que l'on revoie la taxation des salariés et des retraités qui est à mon sens lourde et qui de ce fait constitue de plus en plus une des ressources principales de l'impôt sur les revenus !
-Mais est-ce qu'il ne s'agit pas pour l'administration de compenser à travers les salariés la partie des impôts qui leur échappe à cause de la fraude et l'évasion fiscales?
Cela renvoie à la notion d'impôt de partition et d'impôt de quotité. Je ne pense pas que ce soit le cas. L'Etat est aujourd'hui dans une aisance financière à cause des prix du pétrole. Il reste que les commerçants et les entreprises ont une large possibilité de dissimuler leurs revenus, ce qui n'est pas le cas pour les salariés. De plus, l'administration fiscale ne dispose pas de suffisamment de moyens humains, techniques et matériels pour contrôler tous les revenus hors salariés. Les gens du fisc vous diront qu'ils appliquent les mêmes taux à tout le monde et que c'est cela le principe de l'égalité devant l'impôt.
D'autres considèreront qu'il y a inégalité, du fait de l'existence de la fraude dans le commerce et l'industrie… Le principe d'égalité devant l'impôt renvoie aussi à l'insuffisance des moyens de l'administration et à l'existence du secteur informel qui s'est développé à partir de la décennie 90 à l'abri de tout contrôle étatique. Il y a eu, à certains moments de notre histoire récente, certains quartiers, même à Alger, où les services de contrôle ne pouvaient pas s'aventurer sans risque. Par ailleurs, les causes de l'informel sont à chercher également, notamment dans la bureaucratie. Quelqu'un qui veut entrer dans le secteur formel devra fournir tout un tas de paperasse. Il y a également des problèmes d'incompétence, de lenteur dans les procédures, de laxisme, d'arbitraire, de corruption. Et puis, il y a ceux qui, simplement, n'admettent pas l'impôt. Ils gardent toujours cette notion de « Beylik». Ils ne payent pas l'eau, ni l'électricité, ni le gaz. Ils ne payent que lorsqu'ils sont obligés. Vous pouvez appliquer ceci à tous les secteurs.
Ces gens ont une conviction d'impunité, se disant que l'Etat n'a pas les moyens d'aller les contrôler et surtout les contraindre. Aujourd'hui, cette question renvoie au secteur informel qui lui-même renvoie à l'environnement économique et social et en ce qui nous concerne aux impôts, à la sécurité sociale, aux travailleurs non déclarés, qui n'ont de ce fait ni allocations familiales, ni couverture maladie, ni retraite pour plus tard. Cette situation est due aussi au passage d'une économie centralisée à une économie ouverte.
Ce passage a été chez nous très lent et plusieurs fois interrompu. Ce qui est encore plus grave, c'est le contre-exemple du secteur informel sur le secteur formel. Les commerçants qui payent leurs impôts et qui voient le comportement toléré de leurs concurrents sur la voie publique auront tendance à suivre ce contre-exemple. C'est pour cela qu'on a assisté à partir des années 90 à un transfert du secteur formel vers l' informel. Une bonne partie du chiffre d'affaires du secteur formel bascule dans l'informel. Il y a même eu des personnes qui ont utilisé les lois pour s'approprier indûment des avantages fiscaux et financiers, comme dans le cadre de l'ANDI, l'ANSEJ…
-Dans la mesure où la part de la fiscalité pétrolière est importante et qu'il faille élargir la fiscalité ordinaire, imaginer une baisse des impôts relèverait donc de l'impossible…
Je dis souvent qu'il faut jouer l'assiette contre les taux. Si vous intervenez uniquement sur les taux en les augmentant parce que les contribuables fraudent, cela ne fera que les encourager à frauder encore plus ; l'Etat répliquera en relevant encore les impôts ou en créant d'autres. C'est la fuite en avant. Un cercle vicieux qu'il faut briser à un moment donné. Vous avez des impôts dont le recouvrement n'est pas large. Faut-il avoir un impôt à 50% avec une assiette exiguë ou alors un impôt à 25% avec une assiette élargie. C'est à l'Etat de casser ce cercle. C'est comme cela qu'on pourra développer l'esprit civique. Pour qu'un impôt soit accepté, il faudrait d'abord qu'on sache à quoi son produit est destiné et surtout qu'il ne soit pas perçu comme violent, confiscatoire. A ce moment-là, on peut organiser le système autour d'impôts simples.
Aujourd'hui, l'Etat peut se permettre de faire une réforme profonde du système fiscal, au sens large ; ceci englobe la fiscalité stricto-sensu, mais aussi la douane, la domanialité, la parafiscalité. Ainsi, lorsque l'Etat exige un prélèvement de 35% des salaires au titre de la sécurité sociale, l'employeur, lorsqu'il peut se permettre de ne pas déclarer ses salariés, ne le fait pas. Mais plus globalement, pourquoi chercher l'équilibre uniquement à travers la Recette, pourquoi ne pas contrôler et rationaliser surtout la Dépense publique ? Il arrivera le moment où la fiscalité pétrolière entrera en baisse tendancielle et ce sera à la fiscalité ordinaire de prendre la relève. Mais si on ne prépare pas une bonne base à cette dernière pour assurer au moins la couverture des dépenses de fonctionnement, il y aura des difficultés pour l'Etat… comme en 88.
-Il y a chez une partie de la population un sentiment d'injustice né de la conviction qu'il n'y pas d'égalité devant l'impôt. Etes-vous d'accord avec cette perception ?
Cette question est récurrente, depuis qu'il y a eu l'ouverture économique. Elle ne concerne par uniquement l'Algérie, mais aussi d'autres pays. Il y a une partie de l'assiette fiscale qui est contrôlée par l'administration fiscale mais il y a une bonne partie (et là nous vivons les conséquences de ce qui s'est passé dans les années 90) qui ne l'est pas. Cet argent n'est pas très propre, en grande partie. Il est issu des détournements, des vols, de la drogue, de diverses accumulations plus ou moins légales qui se sont faites, en grande partie depuis les années 90. Il y a également des gens qui ne sont pas suivis par le fisc. Il faut reconnaître que l'administration n'arrive pas à contrôler tout le monde. Ceci étant, l'Etat a mis en place un impôt sur le patrimoine dont les taux sont aux normes internationales. Le problème, c'est la capacité de l'administration à s'organiser sur les plans technique, informationnel et matériel pour chercher, trouver puis surveiller et taxer ces revenus selon la loi. Le ministre des Finances a annoncé qu'un service spécial sera créé. Il faut espérer qu'il sera fonctionnel très bientôt.
-Certains parlent d'impôts sur la fortune, d'autres d'impôts sur le patrimoine. Où se situe la nuance ?
Si nous allons au fond des choses, l'impôt sur la fortune ne se trouve pas seulement là où les gens ordinaires le voient (grosses cylindrées, maisons luxueuses avec piscine, bateaux de plaisance…). Les spécialistes savent que la vraie richesse est ailleurs. C'est ce qui est invisible. Ce sont les milliards de dinars qui, tous les jours, transitent par un secteur informel, globalement incontrôlé. Les gens réellement fortunés n'ont pas besoin de l'étaler. Ceux qui le font sont des nouveaux riches qui veulent s'afficher. La meilleure manière pour l'administration fiscale de lutter contre les fortunes illégales est de faire son travail, comme cela est fait pour les salariés. Il faudrait que ces gens soient contrôlés et simplement taxés selon la loi. Et, demain, l'Etat, s'il le désire, peut décider, en toute souveraineté, de taxer ces revenus selon un barème plus lourd.
C'est-à-dire d'appliquer plus de progressivité. Ceci constitue une prérogative du politique. Au niveau de l'Administration, pour lutter contre la fraude, il conviendrait que le fisc se réorganise, dans son fonctionnement, son organisation, dans la simplification de ses techniques et procédures, dans la formation de ses inspecteurs, dans les garanties offertes aux contribuables, dans l'amélioration de ses moyens. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises disposent de comptables et financiers plutôt plus qualifiés que les agents du fisc.
-Certains opérateurs économiques réclament la suppression de la TAP (Taxe sur l'activité professionnelle) alors que des économistes plaident pour la suppression de la TVA, qu'en pensez-vous ?
Lorsque j'exerçais au ministère des Finances, j'avais milité, sinon pour la suppression de la TAP, du moins pour sa réduction. Mais, c'était très difficile, parce que cette taxe finance à 100% les communes qui sont déjà très pauvres financièrement. J'ai aussi milité pour qu'on attribue, en contrepartie, aux communes une part de la TVA, en remplacement de la TAP. Pourquoi ? Parce que les gens du fisc continuent à considérer la T.A.P. comme un impôt direct, alors qu'en réalité nous sommes en présence d'une taxe indirecte car calculée sur le chiffre d'affaires, que l'entreprise soit bénéficiaire ou déficitaire. C'est une taxe totalement anti-économique.
Par exemple, pour plusieurs secteurs d'activité, elle s'analyse comme un impôt de 50% sur le bénéfice des sociétés ou des particuliers, et ceci même si l'entreprise ou le particulier sont déficitaires ! Cette taxe date des années 50. C'est un héritage de ce que les Français appelaient les «quatre vieilles», c'est-à-dire les impôts qui dataient de l'ancien régime féodal français. Elle a été abolie dans les pays voisins mais pas chez nous. Si on ne peut pas, pour des raisons conjoncturelles, la supprimer, il faudrait réduire son taux directeur d'une manière drastique, par exemple 1% (au lieu de 2,5% actuellement).
Quant à la TVA, je ne pense absolument pas que l'on puisse la supprimer. D'abord, elle est supportée par les consommateurs, pas par les entreprises qui ne font que la collecter. Ensuite, il s'agit quand même de l'impôt principal de notre système fiscal. Mais personnellement, je considère que ses taux actuels de 17 et 7% sont trop élevés pour l'Algérie. Tout à l'heure, on parlait des problèmes de taux et d'assiette. La TVA rapporte plus de la moitié de la fiscalité ordinaire. Si on réduisait de 2 points ses taux, les gens vont pouvoir l'accepter et dans les deux ou trois années qui suivront, l'on pourrait revenir, au moins, au même niveau du recouvrement précédent.
Mais dans notre fiscalité, il y a d'autres impôts et, pour plusieurs considérations qu'il serait long d'exposer ici, je pense qu'une autre réforme de notre fiscalité s'impose. Je vous donne un exemple : Aujourd'hui, quotidiennement, il y a des gens qui vendent leur patrimoine immobilier, ils payent jusqu'à 8% de la valeur du bien et ils considèrent que c'est exagéré. Ils payent 5% pour les droits d'enregistrement, 1% pour la conservation foncière, alors qu'il s'agit d'une prestation de service, plus 2% pour les notaires, (honoraires non plafonnés). Si demain je vends un bien pour 100 milliards, je paierais 8 milliards.
Le notaire encaissera 2 milliards en contrepartie de l'établissement de l'acte. Alors, dans cette situation, qu'est ce que l'on fait ? Eh bien, tout le monde fraude ! Personne ne déclare la valeur réelle! Situation des plus dangereuses juridiquement pour tous, en premier les concernés et plus tard leurs héritiers ! Alors que l'on peut plafonner les montants ou appliquer des taux dégressifs. C'est vrai, par exemple que les notaires ont des problèmes de responsabilité, mais tout de même ! Autre exemple courant en entreprise : une société qui souhaite intégrer un bien dans ses actifs doit recourir aux services d'un Commissaire aux Apports chargé d'évaluer la valeur de ce bien.
Eh bien, les honoraires de cet expert sont fixés règlementairement à 2% de la valeur de ce bien. Ceci pour quelques heures de travail ! Vous voyez les incohérences du système ? Et ceci s'applique à toute cette noria d'activités para ou extra judiciaires qui gravitent autour du secteur judiciaire et qui elles mêmes ne sont pas correctement suivies par les autorités censées les contrôler. C'est ce qui pousse les gens à frauder, à faire des sous-déclarations… ou à rester indéfiniment dans l'informel. Certes, le fisc procède à des redressements, et cela crée des contentieux. En effet, conscient de cette fraude, l'Etat a mis en place des valeurs administratives mais et, c'est connu, le système de la valeur administrative est lui-même injuste et contreproductif. Pour aller vers plus de civisme fiscal, il faudrait donc revenir à des taux raisonnables et ceci dans tous les secteurs d'activité.
-Peut-on dire que le système fiscal actuel encourage la fraude ?
Non, pas du tout. Le système actuel a été profondément réformé avec l'aide de la Banque mondiale et le FMI. Les études de réforme ont commencé à partir de 1986. Avant, il y avait une multitude d'impôts aves une multitude de taux, selon chaque secteur d'activité. Aujourd'hui, nous avons, en matière d'impôts directs, un système de taxation du revenu global, IBS et/ou IRG pour les entreprises et pour les personnes physiques et la TVA en matière d'impôts indirects. Toutefois, personnellement, je considère que l'effort de réforme doit continuer. On doit revoir la TAP, on doit revoir les taux, on doit revoir les procédures de déclaration, de taxation, de recouvrement, de contentieux…
Nos fiscalistes affirment que nous avons la pression fiscale la plus faible de la Méditerranée. Je suis d'accord, jusqu'à un certain point, mais je dis qu'il faut comparer impôt par impôt. Pourquoi les salariés se considèrent surtaxés si réellement cette pression était si faible ? La réforme fiscale a été profonde, mais elle demande à être améliorée, au gré de l'expérience et du rendement. Je dis aussi que l'administration fiscale doit être armée pour être en mesure d'appliquer efficacement le système. C'est-à-dire dans son organisation, dans son fonctionnement, dans son budget, dans sa formation… Vous pouvez avoir le plus beau système au monde, il ne vaut que par son application.
En définitive, notre système fiscal, dans sa globalité est aujourd'hui décrié pour sa lourdeur, la complexité de ses procédures, ses taux de taxation, son faible rendement et son incapacité à maîitriser la fraude et le secteur informel.
Même si elles sont parfois exagérées, ces critiques renseignent sur la nécessité d'approfondir le système et d'améliorer le fonctionnement de l'Administration.


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