Dans un contexte de globalisation et de dégradation de la conjoncture économique et leurs conséquences pour les entreprises de manière particulière, l'innovation devient un enjeu majeur pour pérenniser l'outil et les emplois. La logique rentière qui lui colle à la peau a fini par mettre durablement l'Algérie «hors compétition» dans un domaine des plus cruciaux et sensibles, à savoir recherche, développement et innovation. C'est du moins ce que fait ressortir le récent rapport du Forum Euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (FEMISE) pour qui les performances réalisées par l'Algérie en termes d'output d'innovation sont les plus faibles à l'échelle régionale. Notre pays observe un score de 15,8 contre 20,3 en moyenne pour les pays «low performers», se retrouvant ainsi évacué à la 134e place sur un échantillon de 141 pays, révèle l'étude «Mobiliser le capital humain sur l'innovation en Méditerranée» du FEMISE. Autrement dit, la capacité des idées nouvelles à atteindre le marché pour améliorer l'emploi et promouvoir la compétitivité est encore faible. Le voisin marocain, avec un score de 24,7 contre 31,3 se situe à la 90e place. Le score de 31,6 contre 31,9 en moyenne pour les PM «high performers» a propulsé la Tunisie à la 58e place. Le Liban s'est adjugé la 63e place avec un score de 30,6 contre 31,3. Le nombre de brevets, marques, dessins et modèles industriels est également inférieur à la moyenne régionale.Ce qui suggère une activité d'innovation très limitée. En témoigne la part des exportations de produits en haute technologie est quasiment inexistante (0,7 % pour la période 2006-2010). Sur l'aspect créatif du capital humain, les résultats de l'enquête montrent que l'Algérie est globalement en retard sur la plupart des critères avec un nombre d'étudiants dans les filières scientifique/ingénieur moindre que dans les Universités méditerranéennes ; une mobilité/ouverture bien plus faible, de faibles capacités de recherches, et dépenses R&D et une qualité des institutions de recherches en retrait, un investissement éducatif insuffisant et un accès au niveau tertiaire bien plus bas. C'est dire que les résultats des enquêteurs du Femise ne font que corroborer certaines réalités et mettre en exergue plusieurs éléments récurrents du reste. D'autant que ce réseau scientifique euro-méditerranéen qui regroupe 90 membres (instituts de recherche en économie), représentant les 37 partenaires du Processus de Barcelone, compte trois algériens issus du CREAD, de la Faculté des sciences économiques et des sciences de gestion, université Badji-Mokhtar, Annaba ainsi que de la Faculté des sciences économiques, des sciences de gestion et des sciences commerciales, université d'Oran. Culture de l'innovation et collaboration scientifique Malgré ce triste bilan, un brin d'espoir est offert par les chercheurs du FEMISE lorsqu'ils estiment légèrement encourageants les indicateurs liés à la «culture de l'innovation» dans notre pays. La part des exportations de services TIC par rapport au total des exportations a plus que doublé entre 2005 et 2011, passant de 29,2% à 61,7%. Autres indices tout aussi rassurants et ils concernent le niveau de la collaboration scientifique : les co-publications ont considérablement augmenté, surtout celles avec les chercheurs de l'UE. Notre pays a une part de co-publications de 66%, la plus élevée dans la région avec le Maroc (60%), le Liban (52%), qu'elle doit essentiellement à la coopération scientifique avec l'Europe. Toutefois, notre communauté scientifique paraît, aux yeux des auteurs de l'étude, «trop ouverte» vis-à-vis de l'UE et pas assez diversifiée. A l'image du Maroc, le modèle de spécialisation des publications favorise entre autres les mathématiques. Aussi, l'Algérie commence à émerger dans certaines disciplines de recherche scientifique avec un potentiel dans les domaines des mathématiques, des sciences des matériaux, de la chimie, de la physique, de l'informatique et de l'engineering. Mais, en Algérie il y a 560 chercheurs pour un million d'habitants, la moitié de la moyenne internationale et quatre fois moins qu'en Tunisie. Les chercheurs sont démotivés et ne voient pas l'intérêt de faire de la recherche pour percevoir le même salaire que lorsqu'ils ne s'occupent que de leur travail pédagogique. Par ailleurs, les chercheurs du FEMISE ont fait savoir que le Conseil national de la recherche scientifique et technique (CNRST), chargé de fixer et de déterminer les priorités relatives à R&D et Innovation ne s'est jamais réuni, estimant à ce propos qu'il s'agit en fait d'un «reflet de la situation des systèmes politiques domestiques avec une loi, certes applicable à la R&D, où plusieurs choses sont mélangées (les sciences de l'ingénieur et les sciences humaines et sociales) et où règne la confusion totale sur les priorités». Un CNRST, qui, faut-il le préciser, est présidé par le premier ministre !