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après 20 ans de guerre civile, les Somaliens sortent la tête de l'eau
Leur pays a été sauvé des griffes des shebab par l'Union Africaine
Publié dans El Watan le 05 - 12 - 2013

Libérer la Somalie des shebab et remettre le pays en état de marche. Le pari risqué, que l'Union africaine s'était lancé en 2007, est aujourd'hui presque atteint. Presque, car bien que les principales villes somaliennes aient été libérées du joug des extrémistes shebab, la menace y est encore diffuse et la sécurité instable l Malgré cela, la vie commence à reprendre ses droits dans ce pays ravagé par près d'un quart de siècle de guerre civile. La Somalie se débarrasse peu à peu de cette image d'Etat «voyou». Un vrai miracle africain !
Mogadiscio, Afgooye et Baidoa (Somalie)
De notre envoyé spécial
S'ils vous tirent dessus, n'ayez crainte. Nos officiers savent ce qu'il faut faire en pareil cas. Seulement, nous vous demanderons de garder votre sang-froid et de monter très vite dans le Casspir que vous voyez là», explique le colonel burundais, Martin Mudomo, tel un automate, à un petit groupe de journalistes embarqués, tout en désignant du doigt un imposant camion blindé vert sombre de marque Iveco, presque identique aux engins utilisés durant les années 1980 par la police du régime de l'apartheid pour réprimer les manifestations de l'ANC et qui, depuis, ont amplement fait leurs preuves en Afghanistan et en Irak.
Chargé pour le compte de la Mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom) des opérations militaires dans le secteur de Baidoa, une ville de près de 200 000 habitants située à quelque 300 km au nord-ouest de Mogadiscio, le colonel Mudomo rassure néanmoins ses invités du jour. «Ne vous inquiétez pas, il s'agit-là uniquement de consignes de routine. Il est peu probable qu'une attaque se produise au centre-ville de Baidoa. Ici, nous contrôlons la situation», assure-t-il fièrement, tout en soulignant toutefois que «le risque zéro n'existe pas». Le «ils» auquel fait allusion le colonel Martin Mudomo, qui a enfilé pour la circonstance une tenue de combat bariolée flambant neuve, renvoie bien évidemment aux éléments des shebab que l'Union africaine a décidé de combattre, dès 2007, pour éviter à la Somalie de connaître le même sort que l'Afghanistan et surtout de déstabiliser la fragile région de l'Afrique de l'Est. Leur affiliation à Al Qaîda ne faisant plus de doute sur leurs intentions. Et ils avaient fait de Baidoa, seconde plus grande ville du pays après Mogadiscio, la capitale somalienne, l'une de leurs principales bases durant les années 2000.
Tournée de 5 km en gilet pare-balles
Pour prouver que les forces africaines de l'Amisom ne sont pas venues dans la Corne de l'Afrique uniquement pour faire de la figuration et que le budget alloué par la communauté internationale à la «Mission» n'est pas de l'argent jeté par les fenêtres, l'idée osée du colonel Mudomo était de faire traverser Baidoa d'un bout à l'autre à ses hôtes… et à pied, afin qu'ils puissent constater par eux-mêmes que la situation tend à se «normaliser» dans ce patelin réputé, il y a encore un peu plus d'une année, pour être un véritable coupe-gorge. Par mesure de précautions, il a néanmoins tenu à ce que la tournée pédestre se déroule en gilets pare-balles et sous la protection d'une escorte puissamment armée. Comme il l'avait promis, le parcours… du combattant de près de 5 km proposé par l'officier de l'Amisom se déroulera sans encombre. Il n'y a pas à dire : Baidoa est aujourd'hui une ville «pacifiée», comme l'atteste son marché hebdomadaire bondé de monde et la réouverture de l'aéroport de la ville. Les hommes comme les femmes n'ont d'ailleurs plus peur de sortir de leur maison pour vaquer à leurs occupations. Les extrémistes shebab ont bien été délogés de cette localité, comme c'est le cas en fait dans la plupart des grandes agglomérations de Somalie.
Si la vie a effectivement repris un cours à peu près normal à Baidoa, il n'en est cependant pas de même de sa proche banlieue, où la situation sécuritaire est encore très instable et la menace diffuse. Les shebab, bien que défaits militairement, disposent encore dans la région d'une multitude de cellules capables de passer à l'action à n'importe quel moment et d'occasionner aux troupes africaines de l'Amisom ou à l'armée somalienne d'importants dégâts. De temps à autre, leurs éléments mènent d'ailleurs des raids éclairs pour tester les défenses de l'Amisom, recueillir du renseignement et maintenir la population dans un constant état de peur. Il n'est pas rare aussi que les shebab viennent, à la nuit tombée, rançonner la population et faire de nouvelles jeunes recrues.
Le constat saute d'ailleurs aux yeux, les jeunes en âge de porter des armes se font rares à Baidoa. Dans les rues, on ne rencontre très souvent que des enfants ou des personnes âgées. L'attentat à la voiture piégée perpétré le 19 novembre dernier par un commando shebab contre un commissariat de la ville de Beledweyne, au nord de Mogadiscio, montre que le moment n'est pas venu pour l'Amisom et les forces armées somaliennes de baisser la garde. Les shebab, dont les membres sont évalués à 5000 hommes, avec un noyau dur de 2000 éléments, selon un expert occidental du terrorisme travaillant pour l'ONU et l'Union africaine, peuvent encore faire d'énormes dégâts. (Lire à ce sujet El Watan du 21 novembre 2013). Mais, fondamentalement, explique le colonel Mudomo, «la peur a changé de camp, car la puissance de feu de l'Amisom est maintenant bien supérieure à celle des shebab. C'est la raison pour laquelle ils ont opté pour la guérilla et les attentats suicides».
Pour sécuriser la route sinueuse, longue de près de 300 km, reliant Baidoa à Mogadiscio, grâce à laquelle la population se ravitaille en vivres, l'Amisom a dû mobiliser près de 1000 hommes. Un millier d'autres soldats, en majorité des Burundais et des Ougandais, sont en revanche chargés de sécuriser la ville et son aéroport.
Les shebab chassés des villes
La reprise de Baidoa, au mois de février 2012 par les troupes de l'Amisom, est un coup dur pour les shebab, car c'est dans cette localité stratégique qu'ils viennent réceptionner les armes et les munitions qui leur sont envoyées du Yémen. «C'est vrai, il reste encore du travail à faire dans la région. Mais soyez-en certains, nous ne partirons d'ici que lorsque nous aurons totalement détruit les shebab. Certes, ils conservent un niveau de nuisance élevé dans les campagnes. Une chose est certaine, ils ne peuvent plus renverser la vapeur», lance avec aplomb le colonel burundais Jean-Luc Habarugira, le patron des forces de l'Amisom dans le secteur 3, dont dépend Baidoa (pour des considérations opérationnelles, l'Amisom a divisé le sud de la Somalie en 4 secteurs ayant chacun un commandement). Cet ancien rebelle burundais a toutes les raisons d'être optimiste.
Le Conseil de sécurité de l'ONU vient, en effet, d'autoriser l'Union africaine d'augmenter la composante de l'Amisom de 4400 hommes, portant ainsi ses troupes à 22 126 soldats. Avec un tel renfort, il est certain que la lutte contre le terrorisme avancera plus vite. Mais en attendant et pour bien insister sur le fait que les hommes des contingents ougandais et burundais — qui composent l'essentiel des troupes de l'Amisom dans le secteur 3 — ne passent pas leur temps à se tourner les pouces, le colonel Habarugira, carte d'état-major à l'appui, pointe son bâton de commandement sur les nombreux petits villages sauvés des griffes des shebab.
Au vu du nombre de petits points encerclés, il est difficile de le nier : un immense travail a été accompli par l'Amisom. Pour des raisons que l'on peut aisément comprendre (maintenir au plus haut le moral des troupes, par peur de la réaction des opinions publiques africaines), les officiers des forces africaines refusent néanmoins de parler des pertes, d'évoquer le prix payé pour chasser les shebab des villes. «En venant ici, nous savions à quoi nous en tenir. Nous sommes des soldats et nous sommes fiers d'aider le peuple somalien. Sachez juste que le sacrifice a été important. Et des sacrifices nous en ferons encore s'il le faut», se contente de répondre, avec un calme déroutant, le colonel Sosthène Ndereyimana, commandant-adjoint de l'Amisom dans le secteur 1 englobant Mogadiscio, à la question de savoir combien il a perdu d'hommes dans la guerre menée par l'Afrique contre le terrorisme en Somalie.
Le colonel Sosthène Ndereyimana n'exagère pas lorsqu'il qualifie d'importants les sacrifices consentis par les armées africaines engagées en Somalie. Un rapport récent de l'ONU fait état de 3000 soldats tués dans les combats depuis 2007. Ce bilan — qui reste le plus lourd de l'histoire des opérations de maintien de la paix dirigées sous la casquette de l'ONU — témoigne de la difficulté rencontrée par l'Amisom pour sauver les Somaliens du diktat intégriste.
Des femmes ressortent à Mogadiscio
Si la Somalie est encore loin d'être un havre de paix, il reste que la situation qui y prévaut actuellement est incomparable à celle dans laquelle se débattaient les Somaliens avant l'engagement de l'Amisom. Et les Somaliens sont les premiers à le reconnaître. «Est-ce qu'il y a une différence ? Vous voulez sans doute rire ! C'est comme le jour et la nuit. Pour moi, c'est le Bon Dieu qui nous a envoyé ces armées africaines. Grâce à elles, nous revivons. L'espoir et à nouveau permis pour nous», se réjouit Abdi Shuib en levant ses mains au ciel.
La soixantaine bien entamée et la peau burinée par le soleil, cet ancien professeur d'histoire, qui a résisté autant qu'il le pouvait aux shebab, vit aujourd'hui de petits boulots à Mogadiscio, l'établissement scolaire dans lequel il travaillait ayant été complètement détruit durant la guerre civile. Il explique, dans un français très correct, qu'«il était impensable, il y a quelques années, par crainte des shebab, de voir des femmes sortir seules dans les rues de Mogadiscio ou encore de s'attabler tranquillement à une table d'un café et de griller une bonne cigarette». Maintenant, ajoute Abdi Shuib avec une joie non dissimulée, «ces petites choses de la vie autrefois interdites sont devenues presque normales».
«Comme vous pouvez le constater, les gens réapprennent même à sortir le soir à Mogadiscio», s'exclame-t-il en esquissant un large sourire. «Croyez-moi, c'est un miracle qui s'est produit. Les shebab voulaient nous renvoyer au Moyen-Age et grâce à Dieu ils n'y sont pas parvenus !», rappelle-t-il d'un ton grave, non sans avertir néanmoins que «la Somalie est encore fragile et que le pays a encore besoin de la communauté internationale et de l'Amisom pour se relever». Le constat de ce professeur d'histoire est amplement partagé par Hadj Nasser, propriétaire d'une grande plantation de bananes et de mangues à Afgooye, une localité située à environ une quarantaine de kilomètres au nord de Mogadiscio. «C'est bien simple, sans l'Amisom je n'aurais sans doute pas été là à discuter avec vous. C'est grâce aux forces africaines que mon business marche. Autrement, j'aurais mis la clé sous le paillasson. Avant, je me faisais régulièrement rançonner par les shebab. Ce n'était plus possible de continuer à travailler», témoigne le fermier, qui précise en outre qu'Afgooye était encore infréquentable en 2009.
Mais si les choses semblent rentrer progressivement dans l'ordre, M. Nasser a pris la décision, par mesure de précaution, de s'entourer d'une petite armée de gardes du corps. «Vous savez, on n'est jamais assez prudent. Il arrive encore que nous nous fassions parfois agresser par des hommes en uniforme. Nous ne savons pas qui ils sont», soutient-il. La paix «imposée» en Somalie du Sud par l'Union africaine a incontestablement permis aux opérateurs économiques locaux de sortir la tête de l'eau et de commencer à reconstruire la capitale somalienne réduite en ruine et en cendres par près d'un quart de siècle de guerre civile et la logique suicidaire des shebab. Mogadiscio est devenue un chantier à ciel ouvert où poussent de somptueuses villas et des bâtiments à une vitesse vertigineuse. Mais cette prospérité retrouvée ne profite pas encore aux entreprises étrangères.
Aucun étranger, pour des considérations évidentes de sécurité, n'ose encore s'y aventurer, même s'il y a beaucoup d'argent à se faire dans ce pays où tout doit être reconstruit. La remarque ne s'applique cependant pas aux téméraires entreprises turques qui y sont solidement implantées, à commencer par la compagnie aérienne Turkish Airlines qui dessert Mogadiscio trois fois par semaine via Djibouti. Il faut dire que le gouvernement d'Erdogan et les Turcs en général ont bonne presse auprès des Somaliens. Il est d'ailleurs fort probable, susurre-t-on dans les milieux diplomatiques africains, de voir Ankara — qui semble vouloir faire de la Somalie du Sud l'une de ses principales chasses gardées africaines — jouer un rôle de premier plan dans la réconciliation inter-somalienne. La remarque vaut surtout pour les Somaliens du Sud et ceux du Nord, dont l'Etat s'est déclaré indépendant depuis 1991.
En tout cas, la Turquie pourrait être, le moment venu, une clé pour résoudre le conflit somalien. Cela tout autant que, probablement, la Grande-Bretagne et certaines monarchies du Golfe, qui commencent aussi à avancer leurs pions dans la région. Justement, c'est au casse-tête du dialogue intersomalien que le «big boss» de l'Amisom, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, consacre désormais son temps. Persuadé que la victoire contre les shebab n'est plus qu'une question de temps (une à deux années tout au plus). Par contre, il sait mieux que quiconque que la construction d'un Etat viable en Somalie dépendra surtout de la capacité des Somaliens à dépasser leurs clans respectifs qui pèsent encore dans la vie politique. Et sur ce tableau, la bataille est encore loin d'être gagnée, comme en témoigne le bras de fer qui oppose actuellement le président somalien et son Premier ministre. Malheureusement, la puissance de feu de l'Amisom risque cette fois de n'être d'aucune utilité pour résoudre le problème. Mais peu importe. Pour l'ancien ministre tchadien des Affaires étrangères, le plus important pour l'heure est que les Somaliens prennent une nouvelle fois leur destin en main. Et c'est presque fait !


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