Drâa Ben Khedda (10 km à l'ouest de Tizi Ouzou) connaît un important essor économique ces dernières années. Un développement qui provoque des incidences inattendues. La récente montée au créneau des commerçants de la ville, pour exiger des autorités locales de mettre fin à l'expansion de l'activité informelle, alimente la chronique locale. La grève à laquelle ont pris part les commerçants de Draâ Ben Khedda en a fait une ville morte l'espace d'une journée. Cela a eu l'effet d'un détonateur pour ouvrir un débat profond sur la réorganisation de la cité qui s'impose plus que jamais. De prime abord, les commerçants décrient le marché sis au centre-ville, dont ils demandent la fermeture. Cette foire géante à ciel ouvert a commencé à prendre place au milieu des années 1990 sur la voie ferrée qui traverse la ville. En l'espace de quelques années, profitant de la diminution du trafic ferroviaire vers la wilaya de Tizi Ouzou avant de cesser complètement, ce marché a enregistré des extensions énormes et a fini par envahir tous les quartiers limitrophes. Aujourd'hui, les marchands de cette place de négoce se comptent par centaines. L'offre y est diversifiée : fruits et légumes, articles de ménage en tous genres, habillement, produits divers d'alimentation générale et meubles de maison. Les prix, sensiblement réduits, que pratiquent ces vendeurs, n'ont pas manqué d'accentuer l'attractivité du marché. Des milliers de personnes quotidiennement y viennent en famille des localités lointaines, de Bordj Menaïel, de Tirmitine, d'Aït Yahia Moussa, de Sidi Naâmane et de Tizi Ouzou. La ruée générale vers ce marché a fini par faire réagir les propriétaires et locataires de magasins de Drâa Ben Khedda, criant à la concurrence déloyale. En plus de la grève, les contestataires menacent de remettre leur registre du commerce si le problème n'est pas résolu définitivement. Si, au départ, les vendeurs au marché se contentaient d'étaler leurs marchandises sur des tables de fortune, beaucoup d'entre eux ont entrepris d'aménager des baraques en dur. Ainsi, le silence des responsables locaux n'a fait qu'encourager les marchands ambulants à fortifier leur position sur place. Les citoyens réagissent Débordant du périmètre de la voie ferrée, le marché a dévasté même les espaces publics des quartiers avoisinants où des chaînes de boutiques de fortune s'érigent continuellement. Pour limiter l'accaparement des espaces verts, les habitants de la ville, à l'instar des locataires de la cité des 200 Logements, ont entrepris de clôturer leurs aires de jeu et toutes les surfaces non bâties entre les immeubles. « C'est la seule solution pour défendre notre cité du moment que les autorités locales ne semblent pas prêtes à réagir pour faire régner l'ordre dans la ville. C'est à nous donc de défendre nos espaces verts, sans pour autant en vouloir à ces jeunes chômeurs pour qui les boutiques de fortune restent le seul moyen de survie », dira un locataire de la cité Eniem. Durant les années 1990, deux centres commerciaux ont été réalisés, mais aucune assemblée élue n'a pu les attribuer. Au fil des années, ces bâtisses, qui demeurent fermées et nettement dégradées, ont fini par changer de vocation : ils servent, en fait, de dépotoirs où s'entassent les déchets du marché. Le blocage du marché couvert, selon une source proche de l'administration, est dû au fait que les critères d'attribution ne sont pas définis et chaque assemblée tente de procéder à sa guise. Outre l'anarchie et la bidonvilisation du pôle urbain de Drâa Ben Khedda, c'est l'environnement qui pâtit de l'expansion du marché. En effet, les services de voirie et de nettoiement de la commune ont rayé carrément le marché de leur champ d'intervention. Des déchets, cartons, sacs en plastique et toutes sortes d'emballages jonchent la voie ferrée pendant plusieurs semaines sans que cela inquiète les autorités. Pour leur part, les marchands non réglementaires de Drâa Ben Khedda restent convaincus que la dimension prise par le marché actuellement ne suscite que le désordre. Au lieu de son éradication, ils proposent sa délocalisation vers un endroit moins gênant. Hamid, père de famille et vendeur d'articles d'habillement au marché de Drâa Ben Khedda, estime que « la situation actuelle n'arrange ni les vendeurs ni les habitants et encore moins les autorités. Pour remettre de l'ordre dans la ville, nous ne sommes pas contre. Mais il serait préférable de nous transférer vers un nouveau marché, moins encombrant, et surtout géré par l'APC ». En effet, les intervenants au marché sont soumis à la pression des jeunes des quartiers voisins qui leur imposent une taxe quotidienne, allant de 50 à 100 DA, en guise de droits de place et aussi 50 DA comme droits de stationnement pour les véhicules. « Nous préférons que ces taxes aillent à la commune qui, au moins, peut nous garantir, en contrepartie, la sécurité et le nettoyage », dira encore Hamid.