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«Il faut aux femmes, à chaque fois, se justifier pour prétendre à des droits...»
Chérifa Bouatta. Docteur en psychologie, auteure de Des corps et des mots. Sexuation, genre et violences conjugales
Publié dans El Watan le 02 - 06 - 2014

-Votre dernier livre Des corps et des mots. Sexuation, genre et violences conjugales vient d'être publié aux éditions SARP. Cet ouvrage est composé de trois parties distinctes. La première traite de la «sexuation» et de la notion de genre, que vous insérez dans le contexte sociétal algérien et «arabo-musulman». Dans ce cadre, que sont les sexes féminin et masculin ?
La notion de sexe renvoie à plusieurs dimensions : hormonale, gonadique, anatomique, sociale, etc., sans que les auteurs qui s'y réfèrent précisent la dimension qu'ils convoquent lorsqu'ils utilisent cette variable dans leurs études. Dans les années 1970 a émergé dans les sciences sociales la notion de genre pour palier aux limites véhiculées par la notion de sexe.
Le genre serait, pour faire simple, une construction sociale, un processus «historique» au plan singulier et socio-symbolique qui instaure le féminin et le masculin. Cette définition libère la recherche du «roc biologique» qui serait à lui seul déterminant de l'identité sexuée et permet de s'intéresser à d'autres facteurs qui, eux aussi, jouent un rôle important dans l'avènement de cette identité. Ceci ne signifie pas pour autant le déni du biologique. Qu'est-ce qu'une femme ? Et par conséquent qu'est-ce qu'un homme ? On pourrait dire d'une manière simpliste que «l'anatomie c'est le destin» (dixit Freud), repris depuis par d'autres psychanalystes. Mais l'anatomie n'est pas seule à déterminer le destin.
D'ailleurs, malgré l'anatomie, l'objet d'amour privilégié – au sens psychanalytique – est contingent, il peut être de l'autre sexe et c'est le règne dominant de l'hétérosexualité, ou bien du même sexe et on est face à l'homosexualité. Dans le même temps, et pour les psychanalystes, être femme ou être homme ne renvoie pas à des entités dichotomiques. On parle plus de bisexualité psychique ; dans chaque femme on trouve des caractéristiques masculines et dans chaque homme on retrouve des caractéristiques féminines. En outre, et au-delà de l'anatomie, il faut encore une fois faire appel à la construction des genres au cours d'une histoire psychique et sociale, où sont mis en place des procédés éducatifs, des agents socialisateurs, des identifications conscientes et inconscientes, qui participent à la sexuation, c'est-à-dire au devenir homme ou femme dans une société donnée.
-La deuxième partie se penche sur la sexuation dans les mots, les discours. D'un côté celui des islamistes et de l'autre celui des «féministes». Quels sont les éléments qui les composent et qui les différencient ? Quelle lecture peut-on en faire ?
Le «sexe», la sexuation se dit dans les discours qui circulent dans la société à travers les représentations sociales, les systèmes symboliques. Mais les discours sur le «sexe» sont également produits par des acteurs sociaux et politiques et le «sexe» peut être un enjeu de pouvoir. Le discours développé dans les années 1990 sur les femmes participait d'un projet de société où la femme et l'homme sont considérés comme des êtres qui sont dangereux l'un pour l'autre, se côtoyer peut entraîner la fitna, les femmes seraient à l'origine du désordre social, d'où l'impératif de les éloigner de l'espace public et de les cantonner dans le rôle d'épouse et de mère et de leur dénier une place dans l'espace social.
Par ailleurs, dans ces écrits, on rappelle souvent qu'il n'existe pas de question «femmes» dans les contrées arabo-musulmanes, car les femmes ont tous leurs droits et que celles qui en réclament seraient «la voix de l'Occident». Ainsi les rapports sociaux de sexe seraient de l'ordre de l'impensé. Mais ce n'est pas le seul discours qui circule dans notre société, des femmes (je pense aux associations de femmes) mais aussi celles qui écrivent et ont mis leur plume au service de cette question, la question féminine, pour produire un discours autre, critique à l'égard des représentations dominantes, véhiculant une autre représentation des femmes et évoquant des femmes qui ont échappé au cercle des interdits qui leur sont imposés pour prendre la parole et occuper des postes de pouvoir, des postes de premier plan ou encore des discours qui déconstruisent les notions de sexe pour montrer comment les structures sociales, le système symboliques conjuguent leurs efforts pour fabriquer des femmes et des hommes conformes aux représentations dominantes.
-Le troisième volet que vous abordez dans votre ouvrage est celui de la violence à l'égard des femmes, et tout particulièrement au sein de la cellule familiale. Pourquoi avoir choisi d'intégrer ce travail, basé sur vos années d'expérience, dans cet ouvrage ?
Je pense que malgré des parties qui peuvent paraître, à première vue, différentes, il y a en fait un fil rouge qui relève des rapports sociaux de genre, la question féminine. Et c'est dans ce sens que les violences à l'encontre des femmes s'intègrent tout à fait dans cet ouvrage. Et en même temps, les premières parties, bien qu'elles traitent chacune des questions féminines, sont plutôt théoriques. La dernière partie, plus empirique, s'intéresse au vécu psychologique des femmes victimes de violences conjugales qui est, de mon point de vue, le symptôme de la question femmes.
En effet, on peut se poser la question suivante : qu'est-ce qui donne le droit aux hommes de battre les femmes et là je pense aux violences conjugales qu'on peut, en regardant les choses de près (voir les résultats de notre recherche) parler de véritable torture : puisque le mari peut battre quand il veut, au moment où il veut, il peut la blesser avec des objets divers (couteau, marteau…), la violer, la menacer de mort, etc. Je pense également aux incidents de Hassi Messaoud où des femmes travailleuses ont été attaquées, violées, par des hommes de leur voisinage. Lorsque des choses de ce genre arrivent dans votre pays, cela est traumatique et ne s'oublie pas facilement. Et à mon avis, cela a marqué l'imaginaire des féministes algériennes. J'ai également évoqué, dans cette partie, la prise en charge psychologique des femmes victimes de violences conjugales, je l'ai fait sciemment pour dire d'abord que des femmes agressées par leurs maris peuvent développer des pathologies graves : une dépression, un PTSD, des maladies somatiques comme elles peuvent passer à l'acte suicidaire, etc.
Et pour mettre l'accent sur la nécessité d'une prise en charge psychologique spécialisée, évidemment, il faut développer un véritable dispositif pour répondre aux besoins de ces femmes qu'il faudrait activer pour leur porter assistance. Nous savons, en tant que psychologue, que le support social, c'est-à-dire l'aide venant d'autrui (institutions, associations, famille…) est très importante pour les personnes en détresse psychique.
-Comment s'articulent justement les trois principaux axes de votre livre ? Quelles sont les «interactions» qui existent entre, par exemple, la sexuation et la violence conjugale, etc. ?
J'ai, en partie, répondu à cette question plus haut, mais je rajouterai que la sexuation, en psychologie, est ce processus qui fait advenir le petit de l'homme à être femme ou homme, mais il peut aboutir, ce processus, à d'autres orientation sexuelles. Et en fait, pour revenir à l'articulation que vous évoquez, les femmes battues le sont parce que ce sont des femmes et que des hommes se donnent ce droit, et ce droit, même s'il ne s'exprime pas sous forme de violence, est entériné par la domination masculine qui structure notre société. C'est la raison pour laquelle, les féministes algériennes parlent de structures mentales en évoquant les rapports sociaux de sexes.
-L'Algérie va bientôt «célébrer» un triste anniversaire : celui des 30 ans de l'adoption du code de la famille. Quelle analyse «psychologique» peut-on faire de ce texte ? Ce code et ses dispositions ont-ils eu un impact sur cette «sexuation» que vous évoquez, sur la question de genre et plus globalement sur cette dualité «femme/homme» ?
Evidemment, la sphère juridique informe les relations hommes/femmes dans la sphère familiale mais pas seulement, ce code véhicule une véritable représentation de ce que doivent être les rapports hommes/femmes dans notre société et participe donc du registre symbolique en entérinant la domination masculine. Il porte atteinte au narcissisme féminin en lui attribuant une valeur négative. Car question naïve : pourquoi les hommes devraient-ils avoir le pouvoir sur les femmes ? Toutes les études actuelles et toutes les observations que nous pouvons faire, révèlent que les femmes sont des êtres de raison, matures et responsables et s'il y a des exceptions, elles concernent également les hommes. Et en Algérie, plus qu'ailleurs, l'histoire des femmes a démontré qu'elles aussi épousent les grandes causes, elles l'ont fait pendant la guerre de Libération et au cours des années 1990 en faisant front contre le terrorisme.
Mais cette réponse me gêne beaucoup, parce que tout se passe comme s'il fallait aux femmes, à chaque fois, démontrer, se justifier pour prétendre à des droits. Pourquoi ne pas faire simplement appel à notre humanité, tout comme les hommes, les femmes sont des êtres humains à part entière, pour réclamer l'égalité, la dignité… Mais lorsqu'on évoque le code de la famille, je ne peux m'empêcher de penser aux luttes des féministes algériennes. N'oublions pas que les associations de femmes qui ont vu le jour en 1989 et même celles qui ont émergé lors de la promulgation du code de la famille, en 1984, se sont donné comme objectif l'égalité entre les hommes et les femmes.


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