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Caméra à percussion
Hommage : René Vautier, cinéaste au grand cœur
Publié dans El Watan le 10 - 01 - 2015

Dimanche dernier, à l'hôpital de Saint-Malo, s'est éteint René Vautier. En avril 2012, à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, le Maghreb des Films de Paris avait consacré un hommage à ce personnage fabuleux. Alors président de l'association, je lui avais dédié un texte dans la brochure éditée pour cette rétrospective. J'y racontais ma découverte de ce réalisateur : «Un soir de ce premier été de l'Algérie indépendante, mes pas me menèrent au cœur d'Alger, dans une salle paroissiale de la rue Horace Vernet (auj. rue Capitaine Mennani.
Il s'agit du Rex où plus tard s'installa la troupe de théâtre de Kateb Yacine) où se projetaient Le Cuirassé Potemkine de Sergueï M. Eisenstein et Le Sel de la Terre de Herbert Biberman. Alors benjamin de la presse algérienne, du haut de mes dix-huit ans, je découvrais pour la première fois des œuvres dites révolutionnaires ou sociales, quand ma culture cinématographique adolescente, forgée dans une Algérie encore française, tournait autour des westerns, de films de guerre et de péplums et que mon héros avait pour nom James Dean, «le rebelle sans cause».
Et ma cause, c'est surtout ce soir-là que je l'ai découverte, grâce aux propos à la fois passionnés et d'une grande pédagogie, délivrés par un homme à la haute stature et à la longue crinière blanche, qui avait pour nom René Vautier. Ma jeune culture journalistique m'enseignait alors son rôle de cinéaste de la Révolution algérienne et de fondateur du Centre Audiovisuel, première structure du 7e art algérien et ancêtre du CNC qui ne verra le jour que début 1964.
Autour de la figure emblématique de René Vautier l'Algérien, se constituait un aéropage de jeunes passionnés des images animées. Il y avait là Djamel Chanderli dont les pas et la caméra avaient précédé de quelques semaines ceux de René Vautier dans les maquis, Ahmed Rachedi qui signera en 1965 L'Aube des damnés, conçu en partie par le même René Vautier, Nasr-Eddine Guenifi, partie prenante du noyau fondateur et futur directeur de la photo, Mohamed Lakhdar-Hamina, transfuge du service cinéma du GPRA créé à Tunis en 1957… Dans les mois et années qui suivirent, la Cinémathèque d'Alger m'offrit le rare privilège de découvrir toutes les bandes filmées durant la guerre de libération et en particulier Algérie en flammes, Djazaïrouna, Les fusils de la liberté…
Devenu en 1965 rédacteur en chef des Actualités algériennes dirigées par Mohamed Lakhdar Hamina, j'ai compris à travers ces premiers films nés dans les maquis que le cinéma algérien se devait d'être un cinéma de combat, un art au service des idéaux de liberté et de justice. De cette soirée de projection rue Horace Vernet, mon destin de futur critique de cinéma était né, en même temps que mon indéfectible amitié pour ce René Vautier dont la vie et la totalité de l'œuvre sont restées au service des causes justes et des plus humbles, ces «damnés de la terre» chers à Frantz Fanon, autre figure venue d'ailleurs, nourrir et promouvoir cette jeune Algérie alors encore pleine de promesses d'avenir…».
Quel parcours que celui de ce cinéaste atypique ! René Vautier est né le 15 janvier 1928 dans cette Bretagne où il a toujours souhaité être inhumé, d'un père ouvrier d'usine et d'une mère institutrice. Il n'est âgé que de 15 ans lorsqu'il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, ce qui lui vaudra plusieurs décorations pour son courage précoce. A 16 ans, il se voit décerner la Croix de Guerre et est cité à l'Ordre de la Nation par le général De Gaulle pour faits de résistance en 1944. Attiré par l'univers des images, il intègre l'Institut des hautes études cinématographiques de Paris (IDHEC) dont il sort diplômé en 1948, section réalisation.
Militant du parti communiste français, c'est en 1950 qu'il réalise à 22 ans son premier film, Afrique 50, qui se voulait à l'origine une œuvre à la gloire de la mission éducative de la France dans ses colonies. Mis au fait des réalités coloniales qu'il découvre sur place, il modifie totalement le contenu idéologique du film pour signer in fine ce qui deviendra le premier chef-d'œuvre du cinéma engagé et le premier film anticolonialiste de l'histoire de France. Ce qui lui vaudra treize inculpations et une condamnation à la prison dont il ne sortira qu'en juin 1952. Afrique 50 se verra décerner la médaille d'or au festival de Varsovie. Mais très vite, c'est l'Algérie et sa situation coloniale qui vont l'interpeller fortement.
En 1955, il réalise Une nation, l'Algérie qui relatait la véritable conquête de l'Algérie en 1830 à base d'images, de textes et de témoignages collectés à la Bibliothèque nationale de France. Pour avoir conclu son commentaire par une phrase subversive («de toute façon, l'Algérie sera indépendante et il conviendra de discuter avec ceux qui se battent pour cette indépendance avant que trop de sang ne coule»), il est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l'Etat et entrera en clandestinité. Il rejoint alors les maquis du FLN et va désormais participer activement à la lutte révolutionnaire pour l'indépendance de l'Algérie.
Dès 1956 donc, il tourne ses premières images dans les Aurès, les Nememchas ainsi qu'à la frontière tunisienne, capturant les actions des maquisards de l'ALN. En 1958, il se rend au Caire pour montrer ce qu'il a intitulé Algérie en flammes. Comme d'autres frères de combat, il sera victime des luttes intestines du FLN. Il sera emprisonné et même torturé. Toutefois, il ne tiendra jamais rancune à ses geôliers, eux-mêmes manipulés, et rejoindra dès l'indépendance une Algérie dans laquelle il tiendra un rôle majeur dans la naissance du 7e art algérien alors balbutiant.
En 1963, outre ses activités de pédagogue et de formateur, entre autres de Ahmed Rachedi et Nasr-Eddin Guenifi, il participe à Un peuple en marche qui dresse le bilan de la guerre d'Algérie tout en retraçant l'histoire de l'ALN et l'effort populaire de reconstruction nationale. En 1965, il travaille sur L'Aube des damnés de Ahmed Rachedi et conseille la production pour Le Vent des Aurès de Mohamed Lakhdar Hamina (Prix de la première œuvre à Cannes en 1967).
De retour en France en 1966, il a toujours l'Algérie au cœur et le désir de faire dialoguer les deux peuples. Cette réflexion aboutira à sa première fiction, Avoir 20 ans dans les Aurès (1972), qui drainera un million de spectateurs grâce aux circuits parallèles (ciné-clubs, maisons de la culture, syndicats, etc.) Le film se verra décerner à Cannes le Prix international de la critique. Au générique figurent des jeunes gens qui feront carrière, Alexandre Arcady et Philippe Léotard entre autres.
Si l'anticolonialisme a été au cœur de son combat d'homme et de cinéaste (l'Afrique du Sud notamment), d'autres thèmes n'ont cessé de le solliciter : le racisme en France (Les 3 cousins, Les Ajoncs), l'extrême-droite française, les femmes, la Bretagne chère à son cœur, la pollution, les grèves, la censure cinématographique marquée par sa grève de la faim qui a fait date dans l'histoire du cinéma français et de la liberté d'expression. En 2012, il nous lèguera sa profession de foi : «J'ai toujours considéré la caméra comme une arme de témoignage. Mais ce n'est pas une arme qui tue. Au contraire, ça peut être un instrument de paix. C'est pour cela que je me suis bagarré pendant cinquante ans pour qu'il y ait des dialogues d'images.
Le réalisateur prend parti. Il s'engage d'un côté, mais il donne aussi la parole aux gens d'en face.»
Ses engagements auprès des causes justes nous manqueront, comme nous manqueront son humour permanent et son sens de l'anecdote qui fleurissait toujours au détour de ses phrases. Kenavo (au revoir en breton) et Salam aâlik René ! Espérons que l'Algérie te rendra un hommage à la hauteur des engagements qui ont été les tiens auprès de tes frères d'armes. A toi, René
l'Algérien.


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