C'est une terrible dégradation du cadre de vie qui se fait de plus en plus sentir à la cité Lemridja, à la périphérie nord de la ville d'El Milia. Du manque d'eau, quasi-rationnée à longueur d'année, en raison d'une crise qui ne trouve jamais de solution, à la prolifération des rats et des dépôts d'ordures, en passant par la défaillance de l'éclairage public et la dégradation du réseau routier, la cité n'est plus qu'un ensemble d'habitations plongées dans la misère et l'insalubrité. Et comble de l'incurie, des jeunes oisifs et sans perspectives, se sont emparés des abribus érigés à l'intérieur de la cité, pour les transformer en boutiques de commerce. «Tout le monde passe et les regarde, mais personne n'ose les interpeller, et dire que des habitants du quartier passent cinq fois par jour devant ces abribus pour aller faire la prière dans la mosquée d'à-côté sans crier gare à cet incivisme, à cette destruction des biens publics», s'indigne un habitant, enseignant de son état. Avant le squat de ces espaces, des aires de jeu destinées aux enfants ont été saccagées et leur grillage détérioré. «Des jeunes se sont servi des barres de fer volées de cette aire pour ériger une baraque sur le trottoir», déplore encore notre interlocuteur. Non loin de là, un terrain de sport en Mateco a eu le même sort. De ce terrain, il ne reste plus rien. Tout a été mis à sac. Pour éclairer leurs boutiques de fortune, les jeunes squatteurs des abribus se sont servis d'un fil électrique qu'ils ont branché aux locaux commerciaux, construits dans le cadre du programme présidentiel des 100 locaux par commune. Ces locaux ont été transformés, d'ailleurs, en un lieu de rencontre pour les délinquants de la cité. Dans le sillage de cette anarchie, des engins, des camions poids lourds et des bus ont pris tout l'espace qui reste aux habitants pour circuler. «Regardez, cette cité à l'air d'être un immense parking, pour circuler, il n'y a plus d'espace», fulmine un autre habitant. Et dire que cette cité était prédestinée à devenir un grand ensemble d'habitations lors de sa réalisation, il y a plus d'une vingtaine d'années. Construite dans le sillage de l'extension de la ville d'El Milia, la cité Lemridja, dont l'appellation est tirée de la nature marécageuse de la zone où elle a pris forme, n'a pas trop tardé à se clochardiser. A la place d'un ancien camp colonial, des bâtiments ont été construits au début des années 1990, avant que des villas, érigées sur des lots de terrains grignotés sur l'espace foncier d'une ancienne ferme agricole, ne viennent se greffer tout autour. Le tout a donné naissance à une cité où, se sont enchevêtrés des villas d'un certain standing et des blocs d'habitations occupés par une couche de résidents moins favorisés. Privés du moindre confort dans cette cité aux facettes misérables, les habitants se sont résignés à ne plus crier leur ras-le-bol de cette situation. «Notre destin, on le subit dans cette cité où il n'y a plus de confort, et en plus, nous subissons la loi d'une forme de délinquance qui sévit en toute quiétude», peste-t-ils.