Indépendamment du pouvoir d'achat de chaque entité familiale, les ménages se mettent, à Mila, sur leur trente et un pour accueillir comme il se doit le mois sacré du Ramadhan. Les ménagères sont à l'occasion sur la brèche. Les moindres recoins de la demeure familiale sont passés au peigne fin. On dépoussière par-ci, on essuie par-là, on lave à grande eau réfrigérateurs et cuisinières et on pare la cuisine de ses plus beaux atours afin que tout soit prêt le jour J. Quoique l'astuce n'est pas inédite, de nombreuses mères de familles au revenu modeste prennent bien soin de grever le budget familial en se rabattant sur la congélation de quantités suffisantes de poivron, piment et oignon, en passant par les petits pois et le haricot vert, en prévision d'une éventuelle augmentation des tarifs de ces produits de large consommation durant le mois du jeûne comme par le passé. Les chalandes, femmes au foyer ou fonctionnaires, déambulant d'un souk à un autre et d'un bazar à l'étal du coin, n'ont d'yeux que pour les ustensiles de cuisine, la vaisselle, les nappes, les serviettes et les produits de décoration. Cet engouement n'a pas été sans s'accompagner d'une profusion de stands et de commerces proposant ces catégories de marchandises, ainsi qu'une panoplie d'articles artisanaux qui ont fait leur apparition dans plusieurs localités de la wilaya. L'achat de la louche et de l'écuelle en bois, la marmite en céramique et le tadjine en argile (pour la cuisson de la galette) est une seconde nature chez les femmes mileviennes. Entre autres emplettes, elles ne manquent pas de prévoir les ingrédients (miel, beurre, flan et amandes entrant dans la préparation des friandises). Les pruneaux, le raisin sec (localement appelé z'bib) et ô combien nécessaire pour concocter le succulent « mesfouf » du s'hor, ainsi que le f'rik moulu à base duquel est mijotée la délicieuse chorba du f'tour, sont acquis ou préparés à l'avance. Au-delà de la piété et de la ferveur qui l'accompagnent, le Ramadhan n'en a pas moins suscité, ici comme ailleurs, de sérieux motifs d'inquiétude chez la majorité écrasante des pères de familles désemparés par la perspective probable d'une nouvelle flambée des prix. Mila, hélas, n'échappe pas à la règle et le ton est déjà annoncé dans la plupart des marchés publics de la wilaya, puisque la pomme de terre, le piment et la tomate ont d'ores et déjà grignoté entre 12 et 15 DA sur leurs prix initiaux, car ils ont été cédés, il y a quelques jours seulement, respectivement à 35 et 30 et 25 DA le kilo. En dépit de la disponibilité et l'abondance exceptionnelle de marchandises au marché de gros de fruits et légumes de Chelghoum Laïd, nous avons constaté de visu, à quelques heures du début du jeûne, que la pomme de terre, la tomate, la courgette et la laitue, pour ne citer que ces produits, ont été proposées dans l'ordre à 40, 35, 40 et 50 DA. Des mandataires interrogés sur place jugent, de surcroît, tolérables ces hausses traditionnelles qu'ils situent dans la fourchette des 5 à 10% d'augmentation. En tout état de cause, arguent-ils, « les prix sont déterminés en fonction des paramètres de l'offre et la demande ». Scandalisés par cette spéculation outrancière et non moins coutumière, nombreux sont les commerçants (détaillants) et les pères de familles qui ne croient pas à cette version saugrenue considérant que « la majoration tous azimuts des prix de fruits et légumes est l'œuvre des mandataires et des grossistes qui imposent des prix prohibitifs comme bon leur semble ». En attendant que les brigades de contrôle daignent administrer un « véritable » coup de pied dans la fourmilière, les jeûneurs redoutent à raison ce Ramadhan 2006.