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Culte et culture
Patrimoine immatériel : Sbuâ du Mawlid Ennabaoui dans le Gourara
Publié dans El Watan le 19 - 12 - 2015

Tradition fortement ancrée dans le tissu social, la veillée de l'anniversaire du Prophète Mohammed, El Mawlid Ennabaoui, populairement appelé El Mouloud, aura lieu jeudi prochain.
Dans les conversations de café, plusieurs citoyens ont retenu qu'il coïncidera cette année avec la fête de Noël, certains y voyant même un signe, comme si dans l'actualité mondiale sur laquelle pèse la mythologie contemporaine d'une guerre de civilisations, cette rencontre calendaire venait rappeler que Sidna Aïssa (Jésus Christ) était un prophète reconnu par le Coran auquel les musulmans doivent respect et considération. Là-dessus, les plaisantins de quartier se sont demandés si les pâtissiers prépareraient des bûches aux pétards !
L'attrait de la fête du Mouloud chez les Algériens s'explique historiquement. S'ils partagent avec la communauté musulmane du monde l'observance d'un rituel, celui-ci a pris en Algérie une dimension singulière, liée en partie à la résistance de la société algérienne au colonialisme de peuplement inexistant dans le reste du monde musulman, exceptée la Palestine depuis la moitié du XXe siècle. Face aux démonstrations festives de Noël par les colons, le Mawlid est devenu à la fois culturel et politique, un élément de défense de l'identité nationale niée.
Ce n'est pas par hasard que le club du Mouloudia d'Alger, né en 1921, et d'autres apparus par la suite aient tiré leurs noms de cette naissance sacrée. Il faut observer que dans le monde musulman, la célébration de cette date (le 12 de Rabie el Awal, troisième mois du calendrier hégirien) n'est pas également observée et son envergure et sa profondeur varient d'un pays à l'autre. De fait, le Mawlid ne figure ni dans le Coran ni dans la Sunna (tradition prophétique) et apparaît plus comme une tradition populaire à connotation religieuse.
Ce n'est que plus de trois siècles après l'Hégire que le calife fatimide Al Mouîz li Din Allah aurait décidé au Caire d'institutionnaliser cette fête. Notons que ledit calife était né à Ikjan, dans la fameuse tribu des Kutama, soit en Algérie, au cœur des Babors. Puis, la fête aurait été annulée plus d'un siècle après par un autre calife avant d'être reprise officiellement bien plus tard. Aujourd'hui, si de nombreuses écoles entérinent la célébration du Mawlid, certains courants y sont opposés, notamment salafistes, arguant qu'elle constitue une bidaâ (innovation au sens péjoratif).
Diversement observée selon les pays et les obédiences, la fête a connu un long processus au Maghreb, comme le note l'anthropologue algérien Rachid Bellil, citant à cet effet Robert Brunschwig : «La solennité de la nativité du Prophète ou Mawlid qui, inaugurée en Orient par les Ayubides, dès le commencement du XIIIe siècle, fut acceptée ensuite peu à peu par la Berbérie. (...) Dans la deuxième moitié du siècle, elle fut décrétée fête officielle, en 691/1292, par le sultan mérinide Abu Ya'qub, et paraît s'être acclimatée dès lors au Maroc.
Mais sans doute, là comme ailleurs, cette fête nouvelle d'inspiration nettement soufie, et surtout les démonstrations volontiers tapageuses qui l'accompagnaient, ont-elles heurté d'abord le sentiment de beaucoup d'orthodoxes, et la résistance de certains milieux devait ralentir sa diffusion au-dehors.
C'est seulement plus d'un demi-siècle plus tard qu'à Tlemcen, le sultan Abdelwadide Abu Hammu assura son triomphe et consacra par de brillantes manifestations sa popularité qui ne devait plus se démentir». La popularité de cette fête en Algérie a pris de nombreuses formes au gré des époques et des lieux. A Alger, des concerts de medh (chants religieux) au mausolée de Sidi Abderrahmane Ethaâlibi, patron spirituel de la ville, étaient le point de départ d'une célébration d'une semaine. Dans certains villages de Kabylie, tel Cheurfa, des processions sont encore organisées derrière des troupes d'idhebalen (troubadours).
Sur tout le territoire national, comme dans l'ensemble du continuum culturel maghrébin, l'anniversaire du Prophète a donné lieu à des fêtes se traduisant par des rassemblements familiaux et communautaires, des expressions artistiques (musique, chant, danse, poésie) et des traditions culinaires locales. L'une des plus spectaculaires et des mieux conservées est sans doute celle du sboû (septième jour) du Gourara qui vient d'être inscrit par l'Unesco sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'humanité lors de la 10e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde à Windhoek (Namibie), du 30 novembre au 4 décembre dernier.
Le Gourara réunit plusieurs oasis le sud-ouest algérien autour de la ville de Timimoune. Dotée de magnifiques décors naturels et d'un patrimoine matériel appréciable (architectures, système des foggaras…), cette région se distingue par un riche héritage où se mêlent l'amazighité à travers le fonds zénète, l'islam porté par d'anciennes zaouïas et les apports culturels subsahariens. C'est la deuxième fois que le Gourara entre dans la fameuse liste du patrimoine immatériel de l'humanité puisqu'en 2008, l'Ahellil, genre musical associé à une poésie et des rites, y avait été inscrit.
La célébration de la naissance du Prophète a été introduite au Gourara au XVIe siècle, dans le sillage du soufisme, «dans sa version maghrébine et populaire», précise encore Rachid Bellil. Par sa légende fondatrice (lire ci-dessous), son originalité, son organisation et son impact social et culturel, le sboû du Gourara est unique dans le monde musulman où ne manquent pas pourtant les formes de célébration de la nativité du Prophète de l'islam. Cette fête relie de nombreux ksour de la région : Timimoune, Massin, Kali, At Saïd, Tin Djellet, Ferâun, Ighzer, Badriyan, El Kef, Azeqquret, Angellu, Tasfawt, Agentur, Ajdir, At Aïssa, Awsif, Amsahel, Wajda...
Dès la journée du Mawlid, les communautés de ces ksour entament des visites les unes aux autres, les mausolées des saints servant de relais, et ce, selon un circuit parfaitement codifié, y compris lors des retours. Ces haltes donnent lieu à chaque fois à des pratiques culturelles festives. Il s'agit en fait d'un pèlerinage à plusieurs étapes qui aboutit, au septième jour, à un immense rassemblement autour de la zaouïa de Sidi El Hadj Belkacem, au cœur du Gourara.
C'est le moment où culmine la célébration précédée, une semaine auparavant, par le «rituel de la meule» où les femmes broient la première poignée de grains qui formeront l'immense couscous servi aux visiteurs. De multiples cérémonies rythment le sboû dont l'apogée est le cérémonial de jonction et d'union des étendards de toutes les zaouïas de la région et donc de toutes les communautés : chaulage des mausolées associé à des incantations, marches dansantes ponctuées de salves, des séances de baroud près des lieux vénérés, processions avec prières et évocations lors de l'arrivée des étendards, lectures collectives du Coran, concerts d'Ahellil en plein air, etc.
Des milliers de personnes s'y retrouvent, et l'on compte aussi des visiteurs en provenance de toute l'Algérie. L'hébergement est assuré chez les habitants, dans les locaux des zaouïas, des installations provisoires et l'on y dort aussi à la belle étoile. La restauration a lieu le plus souvent à l'extérieur, de manière collective et conviviale.
Le maître-mot de toutes les manifestations du sboû du Gourara est «salam». On le retrouve dans toutes les évocations et chants, comme pour rappeler que cet événement populaire annuel est né du désir de dépasser les anciens différends. Il a donc à la fois une signification religieuse, une assise sociale et une dimension culturelle. Le dossier de candidature de cette inscription sur la liste mondiale du patrimoine immatériel a été préparé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), rattaché au ministère de la Culture et dirigé par le Pr Slimane Hachi.
Il s'est basé notamment sur les travaux de l'écrivain Mouloud Mammeri (ancien directeur du CRAP, ancêtre du CNRPAH) et de son équipe (1977) et sur les recherches de C. Ougouag-Kezzal en 1973. Le dossier a été préparé par Rachid Bellil, véritable spécialiste du Gourara. Il s'agit du sixième dossier du patrimoine immatériel algérien validé par l'inscription sur la liste de l'Unesco après l'Ahellil du Gourara (2008), le costume nuptial de Tlemcen dit Chedda (2012), l'Imzad (2013, avec le Mali et le Niger), le pèlerinage du Rakb de Ouled Sidi Cheikh (2013) et la fête de la S'beiba (2014) célébrée à Djanet, dans le sud-est algérien.
Tous ces dossiers ont été approuvés à l'unanimité, ce qui n'est pas anodin lorsque l'on sait que de nombreuses candidatures, y compris de pays développées, sont rejetées par le comité intergouvernemental. Honoré depuis des siècles, le sbuâ du Gourara est un acte culturel fort et significatif, particulièrement en ces temps où l'islam est bafoué par certains qui prétendent le défendre et certains qui prétendent s'en défendre. Il devrait commencer à servir d'exemple en Algérie où la célébration du Mouloud est devenue plus pyrotechnique et consumériste que spirituelle et conviviale.


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