Après le FLN qui l'a traité, preuves à l'appui, de parti fraudeur — et l'ex-parti unique sait de quoi il parle étant lui aussi versé dans le trucage des urnes — c'est de l'intérieur même du RND qu'on apprend qu'Ouyahia a toujours été «élu» au poste de secrétaire général grâce aux… magouilles. La dissidence au sein du Rassemblement que le directeur de cabinet de la Présidence veut, à la veille du congrès, minimiser à tout prix, voire réduire à une minorité d'agitateurs dans le seul but de lui barrer la route, risque au train où elle s'est engagée, de dévoiler encore des choses qui ne vont pas sentir la rose. Le parti qui a laminé ses militants pour les remplacer par des fonctionnaires de la politique mis au service exclusif du sérail, est aujourd'hui en ébullition. La colère gronde, et la contestation gagne du terrain en dépit de l'image sereine que veut lui donner Ouyahia. Lorsqu'on voit que parmi les frondeurs il y a des membres influents du conseil national, on est en droit de penser que l'exaspération interne est sérieuse. Et pour cause : longtemps soumis au pouvoir ultra personnel d'un leader qui ne pense qu'à sa propre carrière, les adhérents sincères qui ont cru en la capacité de ce parti de jouer un rôle positif dans la construction démocratique du pays se sont rendu compte au fil du temps et des événements que le Rassemblement a été transformé en une machine de propagande qui n'a ni programme ni stratégie autres que celle qui porte la voix du clan présidentiel et par le biais de laquelle l'actuel SG par intérim espère tirer quelques dividendes indispensables pour ses ambitions à la magistrature suprême. D'ailleurs, Ahmed Ouyahia ne cesse de répéter que le RND soutient et œuvre inconditionnellement pour la réussite du programme du Président, ne mentionnant jamais le programme de son propre parti, même si virtuellement il… ressemblerait à celui de Bouteflika. Il confirme ainsi de facto que le Rassemblement n'a pas de projet et que sa survie dépends des arcanes d'El Mouradia où il occupe un poste qui le rapproche du Pouvoir, ce qui vaut à ses yeux tous les sacrifices. C'est donc pour apporter un changement salutaire à la destinée de leur parti que des militants lui livrent aujourd'hui la contestation. Ces derniers veulent libérer le champ à une expression plurielle, moins dogmatique, plus en rapport avec la réalité que vit l'Algérie. Ils veulent surtout s'affranchir d'un diktat personnel qui a fait beaucoup de mal à leur parti, les engageant souvent dans des positions qui sont loin de faire l'unanimité, ou même consensus. Comme celle qui a caractérisé sa dernière réunion partisane et dont il a fait une opportunité médiatique pour remettre sur le tapis la théorie du complot ourdi de l'extérieur et insulter de la manière la plus grossière qui soit l'opposition et la presse. Acculé dans ses retranchements, affaibli politiquement, Ouyahia s'est cru comme à son habitude obligé de faire dans la diversion pour essayer de rebondir. Mais les effets ont été pour lui catastrophiques. Tous les observateurs de la scène politique algérienne ont reconnu que cette sortie n'a pas été du tout à son avantage. L'affaire Valls a montré son indigence à se mettre au niveau d'une situation politique et diplomatique qui exigeait autrement plus de discernement pour la traduire. Son langage populiste a donc été ruineux pour un responsable qui a paru de surcroît désarmé intellectuellement et complètement décalé dans son conservatisme primaire. Il a été de même pour les attaques violentes contre l'opposition qui était pourtant dans son rôle de commenter les dégâts de susceptibilité provoqués par le tweet du Premier ministre français, et contre les quatre journaux — ciblés mais non cités — qualifiés trop facilement de «relais» à une entreprise de nuisance venant de l'étranger, en l'occurrence de l'hexagone. Ouyahia en est encore à cette vision éculée et rétrograde des années baâthistes qui classe toute critique qui le dérange dans la catégorie de «hisb frança» ! En visant particulièrement la presse qui lui démontre tout haut et à tout instant qu'il se trompe dans ses jugements, le SG par intérim du RND lance en fait le message qu'il faut en finir avec la liberté d'expression devenue trop compromettante pour un Pouvoir aux abois. L'idéal pour lui serait que la presse libre et l'opposition à laquelle il fait endosser tous les malheurs de l'Algérie alors qu'elle n'a aucune responsabilité dans la gestion des affaires du pays disparaissent de la scène nationale. Il faudrait par conséquent s'attendre à des coups fourrés contre ces deux entités prises comme éléments perturbateurs de l'ordre établi avec ses incalculables dérives et non comme des garants sûrs de la démocratie. Ainsi, l'homme qui ne mérite en vérité qu'un tout petit encadré dans les journaux, fortement contesté pour son autoritarisme au sein du parti et son incroyable penchant pour l'allégeance à un régime finissant, croit toujours qu'il suffit de prendre le micro et lancer à la cantonade des phrases assassines pour se remettre dans le circuit. La recette serait miraculeuse s'il n'avait pas trop de choses à se reprocher lui-même, trop de tares à laver le long d'une carrière truffée de volte-faces, d'intrigues. Mais, hélas, c'est toujours l'envers de leur médaille que nous livrent nos responsables pour se protéger contre eux-mêmes, alors que leur probité est sujette à questionnement. Que faut-il penser lorsqu'on entend Amar Ghoul asséner à qui veut l'entendre que «Bouteflika bi kheir, qu'El Djazaïr bi kheir, que chaâbouna bi kheir…» pour répondre au complot de la France. Que faut-il aussi retenir quand le ministre de la Communication affirme que la presse nationale (comprendre les quatre journaux mis dans le collimateur) est «incompétente, immature, déstructurée et manipulable…», toujours dans cette offensive anti-fafa, ajoutant pour faire plus crédible que «90% des Présidents dans le monde ne lisent pas la presse…». On ne sait plus si on doit en rire ou en pleurer.