D'autres édifices proposés à un classement, des années, n'ont pas résisté au temps et à l'oubli. La décision, presque tardive, du ministère de la Culture d'entamer les procédures de classements de trois monuments de la ville de Skikda ne devrait pas représenter une fin en soi. L'administration locale ne doit pas non plus vendre ce futur classement comme étant un «acquis». Le fait de classer l'hôtel de ville, la poste centrale et la gare ferroviaire ne signifie pas pour autant leur préservation. Détrompez-vous. Les monuments ayant déjà été classés dans cette ville ont vécu et vivent encore une impardonnable déconfiture. L'expérience malheureuse de Skikda dans le domaine relatif aux classements des biens patrimoniaux est là pour prouver qu'il ne suffit pas de classer une œuvre pour la prémunir pour autant contre l'insouciance des responsables de cette ville. Elus et administration n'ont jamais accordé l'attention et le suivi nécessaires pour prémunir ces richesses contre la dégradation. À cela, est venue s'ajouter l'absence d'associations locales sérieuses pour accompagner ces classements en procédant à des actions de mise en valeur, de sensibilisation ou juste de vulgarisation. Les quelques associations qui tentent de s'immiscer dans le domaine trop important du patrimoine se limitent, le plus souvent, à n'être que l'écho de la voix de l'administration. Jamais elles n'ont dénoncé des actes de vandalisme subis par plusieurs ouvrages patrimoniaux, à l'exemple de l'hôtel de ville dont on a brisé les marches faites en matériau noble sans que cet acte gravissime ne pousse cesdites associations à dénoncer ce massacre à défaut de l'arrêter. Ville riche, mais tellement pauvre À lire le dernier décret du ministère de la culture, on comprend que le classement définitif de ces trois œuvres architecturales, ne saurait tarder. Le plus intéressant dans cette histoire, c'est que les instances ministérielles ont procédé à un classement particulier, c'est-à-dire, classer chaque œuvre à part, contrairement aux propositions avancées par l'administration locale qui a de tout temps tenté d'identifier l'ensemble de ces œuvres par l'appellation trop simpliste «Ilot architectural Charles Montaland» en référence à l'architecte, presque orientaliste, qui les a dessiné. Ces trois œuvres n'ont jamais formé un ilot, vu la présence du siège de la banque centrale-une autre œuvre architecturale, plus belle encore et qui est l'œuvre de Umbdenstock, un autre architecte dont on a jamais parlé- en plus, la gare ferroviaire est implantée en dehors du périmètre longeant l'avenue Zighoud Youcef et vient carrément à l'opposé de l'hôtel de ville. Donc mathématiquement, Skikda a bénéficié du classement de trois œuvres distinctes, même si du point de vue architectural, elles épousent toutes les trois les touches néo-mauresques de l'architecte algérois, Charles Montaland. Ceci fait porter ainsi le nombre de classements dans cette wilaya à neuf. À titre de comparaison, la wilaya de Constantine a déjà bénéficié de pas moins de 25 classements et la seule Tlemcen dépasse les 40 classements. Ceci est louable pour le patrimoine national dans toute sa diversité, mais Skikda donne l'impression de rester le parent pauvre du ministère de la culture en matière de classement de biens matériels et immatériels. La ville regorge de monuments et de sites qui méritent ou qui méritaient d'être préservés. Les Remparts de la ville, proposés au classement depuis des décennies n'ont pas résisté au temps et à l'oubli. De cette immense muraille qui ceinturait l'ancienne Philippeville coloniale, il n'en reste que quelques mètres linéaires. Le reste a été emporté par le béton et par la cupidité des hommes, facilité il est vrai par la passivité des élus et de la société civile tout comme la Prise d'eau Romaine, à Sidi Ahmed, que des constructeurs ont fini par engloutir sous leurs décombres et autres gravats… On peut aussi citer les fameuses «SebaaBiar» (les sept puits romains) qui continuent d'alimenter à ce jour les habitants du vieux Skikda. Il y aussi la cité El Kobbia, œuvre de Charles Montaland et d'autres sites historiques et archéologiques d'une importance universelle. Le patrimoine s'écroule Pour revenir aux derniers classements, il reste à rappeler que les monuments et autres biens culturels classés à Skikda sont, par ordre chronologique, le Théâtre Romain, les Objets archéologiques placés au Musée, le Palais Dar Meriem, la Mosquée de Collo, une œuvre picturale attribuée, faussement, à Van Dyck et la collection de toiles. Mis à part la Mosquée de Collo, les autres biens et objets ne semblent pas avoir bénéficié des avantages de leurs classements. Le Palais Dar Meriem, et non Meriem Azza, qui a été classé monument national au courant des années 1980 risque de s'écrouler aujourd'hui si on continue à retarder l'échéance de sa réhabilitation. Le théâtre Romain, le premier monument à avoir été classé monument archéologique n'est aujourd'hui qu'un vague souvenir et il risque de disparaitre à jamais si on ne décide pas enfin de penser, et dans l'urgence, à le réhabiliter. Plus grave encore, le fait d'avoir classé dernièrement la fameuse collection des toiles de l'hôtel de ville n'a pas empêché les pigeons qui hantent les lieux d'utiliser ces œuvres comme perchoirs, tout comme cette copie de l'œuvre de Van Dyck que les instances ministérielles ont pourtant classé alors qu'elle ne devrait pas l'être. On ne classe pas des copies, fussent-elles d'auteurs célèbres. Le classement de l'hôtel de ville, de la gare et de la poste peut être assimilé à un mea-culpa tardif du ministère de la culture. Il représente néanmoins une lueur d'espoir. Du moins, une fois classés, ces trois belles œuvres n'auront plus à subir la culture politicienne et populiste des élus et des responsables locaux. Ces derniers n'auront plus le droit de briser les marches en marbre, ni à placarder des porte-drapeaux dans les couloirs de ces édifices ni à repeindre les façades, juste pour prouver qu'ils ont le pouvoir. Pour le reste, c'est aux Skikdis de penser à défendre leur patrimoine. Personne d'autre ne le fera à leur place.