Elle est aussi fausse qu'injuste l'idée largement répandue au sein de l'opinion publique que tous les ministres n'ont pour seule ambition que leur maintien en poste au gouvernement et qu'ils sont prêts à tout pour y rester, quitte à brader leur dignité. Certes nombre d'entre eux sont sur ce registre, défrayant la chronique par leur haut degré de soumission. Mais aussi loin qu'on remonte dans le temps, ont émergé des ministres d'un courage exemplaire qui se sont entièrement dévoués à leur tâche (d'intérêt public), bravant les hostilités apparues tant au sein de la société que de la classe politique. Si en dernière instance, c'est le président de la République qui tranche, reconduisant ou dégommant ministres et Premiers ministres, ses choix sont souvent mystérieux car s'y s'imbriquent de manière inattendue des facteurs objectifs et des considérations subjectives. Depuis quelques années, le remaniement ministériel est un théâtre de l'étrange. Il est attendu avec angoisse par les ministres et avec un grand intérêt par les observateurs et l'opinion publique. Actuellement, c'est le sort de Nouria Benghebrit et de Bakhti Belaïb qui préoccupe tout spécialement, tant ceux-ci ont pris, ces derniers temps, des positions en pointe, la ministre de l'Education nationale affrontant les islamo-conservateurs de tout poil du pays remettant en cause ses réformes modernistes, le ministre du Commerce pointant publiquement du doigt les prédateurs du secteur du commerce soutenus par de larges complicités au sein des appareils de l'Etat. Bouteflika succombera-t-il à la levée de boucliers des adversaires de Nouria Benghebrit, comme l'avait fait le président Boumediène dans les années 1970 en cédant au chantage des baâthistes de l'époque, conduits par Yahiaoui ? Stoppera-t-il l'élan de Bakhti Belaïb visant à assainir le commerce du pays des pratiques maffieuses ? La logique aurait voulu que le président de la République leur renouvelle sa confiance. Il l'a fait lors du dernier remaniement ministériel s'agissant de la ministre de l'Education nationale, mais le soutien timoré qu'elle a reçu de l'Exécutif ces derniers mois face aux attaques qui ont redoublé d'intensité laisse penser que sa reconduction n'est pas acquise. Idem pour Bakhti Belaïb qui, laissé seul dans l'arène, abandonné par le gouvernement et les parlementaires, aurait même envisagé de démissionner. Au niveau de Bouteflika, la politique a ses raisons que la raison ne connaît pas. Mais au-delà de la personne du Président, son rôle, aussi important soit-il, c'est le système politique qu'il a contribué à bâtir et qui l'a dépassé qui est en cause : les forces de l'argent et de la régression politique et idéologique ont fini par prendre le dessus, laissant dans le pays très peu de place à l'intelligence des hommes, à l'action positive et à l'engagement franc et désintéressé. L'activité gouvernementale, pourtant noble, a fini par perdre de sa valeur, de son poids, voire de sa signification. Que vaut et que pèse un ministre devant les brasseurs de milliards (en dinars et en devises) de l'informel, de l'offshore ou des places bancaires d'Europe ou du Moyen-Orient ?