Visiblement, le patron de la Sarl Sopiref, M'hamed Sahraoui, n'est pas près de sortir de l'auberge. Alors qu'il venait de récupérer, le 14 mai dernier, son agrément pour reprendre son activité immobilière, voilà que mercredi dernier le tribunal de Tipasa le convoque pour l'entendre sur les conditions d'obtention de la parcelle de terrain située à El Achour, sur laquelle était construit le bâtiment qui s'est effondré ce vendredi 14 octobre 2016, laissant pantois les plus experts en matière de construction. Après des heures d'audition par le parquet, puis par le juge d'instruction, le promoteur, et selon des sources judiciaires, a été inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour «quatre chefs d'inculpation» en lien avec des faits de «corruption et de violation de la réglementation relative à la construction». Les services de police ont mené l'enquête préliminaire sur les conditions dans lesquelles la Sarl Sopiref a obtenu les autorisations nécessaires pour construire non pas l'immeuble qui s'est effondré, mais toute la résidence Urba 2000. Selon nos sources, au moins 17 personnes — à savoir des cadres de l'administration locale, dont le maire d'El Achour, et un autre du ministère de l'Habitat, ainsi que deux promoteurs, M'hamed Sahraoui et Lyes Hattou (qui serait à l'origine des travaux ayant occasionné l'effondrement de l'immeuble) — ont été présentées au parquet de Tipasa, qui s'était autosaisi de cette affaire. Parmi elles, au moins quatre ont été inculpées et placées sous contrôle judiciaire, apprend-on auprès des mêmes sources. Il s'agit de M'hamed Sahraoui, du maire d'El Achour et de deux cadres de l'urbanisme de la même commune. Le juge avait terminé très tard et poursuivi jusqu'à jeudi les auditions, qui doivent reprendre aujourd'hui. L'information a fait l'effet d'une bombe dans le milieu de l'immobilier, surtout quand on sait que cette résidence abrite des centaines de logements de haut standing, occupés par leurs propriétaires et que des immeubles sont toujours en phase de construction, mais dont les travaux avaient été bloqués après le retrait de l'agréments à la Sarl Sopiref par le ministère de l'Habitat au mois d'octobre 2016. A la suite des recours, la société a reçu, le 14 mai dernier, un courrier l'informant qu'elle «pouvait reprendre» son activité (promotion immobilière) puisqu'elle a été «réhabilitée». Le retrait de l'agrément avait été décidé moins de 24 heures seulement après l'effondrement du bâtiment en finition situé sur la même parcelle de la résidence Urba 2000. Une commission d'enquête avait été dépêchée sur les lieux et a passé au peigne fin les documents composant le dossier administratif et technique de la promotion Immo Hat, de la société Sopiref, mais aussi de la réalisation de tout l'ensemble immobilier se trouvant sur la même parcelle. Le communiqué du ministère de l'Habitat fait état de nombreux griefs retenus contre Sopiref qui, d'après le département de Tebboune, «ne dispose pas de permis de construire». «Le promoteur a été mis en demeure par les services techniques de la commune le 4 septembre 2014, après lui avoir notifié trois procès-verbaux de contravention. Une décision d'arrêt des travaux a été rendue le 16 septembre 2016, mais le gérant ne s'y est pas conformé». Des accusations récusées par M'hamed Sahraoui, qui, à travers les colonnes des journaux, a déclaré détenir un permis de construire mais aussi une convention avec les services du Centre de CTS (contrôle technique de la construction). Mais le ministère de l'Habitat maintient son constat en affirmant que «Immo Hat n'avait pas tenu compte des réserves émises par les services techniques, et qu'à ce titre, elle a été mise en garde dans une requête aux services techniques de la commune contre les risques découlant des travaux engagés sans permis de construire sur le projet mitoyen relevant de Sopiref». Des griefs qui ont poussé le ministère de l'Habitat à ordonner la démolition immédiate d'un immeuble jouxtant la bâtisse effondrée et relevant de la Sopiref et du retrait de l'agrément à son gérant, M'hamed Sahraoui, alors qu'une expertise technique pour confortement des autres immeubles avait été lancée. Le promoteur campe sur sa position et évoque «une malveillance claire». Se basant sur ses «900 réalisations sans aucun incident» depuis plusieurs décennies, Sahraoui persiste à dire que «le permis de construire de l'opération dite Urba 2000 située à El Achour a été délivré par les autorités compétentes le 22 septembre 1999, sous le no172/ à Ú/99. Un dossier de régularisation par rapport au dossier initial a été transmis pour approbation à l'APC d'El Achour, suivant bordereau d'envoi en date du 3 novembre 2015, et resté sans réponse, alors que la réglementation (du 12 février 2015) donne un délai de 20 jours à l'APC pour répondre. Au-delà, le permis de construire peut être considéré comme acquis». Selon lui, «le document dont il est question concerne l'ensemble des constructions, y compris les studios pour lesquels je dispose de plans dûment visés par l'administration». Pour le promoteur, l'effondrement du bloc de studios «est le résultat des travaux de terrassement inconsidérés effectués par le promoteur Hattou Lyes qui avait été mis en demeure, un mois auparavant, de cesser les travaux de terrassement pour le motif qu'ils menaçaient la solidité du bloc des studios mitoyens». Hier, Sahraoui était injoignable et son entourage évoque déjà «un complot», précisant qu'une conférence de presse sera organisée incessamment sur cette affaire. Nous y reviendrons en détail.