Au moment où la démarche de Tebboune fait croire à une volonté de moralisation de la vie publique et suscite un élan de sympathie au sein de l'opinion, très sensible, par ailleurs, à la gravité de la situation en Algérie et la menace d'explosion sociale, le récent mouvement opéré dans le corps des walis et celui des secrétaires généraux de wilaya renferme, en revanche, des éléments qui offrent des lectures troublantes sur les intentions du pouvoir politique. En effet, ce mouvement déjà déroutant, puisqu'intervenu à peine 9 mois après le précédent, porte clairement l'empreinte du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui. Beaucoup parmi les hommes de sa promotion et ceux qu'il a dirigés du temps où il était lui-même wali à Sétif et ensuite à Constantine ont été cette fois promus, alors que plusieurs parmi ces cadres ne peuvent pas se prévaloir d'états de service très convaincants. Des décisions qui n'ont pas manqué de soulever, d'ailleurs, les interrogations, voire les réactions des populations. A Souk Ahras, à titre d'exemple, des citoyens ont manifesté contre le remplacement du wali, alors qu'à Constantine, la population a exprimé son incompréhension face à la «liquidation» du wali sortant, pris pourtant en sympathie après tout juste 8 mois en poste. Face à l'ambiguïté qui enveloppe cette histoire, deux hypothèses au moins se dégagent pour tenter une explication à ces événements qui accompagnent un été très chaud. La première veut que le ministre de l'Intérieur ait agi seul, et donc en porte-à-faux avec la politique de son Premier ministre, en construisant un réseau de proches collaborateurs et d'hommes de confiance, selon une logique aux visées étroites. Si c'est le cas, la manœuvre est gravement irresponsable et porte en elle les germes d'une menace qui s'ajoutent aux défis économiques, si l'on considère que l'effort de redressement de la situation nationale pour éviter l'effondrement du pays risque d'être hypothéqué par des hommes choisis moins sur la base de leurs aptitudes que leur allégeance et donc qui soient les moins aptes à faire face à la situation. La deuxième hypothèse veut au contraire que ces cadres soient sciemment choisis et approuvés collégialement en haut lieu, avec pour mission de réussir les prochains rendez-vous électoraux, préoccupation prioritaire de ce gouvernement, affichée d'ailleurs cette semaine par le nouveau wali de Batna et, dans ce cas de figure, la démarche de Tebboune devient un leurre qui trahit la confiance des Algériens, rien de plus. Le contraste est clair et l'équivoque ne tardera pas à être levée sachant que quatre mois seulement nous séparent des élections locales et que l'acuité de la crise et l'insistante demande sociale mettent à nu et très vite les administrations inaptes. Les émeutes de Skikda et les affrontements d'Aokas cette semaine nous en offrent un avant-goût.