Plusieurs descendants de juifs expropriés par les nazis récupèrent les œuvres d'art de leurs parents pour les mettre en vente. Les prix s'envolent. Les musées se rebiffent. Grosse polémique. Il faut reconnaître aux grands collectionneurs du début du XXe siècle, issus des communautés juives d'Europe, un sens particulièrement avisé des valeurs artistiques. Dès les débuts des grands courants et genres qui ont fondé l'art moderne puis contemporain (l'impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, etc.), ils ont repéré les artistes qui, alors inconnus ou boudés, allaient devenir de grandes signatures. Près d'un siècle après, cela entraîne de nombreux bouleversements sur le marché mondial de l'art et des frictions en chaîne. Retour en arrière. Acte premier : l'avènement du nazisme et les expropriations massives des juifs. Les dignitaires et officiers du régime hitlérien, qui combinaient à leur cruauté des raffinements contre nature envers l'art, raflèrent toutes les œuvres de valeur qu'ils pouvaient trouver. La guerre terminée, nombre de ces œuvres ont été récupérées par les musées d'Europe, soit par achat, soit par affectation publique. Deuxième acte : en 1988 est adoptée la Déclaration de Washington portant sur la restitution des œuvres d'art saisies par les nazis. Depuis, les héritiers des collectionneurs spoliés ont entamé des actions en justice. Ainsi, de nombreuses œuvres ont été restituées grâce notamment à de grands cabinets d'avocats américains qui se sont spécialisés dans ce type d'affaires. Première conséquence : beaucoup de ces héritiers, une fois en possession de ces trésors de leurs aïeux, se sont empressés de les mettre en vente. Le marché de l'art se voit ainsi boosté par l'apparition soudaine de toiles de maîtres entraînant des records de vente. Aussi, le quotidien Le Monde a-t-il relevé que pour la première fois, la saison des ventes aux enchères à New York a atteint 1,3 milliard de dollars en deux semaines. Parmi les heureux bénéficiaires de ces ventes, la dirigeante du Parti communiste britannique, Anita Halpin, descendante d'un couple de collectionneurs juifs allemands dépouillés par la Gestapo. Avec la vente d'un seul tableau du peintre Kirchner, Scène de la rue berlinoise, la prolétarienne a empoché 38 millions de dollars ! Deuxième conséquence : les musées d'Europe se rebiffent, notamment ceux en Allemgane qui, privés de plusieurs pièces rares, vont à présent jusqu'à douter de l'innocence de ces opérations. La présidente de la Fédération des musées allemands, Mechtild Kronemberg, a dénoncé ce « business de la restitution » initié, selon elle, par certains avocats « qui incitent des descendants à réclamer des œuvres, uniquement pour gagner de l'argent ». Le directeur du musée de Berlin qui a vu partir le Kirchner précité, clou de sa collection, va jusqu'à accuser les maisons de ventes aux enchères d'être derrière la plupart des démarches de restitution. Plusieurs affaires sont en conflit, les musées contestant les requêtes et tentant de faire valoir l'acquisition légale des œuvres. Bref, la polémique n'est pas près de s'éteindre. A suivre…