Li fet mat, c'est un documentaire, mais en même temps, c'est plus que ça. Quelles étaient vos intentions au moment du projet ? Je fais partie de cette génération des petits enfants de l'indépendance qui ont hérité d'une histoire plus ou moins déformée et mal acceptée. J'ai connu la SAS un peu par hasard, ma mère quinquagénaire me racontant, alors que j'avais trente ans, qu'elle avait passé trois ans dans un camp de la SAS de Laperrine. Elle avait tu sa douleur pendant tant d'années à ses enfants qui grandissaient en France. Pourquoi ma mère s'est-elle tue, pourquoi les gouvernements algérien et français se taisent ? Il y a un enjeu aujourd'hui à faire un travail sur la question de la guerre d'Algérie. L'immersion dans la SAS c'est l'immersion au présent dans un petit monde qui va nous faire revisiter le passé, avec le regard de chacun sur sa vérité. La SAS ce n'est pas un lieu anodin, c'est une marque de domination. Comment se fait-il que ces gens, qui ont eu affaire à ce lieu à un moment de leur vie, s'y trouvent encore après 1962 et y vivent encore aujourd'hui. C'est cette contradiction qui m'intéressait, le symbole de la transmission de l'héritage colonial au travers de parcours individuels. Vous montrez discrètement la gêne que l'expression cause chez certains... On l'a tout le temps et partout quel que soit le sujet et pas seulement en Algérie. Dès qu'on arrive avec une caméra, il y a toujours quelqu'un qui la ramène pour critiquerChaque création apporte quelque chose à son créateur. Comment en ressortez-vous, avec quelles certitudes et quels questionnements ? Je n'en ressors pas avec des certitudes. Un film, cela ne révolutionne rien, cela permet juste d'apporter un regard, un point de vue. Pour moi, en fait, c'est plus confus encore ! Si je prends un exemple, les personnages, à partir de leurs anecdotes, ne rapportent pas forcément la vérité. C'est la leur, et ça c'était un parti pris de départ qui nous intéressait. Cette aventure, c'était aussi une occasion pour eux de se redéfinir, avec tout ce qu'il peut y avoir de contradiction, de complexité. C'est cette fragilité qui était intéressante. Ces gens qui s'étaient trouvés dans un contexte déshumanisant, cela me fait penser un peu à la Palestine, bien sûr cela n'a rien à voir, mais pouvoir accepter tant d'années de souffrance, ce sont des survivants pour moi, ces gens-là. Ils sont passés par je ne sais combien de conflits. Ils ont de la dignité, de la force. On a beaucoup travaillé le rapport de proximité et la complicité mais on reste avec un point d'interrogation malgré tout.