La liberté de la presse et d'expression a connu une grande évolution, bien avant le multipartisme, selon le directeur de la rédaction du quotidien Echaâb, Benbella Fnidès. C'est grâce à cette évolution, selon lui, que les partis politiques ont pu trouver des espaces d'expression pour exprimer leurs idées et toucher l'opinion publique. « Le multipartisme a, à son tour, contribué à élargir cette liberté dont l'évolution n'a pas cessé. La preuve, le grand nombre de titres de journaux, et récemment de chaînes TV qui s'expriment en toute liberté », estime-t-il, affirmant que la liberté de la presse en Algérie est un fait. Mais une liberté qui, toujours selon lui, il faut réguler. Il explique, à ce propos, que celle-ci a eu tout le loisir de s'épanouir ces dix dernières années. « Toutefois, comme elle a connu une période de transition, elle a ouvert la porte aux dépassements et au non-respect de l'éthique. L'Autorité de régulation vient donc à point nommé. Il ne s'agit pas de brider la liberté de la presse mais de la réguler, de l'accompagner dans le respect de l'éthique professionnelle », indique-t-il. L'éthique professionnelle, pour lui, consiste à préciser la source d'information, à vérifier sa véracité et à assumer la responsabilité de ce qui est rapporté. « Ne pas encourager la calomnie », ajoute la directrice de la publication du quotidien Reporters, Narima Akkouche. « La régulation ne freinera pas la liberté de la presse mais les diffamations et les infractions et mettra fin au non-professionnalisme que nous avions constaté ces dernières années. Tant que l'éthique professionnelle est respectée, il n'y a aucun danger pour la liberté de la presse », assure-t-elle. Et d'ajouter : « En trois ans d'existence, Reporters n'a fait l'objet d'aucune restriction. » « Nous avons pourtant abordé des sujets très délicats, très critiques. Mais nous les avons faits dans le respect des normes de l'éthique. Des articles professionnels, argumentés et avec des éléments de preuve. Et surtout, nous citons toujours nos sources. Peut-être pas systématiquement les personnes mais toujours les organismes qui nous fournissent l'information. C'est ce qui rend les informations fiables », dit-elle, déplorant le fait que certains médias exploitent le concept de « la source sûre » pour déballer des informations non vérifiées, juste pour gagner en lectorat ou en audimat. « Certaines chaînes de télévision entretiennent des propos calomnieux pour les vendre au plus offrant. On utilise aussi des pseudonymes dans la presse écrite pour signer les articles les plus critiques. Ce genre d'agissements est une marque évidente d'un manque de courage. Se cacher derrière un pseudonyme pour dénoncer certains faits est un acte irresponsable », souligne-t-elle, saluant l'émergence d'une autorité de régulation pour mettre fin « non à la liberté de la presse qui est ouverte même à l'opposition, selon elle, mais pour stopper des pratiques qui n'ont rien à voir avec le journalisme et le professionnalisme ». A propos des chaînes de télévision, Fnidès a estimé qu'elles ont été créées dans la précipitation sans passer par une phase préparatoire. « Leur premier souci est de contrôler l'audimat, laissant de côté l'éthique professionnelle », regrette-t-il. Otage de l'argent ou du pouvoir politique La présidente-directrice générale du quotidien El Moudjahid, Naâma Abbas, pense, quant à elle, que ces chaînes sont motivées par l'argent, sans aucune considération pour les journalistes, de même que certains titres de la presse écrite. « La liberté de la presse en Algérie, comme partout dans le monde, est otage de l'argent ou du pouvoir politique. La corporation doit agir pour rendre à la presse sa mission originelle. Cela devrait faire l'objet d'un débat », explique-t-elle. Pour elle, la faute n'incombe pas aux journalistes débutants. Surtout ceux qui sont sous-payés et non déclarés. Dans ce cas, elle estime que le non-respect de leurs droits les plus élémentaires les pousse aux dérapages. « Comment un journaliste exerçant son métier au noir peut-il assumer son véritable rôle ? Comment peut-on prétendre défendre la vérité et le droit si on ne respecte pas les droits les plus élémentaires des journalistes ? », s'interroge-t-elle, soutenant que les médias ne peuvent être au-dessus de la loi. Une autorité de régulation serait donc la bienvenue, selon elle. C'est le souhait également du directeur de publication du quotidien Liberté, Abrous Outoudert. « Mais comment la mettre en place alors que celle de l'audiovisuel patine encore ? Que ses membres ne sont pas encore désignés officiellement ? », relève-t-il. « Il sera plus difficile pour la presse écrite ou pour le professionnel de côtoyer un journaliste ou un éditeur trabendiste », tranche-t-il, affirmant que peu ou rien n'a été fait en pour la liberté de la presse.