Si l'émotion de conduire une moto a toujours fait partie de la vie de Samir Khemici, elle se fait plus grande aujourd'hui, à la mesure de cette passion qu'il lui adjoint depuis peu pour en faire deux en un. Car, c'est juché sur son scooter, qu'il lui fait dévorer des kilomètres pour dire « stop, agressivité routière », dans une belle initiative bien à lui, de participer à la lutte contre le terrorisme routier. Une quête qu'il prend à cœur. Pour le bien de la communauté. Pour son prochain. L'aventure, belle et entraînante s'est imposée à lui comme une autre émotion à vivre et à faire vivre, en portant haut ce slogan de mettre tout le monde à contribution, afin d'aider à faire baisser le nombre d'accidents de la route. Une sensibilisation à toutes épreuves qu'il mène tambour battant depuis 2014. Il en est à sa septième action. Et rien ne semble arrêter le quadragénaire qui n'hésite pas à enfourcher sa bécane pour aller porter la bonne parole en faveur des victimes des accidents de la route. Samir, plus que convaincu aujourd'hui de l'utilité de son action qu'il espère se voir multiplier, par ailleurs, sous d'autres formes, pourquoi pas, échafaude d'autres actions à venir en appui à celles qui l'ont vu avaler des kilomètres avec ses compagnons. Ce globe-trotter de l'asphalte avoue que cette idée de parcourir le pays ne date pas de ces dernières années. A 13 ans, déjà, il avait en tête de partir ainsi à travers l'Algérie pour une bonne cause. Gamin, il était sensible à ce qui se passait sur les routes. L'idée a germé de là, en fait. Et le déclic a été enclenché après l'accident survenu à sa mère en 2013. Car, voici deux ans, sa maman s'est fait renverser par un chauffard qui a pris la fuite, laissant sa victime sans secours. Ce qui a valu à cette femme, la soixantaine passée, de souffrir de séquelles sur sa santé. Une première opération après un décollement du fémur n'a pas été de tout repos. Elle sera suivie d'une seconde. La mère de Samir est, en effet, rentrée de nouveau à l'hôpital pour y subir une seconde intervention chirurgicale et en venir à bout de souffrances physiques que toute la famille endure avec cette victime des fous du volant. Elle vient seulement de quitter l'hôpital. Nul n'est à l'abri Toute la famille en subit les conséquences. Samir ne se le fait pas dire deux fois, c'est là qu'il décide de mettre à pied d'œuvre son projet de partir dire aux autres que nul n'est à l'abri. D'autant que déjà rien que pour les 8 premiers mois de l'année, le bilan est alarmant : 2.400 morts sans compter les blessés.Il arrive à convaincre les siens, en particulier sa mère qui ne voit pas du bon œil cette démarche qui va emmener son fils sur les routes, avec tous les risques qui s'y trouvent. D'ailleurs, elle n'a jamais voulu le voir conduire une moto, d'autant que lui a cette mécanique dans les jambes depuis l'âge de 13 ans. Rien que ça ! Lui, entêté, promettait d'être prudent, écoutait avec sérieux les conseils qu'elle lui prodiguait et la rassurait du mieux qu'il le pouvait, rien que, ne serait-ce, pour aller conduire sa moto, un tout petit moto-cross à l'époque, de son âge quoi. Il en fallu du temps avant qu'elle ne s'habitue à cette machine sur laquelle elle regardait s'amuser son fils. Lui, comme promis, restait et reste encore très prudent sur les routes. D'autant qu'il ne perd pas de vue que chez nous, il faut toujours conduire pour les autres, pas pour soi-même, tellement la vigilance est de mise. Aujourd'hui comme hier, sa mère le rappelle à l'ordre et les trajets que Samir a à effectuer ne sont pas courts. Lui, le révolté, après ce que le chauffard fuyard a fait endurer à sa mère, nourrit son engagement de cet accident, et de beaucoup d'autres, un accident est toujours l'accident de trop, et ne recule pas devant les difficultés. Parce qu'il faut être suffisamment armé en patience, en courage et en volonté pour s'en aller sur les routes et parler autour de lui, sensibiliser les Algériens à ce fléau social, national. Sept actions déjà et la huitième prend son élan ce lundi 16 novembre.La première a eu lieu quelques mois après l'accident dont a été victime sa mère. C'était le 2 janvier 2014. Avec zéro dinar, depuis. A bord de son scooter 125 cm3, il enclenche la pédale pour un Alger-Taghit-Alger. Il est accompagné tout aussi bénévolement par une équipe, des potes qui font dans la santé, le technique... Des haltes ont été marquées dans ce long périple de plus de 1.000 kilomètres. La caravane s'arrêtera ainsi, pour cette première, à Saïda, suivie d'une autre à Béchar. Cette dernière escale servira à organiser une conférence de presse. Entretenir du fléau des accidents de la route, distribuer des flyers, recueillir des témoignages, prêter ouïe aux idées, propositions, prendre acte des différents dispositifs, développement dans les actes de sensibilisation que d'autres ont initiés, c'est partager un seul et même objectif : en venir à bout de ces accidents qui handicapent à vie, qui endeuillent des familles entières . « Car, il n'y a pas un Algérien qui n'a pas été touché par cette violence routière, de près ou de loin », ponctue Samir. Et c'est généralement aux stations-services, tous les 100 kilomètres, c'est l'autonomie que possède sa moto, une manière de laisser refroidir la machine, tout en l'alimentant, que ces échanges ont lieu, endroit idéal pour accoster les automobilistes, les premiers concernés par les dangers du voyage par route. Il y a aussi des arrêts aux agglomérations, villages, pour aller au-devant des citoyens. Long périple Et à travers cette opération, l'utile ne peut se faire sans l'agréable. C'est pour Samir, une double vocation que ce voyage pour le Sud. Puisqu'il a cette arrière-pensée de faire découvrir, par là même, le pays aux jeunes. Le Sud dont il est tombé amoureux par le biais de Taghit l'enchanteresse qui l'a littéralement foudroyé de sa beauté en 1988. Il y est déjà allé et en moto-cross, s'il vous plaît, quatorze fois ! La seconde action s'est déroulée en mai 2014. Samir qui a plus ou moins fait parler de lui, a eu l'adhésion de l'ADS (Agence de développement social) qui lui prête main forte et l'accompagne dans ses pérégrinations. Cette Agence est rodée à la sensibilisation sur les accidents de la route et elle organise pour Samir une rencontre avec les écoliers pour toute une journée. ne troisième tentative est mise sur route en juin 2014. A point nommé pour célébrer, à sa manière, la journée mondiale de la famille. Cette activité a lieu à Miramar, à Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade), le quartier de Samir. Une manifestation qui a enregistré un grand engouement du fait que cette région a eu son lot de victimes de la route. D'ailleurs, pour une meilleure portée du message et mieux marquer les esprits, les portraits de ces victimes ont été remis en mémoire, aux côtés de banderoles aux appels de sensibilisation, en plus de distribution de flyers, non sans avoir observé une minute de silence, dans une pensée à ces disparus pour cause de violence routière. Les autorités locales, pour la première fois, prennent part à cette action qui a enfin, aux yeux de Samir, de l'écho en attendant qu'elle soit suivie d'effet. Parce que pour réunir le budget nécessaire au déroulement de cette opération, les sponsors promettent, sans plus. C'est alors que Samir et son équipe mettent à contribution le fond de leur poche, dans le seul souci de pérenniser cette action qui a le mérite de se concrétiser malgré tout. Du baume au cœur que cet intérêt qu'il veut tout de même voir plus grand et régulier surtout.Et en ce même juin 2014, une autre initiative, la quatrième du nom, fera participer 200 motards du stade Mustapha-Chaker à Blida au stade 5-Juillet à Alger, avec le même mot d'ordre : halte à l'agression routière ! Une belle chevauchée parrainée par le ministère de la Jeunesse et des sports. Cette quatrième sera suivie de deux autres pendant le ramadan. Avec l'apport d'une boîte de communication qui fait dans l'événementiel. Et c'est en parallèle d'un tournoi de tennis, qu'un espace a été offert à Samir pour prêcher la bonne parole en faveur de la lutte contre les accidents de la route. Sur sa lancée, en un défi majeur qu'il se lance, un challenge contre l'extrême, même en l'absence d'appui, d'aide ou d'adhésion, Samir ne recule pas. Ne saurait reculer. En cette journée du 16 novembre, il tient avec son équipe à être du rendez-vous international qui commémore le souvenir des victimes des accidents de la route, une journée spéciale instaurée par l'ONU en 2005, le troisième dimanche du mois de novembre, en hommage aux victimes et à leurs familles. Un bon prétexte pour ce troubadour de la bonne cause de rebondir sur sa mission et aller plus loin. Rallier du monde à son initiative Une conférence de presse pour éclairer l'opinion publique a précédé ce périple 2015. Ce parcours est, dit-il, la clé de toute cette action qui fait doucement son bonhomme de chemin. Une plus grande adhésion, un écho plus fort, un encouragement certain à la bande, qui croit fermement dans ce qu'elle entreprend. Le P/APC d'Alger, le P/APC de Raïs Hamidou, l'ODEJ (Office des auberges de jeunes de la wilaya d'Alger) et la FSAM (Fédération algérienne des sports mécaniques), tout ce beau monde s'est impliqué dans cette louable intitiative. Le départ a eu ieu à partir de la Grande-Poste, à Alger centre. Tout un staff accompagne ce nouveau voyage vers l'oasis Taghit. Une grande moto ouvre le bal. Aux commandes, Mounir Ighlis, un ancien pilote de la FASM. Il y a avec lui Seddiki qui représente « L'actualité de la moto en Algérie », qui entretient de la vie de la bécane et de ses conducteurs sur le site Scooter DZ. Il y a également Salim Ikechta, à la direction de l'expédition, au volant de la voiture suiveuse, puis Wahid Charam, le mécano de l'équipe. Et bien sûr avec ce staff, il y a tout un équipement matériel qui accompagne la caravane. Ce sont six jours de route avec deux nuitées à Saïda entre aller et retour, une autre à Béchar.Là, un nouvel écho de l'expédition sera donné par la radio locale qui à travers l'émission de sensibilisation « Tariq essalama », parrainée par Mohamed Lazouni, entretiendra ses auditeurs du déroulement du périple. Puis, enfin, deux autres nuitées à Taghit. Samir tient à signaler que les chaînes télévisées privées suivront ce périple. KBC, avec son émission « La Toute » et Djazaïria à travers « Motors Week », seront ainsi du voyage de novembre. Médiatiquement, le raid est ainsi bien loti, puisque les quotidiens nationaux Horizons et Infosoir sont également de la partie Puis le 21 novembre, retour à la Grande-Poste après un raid de six jours. Et ce n'est pas fini. Puisque dans le calendrier de Samir, il y a d'autres dates arrêtées pour mars 2016. D'autres promesses de sponsoring, de dons financiers sont de nouveau faites mais... L'idéal serait de pouvoir concrétiser ce projet d'un raid tous les trimestres. Le but est d'impliquer les victimes des accidents de la route à s'impliquer dans toutes ces actions de sensibilisation. Car, par le passé, ce n'est pas ce qui a manqué mais rien n'est venu renflouer les caisses de ce combat en solitaire. Pourtant, le seul fait de recueillir des échos sur sa page facebook, d'Algérie et de l'étranger, lui gonfle la poitrine et le renforce dans son choix qu'il ne regrette nullement, en souhaitant juste que Dieu lui prête santé et force pour maintenir le même cap. A 46 ans, rien ne peut plus arrêter Samir, parti qu'il est, bon pied, bon œil.
