Il a déjà consacré au sujet un essai de haute facture « Cinéma et guerre de libération » (Chihab éditions, 2014). Grand connaisseur du petit et grand écran, Ahmed Bedjaoui vient de publier chez le même éditeur « La Guerre d'Algérie dans le cinéma mondial ». Il s'agit d'une grosse et minutieuse monographie répertoriant quelque 1.000 titres (films, téléfilms, documentaires, reportages...) dans laquelle l'auteur traite de l'impact de la Révolution sur le cinéma à travers les quatre coins de la planète. « Ce chiffre détruit à lui seul l'idée, souvent répandue, que le cinéma et la télévision ont peu abordé la guerre d'indépendance de l'Algérie », souligne le critique en expliquant que, par souci pédagogique, l'intérêt du livre porte tant sur le volet quantitatif que qualitatif. C'est un ouvrage, poursuit-il, destiné, en plus des lecteurs, aux chercheurs et étudiants. L'œuvre est méthodiquement présentée et « relativement détaillée, avec des sous-rubriques regroupant des thèmes récurrents, des centaines de fiches de productions, essentiellement algériennes et françaises, mais pas uniquement », note-t-il. En effet, outre la production française, Ahmed Bedjaoui met l'accent sur plusieurs pays européens comme la Suisse, la Grande-Bretagne ou la Belgique, les cinéastes et les téléastes qui « ont proposé des lectures différentes du conflit ». « Certains reportages ont été réalisés en pleine guerre par des journalistes américains et diffusés sur des chaînes de grande audience. Nous avons même trouvé un film réalisé par un anonyme pour le compte de la CIA », s'étonne-t-il. Il y a aussi des pays comme l'Egypte, l'ex-URSS, l'ex-Yougoslavie, l'ex-RDA ou la Bulgarie qui « ont également produit des films pour soutenir le combat de l'Algérie pour sa liberté ». Selon lui, tout cela prouve que « la guerre de Libération n'est pas restée longtemps une affaire algéro-française ». « Par son internationalisation, elle a résonné bien au-delà pour devenir un évènement planétaire qui a contribué à la dislocation des empires coloniaux dans le monde », ajoute l'auteur. Certaines œuvres, écrit-il, décrivent la longue résistance des Algériens contre la colonisation depuis ses prémices en 1830, en passant par les différentes révoltes populaires jusqu'à ce 8 mai 1945 qui sonna le glas de l'empire colonial. D'autres plus fournies ont représenté la guerre elle-même et ses conséquences sur les deux peuples, jadis ennemis. Partout, le travail de mémoire prévaut à travers les traces de l'affrontement sur des communautés différemment hantées par des souvenirs tenaces. « Nous avons tenu dans cet ouvrage à citer l'ensemble des films, même les plus excessifs. Mais ils sont une minorité. L'essentiel est d'être respectueux de la douleur de tous, traumatisés et ballottés par le destin », souligne-t-il. L'universitaire met également en évidence les réalisateurs et autres créateurs français qui ont choisi le camp de la liberté. Il évoque aussi ceux qui ont su défier la censure pour exprimer le refus de la répression, de la torture et du déni des droits des peuples à la liberté. « En tout état de cause, notre objectif n'était pas de juger ou encore moins stigmatiser qui que ce soit », conclut-il.