«Je ne pourrais pas venir, il y a aujourd'hui un match de football…», «attention, si tu dois rentrer, fais-le avant 16h ou bien plus tard, il y a un match au…». Ceux et celles qui s'échangent régulièrement ce type de paroles, à fort dosage de prévention, sont, dans bien des cas, loin d'appartenir à la grande communauté des férus de la balle ronde, encore moins au public de notre championnat national et de son spectacle ennuyeux à «mourir» debout ou dans n'importe quelle autre position. Ceux-là et celles-là sont des mères ou des pères de famille, des filles, des fils qui se retrouvent, malgré eux et malgré le désintérêt total et plein qu'ils manifestent pour la discipline, parmi les premiers à vouloir s'informer sur le programme footballistique du week-end et s'organiser en conséquence. Car, s'aventurer à sortir un jour de match lorsqu'on n'a pas d'autre itinéraire à emprunter que celui qui passe à proximité d'un stade, c'est prendre le terrible risque de s'exposer aux représailles de ces supporters dont les actes de violence commencent dans les tribunes pour aller se prolonger dans la ville où ils s'exécutent au détriment de tout ce qui bouge. Au passage, les familles qui ont pris le soin de rester chez elles n'auront été totalement épargnées que si elles ont pris l'autre soin d'éviter un match de championnat ou de Coupe d'Algérie sur le petit écran, d'où les gestes agressifs et violents des joueurs sur le terrain conjugués aux obscénités sans retenue dans les gradins fusent inlassablement pour vous rappeler à l'ordre de changer de chaîne. S'il est interdit de sortir en famille un jour de match de football, il est tout autant interdit de regarder un match de football chez soi en famille. Comme il est d'ailleurs interdit de faire beaucoup d'autres choses : ouvrir son magasin et gagner sa vie, être transporteur public sur certaines lignes maudites, par exemple. Jour de match, jour de peur. Un autre exemple : des citoyens qui ont décidé de partir d'Alger tirer quelques bouffées d'oxygène jeudi dernier du côté de Tala Guilef ou ailleurs en Kabylie ont dû aménager leur emploi du temps en fonction de la rencontre de Coupe d'Algérie entre le MCA et le CRB, à Tizi Ouzou, c'est-à-dire écourter leur sortie et quitter ces paysages féériques dès le début de l'après-midi pour éviter tout risque de croiser les supporters de ce derby sur le chemin du retour. Et, finalement, ces citoyens n'ont pas eu tort. Bien au contraire. Autant risquer quelques heures d'oxygénation que risquer sa vie et celle de sa famille. C'est dire que cette violence qui s'exprime régulièrement dans les stades et à la sortie des stades est en train de faire bien plus de mal que ce que l'on voit et l'on regarde. Cette violence est en train de s'installer même dans l'emploi du temps de nombreuses familles algériennes. L. I.