La sortie médiatique de Mounir Bitam, cet arbitre iconoclaste aux yeux des dirigeants nationaux du football a-t-elle du bon ? Certainement ! Parce qu'elle fait dire très haut ce que tout le monde pensait tout bas, dans le sens où dans la réalité de toutes les semaines, voire de tous les jours, l'arbitrage algérien fonctionne effectivement comme cela. De la base au sommet, du presque club de quartier, quoique ce noble statut des authentiques associations sportives de football ait été avili depuis une trentaine d'années, à celui de l'élite ou présumée telle. Bien entendu, avec le temps «va tout s'en va... c'est pas la peine d'aller chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien avec le temps», comme chantait Léo Ferré, le dossier Bitam va être sorti de temps à autre de la naphtaline, c'est-à-dire le temps que soient auditionnées des personnes, que soient retrouvées des textos compromettant, des confidences faites au téléphones et arriver à obtenir la traçabilité de tout cela pour qu'entre-temps bien des années seraient passées, que des acteurs directement impliquées, pour une raison ou une autre, ne soient plus dans le circuit. Quoi qu'il en soit «dura lex sed lex», Bitam servira d'exemple car en aucun cas des institutions, des groupes, des hommes n'accepteront d'être l'objet de l'opprobre. Ce n'est pas seulement le temps, mais le football qui va comme ça dans une compétition qui a commencé à sentir le souffre depuis la fin des années 1980. S'agissant de l'arbitrage lui-même, il est incontestable qu'il faudrait une formidable révolution en ce sens pour lui donner une apparence honnête. Mais ce n'est pas une tare nationale sachant qu'avec l'accès aux chaînes satellitaires plus rien n'échappe aujourd'hui aux Algériens, des fautes arbitrales c'est quotidien et celles-ci pèsent souvent très lourd dans le parcours d'une formation et parfois plus grave encore dans toute une compétition. Le dernier Mondial de football et les erreurs grossières d'arbitrage ont choqué la quasi-totalité des habitants de la planète à l'exception des Brésiliens dont la sélection aurait pu être championne du monde sur du «faux et usage de faux». Pourtant, les arbitres qui lui ont facilité le gain de certaines rencontres ne peuvent être étiquetés de forfaiture, du moins pas tous, mais victimes d'une incroyable pression. À contrario, l'arbitre algérien retenu pour la compétition s'est plus qu'honorablement acquitté de sa tâche en réalisant un formidable parcours. Depuis deux années, les milieux de l'arbitrage national connaissent une nette amélioration avec l'émergence de jeunes qui au-delà de maîtriser leur métier exercent parallèlement une activité qui requiert énormément d'effort intellectuel, pondération, honnêteté... Il est de notoriété publique que tout stade est aujourd'hui un antre où s'exercent toutes les expériences d'apprentis sorciers, manipulateurs, opportunistes et une arène beaucoup plus en rapport avec la combine, le lobbying, la corruption tous azimuts et le corollaire sur lequel ces perversions débouchent lorsqu'elles sont contrariées : la violence. Laquelle paradoxalement n'a toujours lieu qu'à l'extérieur du terrain, comme quoi les rares éléments à respecter les règles du jeu sont les antagonistes d'une partie. Même si, exceptionnellement, pour justifier un échec, une ponctuelle inefficacité, une scoumoune, ces derniers peuvent être souvent à l'origine du déclenchement des hostilités en engageant et entretenant le déroulement en dents de scie d'un match par leurs contestations, leur refus de toute évidence. Ils sont hélas rejoints par leurs dirigeants et étrangement par le coach et plus grave encore par le premier responsable de l'association en l'occurrence le président, qui est le premier à happer au vol un micro «miraculeusement» proche pour déverser leur haine, leur bile sur un homme qui s'est trompé involontairement dans un jugement. Sur cet aspect précis de l'entreprise de déstabilisation de l'arbitrage, un président semble exceller en ne se privant pas chaque semaine de descendre le corps arbitral en flammes et se permettant même de distribuer les bons et les mauvais points en recommandant à la commission concernée les noms de ceux qu'elle devrait désigner pour les rencontres que le club, au nom duquel il parle et qu'il défend ou feint de défendre, disputeraient. Le tort dans ce scénario vaudevillesque répété, lassant et déprimant ? C'est l'attitude de la Fédération algérienne de football, de ses excroissances qui telles, vaches regardant un train passer, restent passives. Ses dirigeants préférant répondre dans des cercles restreints par le...mépris. Ce qui est bien loin d'être suffisant pour une discipline qui dispose d'une architecture réglementaire plus que parfaite sur le plan statutaire et en interne des lois de la République très précises et surtout très strictes. «Avec le temps va, tout s'en va, ce n'est pas la peine d'aller chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien avec le temps», semble être la règle qu'ont choisi de s'appliquer lesdits responsables... trop fans de Léo Ferré visiblement. A. L.