Mohamed Rahmani Comme nous l'avions rapporté dans nos précédentes éditions, le front social est en ébullition à Annaba, les manifestations se multiplient et touchent même le centre-ville. En l'absence d'une réaction énergique des autorités, l'anarchie prend des proportions alarmantes donnant l'impression que la 4e ville d'Algérie est complètement abandonnée, ce qui encourage encore plus la manipulation par certains groupes qui incitent les foules à l'affrontement avec les forces de sécurité. La semaine dernière a été «très chaude» et a failli être le point de départ d'émeutes qui auraient pu avoir des conséquences désastreuses sur la stabilité de toute la région n'étaient l'expérience et la patience des forces de police déployées en la circonstance. Le centre-ville, le Cours de la Révolution, l'avant-port, le pont du Caroubier et la rue du CNRA avaient été bloqués par les manifestants. Des pneus avaient été brûlés, une fumée noire et dense avait envahi les lieux, des obstacles de toutes sortes avaient été dressés sur la chaussée, des automobilistes désorientés qui rebroussaient chemin à toute vitesse et des manifestants qui lançaient des cailloux dans tous les sens. Les commerces situés à proximité avaient baissé rideau et même les terrasses des crémeries ont fermé. Le centre-ville a été bloqué pendant toute la journée et il a fallu des négociations avec des représentants des protestataires au niveau de la wilaya pour que les «barrages» soient levés le lendemain. Les protestataires, tous de la Place d'Armes et de la vieille ville, ont entrepris cette action pour exiger la révision de la liste des bénéficiaires de logements sociaux où auraient figuré certains individus qui n'en avaient pas le droit. Il faut cependant signaler que le problème de logement dans ce quartier n'est pas près de trouver une solution définitive dans la mesure où dès qu'une habitation est libérée, l'ancien occupant ayant obtenu un logement, un autre le remplace pour réclamer à son tour un logement quelques mois plus tard. C'est le cas aussi à Béni M'haffer, un bidonville situé en plein centre-ville où le nombre d'habitants ne cesse d'augmenter, à chaque fois que des logements sont attribués à des familles qui y résident puisque c'est le même procédé qui est utilisé par les demandeurs. Mercredi dernier, les habitants de Béni M'Haffer s'étaient rassemblés devant le siège de la wilaya pour «exiger» que la liste des bénéficiaires soit rendue publique. Près de 200 personnes, hommes, femmes et enfants, banderoles en main, manifestaient leur colère criant des slogans, répétés à l'unisson, pour dire toute leur misère pour avoir vécu pendant des années dans des taudis où rats, insectes et autres bestioles prolifèrent. Selon ces manifestants, la liste des 411 logements qui leur sont en principe destinés devait être publiée en mars mais cela traîne depuis deux mois; ils étaient venus pour demander aux autorités que celle-ci soit rapidement rendue publique. Là aussi, une délégation des manifestants a été reçue et une promesse selon laquelle les logements seront attribués avant le mois de Ramadhan a été faite. Les protestataires rassurés s'étaient dispersés non sans promettre de revenir à la charge si cette échéance n'est pas respectée, affirmant qu'ils recourraient à d'autres moyens pour se faire entendre. El Bouni, Sidi-Salem, Sidi-Amar, des localités situées dans la périphérie ont-elles aussi connu des protestations avec pour revendication essentielle le logement, on coupe la route ou on occupe le siège de la commune pour se faire entendre. L'absence d'autorité à Annaba a aussi donné lieu à des appropriations d'espaces par des particuliers qui y édifient des commerces et des habitations au grand jour sans que cela ne dérange personne. Ni la police de l'urbanisme et de la protection de l'environnement (Pupe) ni les élus locaux n'interviennent. C'est le cas à Sidi Amar et à Sidi Salem où l'on construit à tout va, des baraques poussent chaque jour, des constructions en dur se dressent et on en est venu jusqu'à construire sur les trottoirs. La nouvelle trouvaille des demandeurs de logements est la construction de baraques qui restent inoccupées, mais qui, au passage des agents de recensement, deviennent, comme par miracle, habitées et leurs occupants se présentent pour se plaindre de leur condition de vie. Cela avec la complicité de certains fonctionnaires et élus. M. R.