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Le renseignement américain et les contractors : de la sous-traitance à la déresponsabilisation
Entre économies budgétaires et contournement du droit
Publié dans La Tribune le 03 - 08 - 2010

La sous-traitance militaire est une vieille tradition américaine. Ainsi, Eric Micheletti, auteur, avec Pascal Le Pautremat, de CIA, 60 ans d'opérations clandestines (Edition Histoire et Collections), rappelle que, dans les années 40 et 50, la CIA utilisait des compagnies privées, créées de toutes pièces par des anciens avec l'argent du contribuable. Après la guerre du Vietnam, le phénomène a régressé. D'ailleurs, en 1976, faisant suite aux tentatives d'assassinat de Fidel Castro par la CIA, le président Ford signait un décret interdisant à la CIA de se livrer à des assassinats. La sous-traitance s'est poursuivie, mais à d'autres niveaux. A titre d'exemple, la NSA a participé au développement du premier superordinateur imaginé par Seymour Cray en 1977. Dans les années 1980, lorsque les entreprises électroniques américaines recourent presque exclusivement aux composants japonais alors plus compétitifs, elle décide de fabriquer elle-même avec l'aide de National Semiconductor, les composants nécessaires à ses propres ordinateurs. La CIA serait impliquée dans la holding Pacific Corporation (originellement Airdale Corporation) comprenant environ 10 000 personnes, plusieurs compagnies aériennes dont la plus célèbre est la Air America qui possédait dans les années 1960 la plus grande flotte aérienne privée en nombre d'avions et avait jusqu'à 6 000 employés qui furent utilisés dans de multiples missions en Asie du Sud-Est avant et pendant la guerre du Vietnam. En 1999, la CIA crée In-Q-Tel, un fonds d'investissement destiné à soutenir les entreprises créant des technologies innovantes utilisables pour le renseignement. Mais le 11 septembre a tout changé. Pour dégager l'agence de l'interdiction Ford, l'administration Bush a pris le parti de considérer que tuer des membres d'une organisation qui avait attaqué les Etats-Unis comme El Qaïda était assimilable à tuer des soldats ennemis au champ de bataille.
Une nouvelle polémique
Le Washington Post a publié une longue enquête sur le renseignement américain et son évolution depuis le 11 septembre 2001.
Le quotidien est parvenu à la conclusion selon laquelle des efforts colossaux sont dépensés dans tous les sens et le renseignement est devenu une vaste nébuleuse, dont les contours sont impossibles à discerner. Il en veut pour preuve plusieurs éléments chiffrés. 33 bâtiments ont été construits ou sont en cours de construction rien qu'à Washington (banlieue comprise). Les agences sont réparties sur 10 000 sites sur le sol américain et mobilisent 854 000 personnes (agents fédéraux, fonctionnaires, contractants privés, chargés de mission…). Le FBI emploie plus de 30 000. Le DHS regroupe plus de 200 000 personnes au sein de plusieurs agences. Les forces armées comptent un total de 1,4 million de militaires d'active. Plusieurs ministères de l'Administration américaine ont également accès à des documents classifiés. Le Congrès et le Sénat américain comptent également un certain nombre de ces accréditations, au même titre que les administrations locales dans chacun des cinquante Etats des États-Unis. Le budget du renseignement américain était, durant l'année fiscale 2007, de 43,5 milliards de dollars américains, en 2008 de 47,5 milliards de dollars, en 2009 de 49,8 milliards de dollars. Il est réparti entre les 17 agences de renseignement. Les salaires représentent environ 100 000 personnes, les programmes de satellite-espion, les avions, les armes, les capteurs électroniques, l'analyse du renseignement, des ordinateurs et des logiciels, etc. Environ 70% du budget du renseignement va aux entrepreneurs pour l'achat de technologies et de services (y compris l'analyse), selon un graphique de mai 2007 du bureau du DNI.
Une privatisation rampante
Deuxième élément de preuve évoqué par le quotidien, la surveillance des mouvements de fonds des groupes terroristes. Quelque 33 agences s'y consacrent, basées dans une quinzaine de villes américaines. Toutes ces personnes ne travaillent pas ensemble et n'échangent pas les informations qu'elles peuvent détenir. Ce qui relève d'un handicap important : le niveau excessif de confidentialité. Certains programmes sont tellement secrets que leur existence n'est connue que d'une poignée de personnes. Cette culture du mystère et le foisonnement des services entravent le partage des informations entre agences. Résultat : environ 50 000 rapports par an et autant de documents qu'il est impossible de traiter efficacement et d'exploiter. Le Washington Post cite l'exemple du vol Amsterdam-Détroit. Plusieurs organisations ont recueilli des informations sur le projet d'attentat raté d'Umar Farouk Abdulmuttalab, «mais personne n'a réuni les pièces du puzzle car le système est si gigantesque que les responsabilités sont devenues brouillées», ont admis des officiels. De nombreux acteurs privés et des entreprises jouent un rôle dans le renseignement ainsi que la recherche et développement. Alors qu'en 2000, l'effort budgétaire consacré à l'embauche de contractuels au sein des services de renseignement représentait 17,5 milliards de dollars, celui-ci atteignait, début 2008, quelque 42 milliards, précise Georges-Henri Bricet des Vallons, auteur de Irak, terre mercenaire (éd. Favre). La privatisation a atteint un degré extraordinaire: 50% des agents «clandestins» de la CIA et 35% de ceux de la DIA (Defense Intelligence Agency) sont des contractors. Les activités de la National Reconnaissance Office, qui pilote les programmes de satellites-espions américains, sont privatisées à 100%. On voit ainsi des entreprises comme Abraxas se spécialiser dans la fourniture, clés en main, de «couvertures» pour les agents clandestins. L'Irak et l'Afghanistan, où les interrogatoires de prisonniers sont sous-traités au privé, ne sont pas les seules terres de missions pour ces sociétés. Ainsi des agents de Blackwater (devenu Xe) ont-ils participé à des opérations de capture d'islamistes en Somalie, aux côtés de la CIA.Sur les 1 271 agences gouvernementales recensées, 1 931 compagnies sont privées. Parmi les 1 931 compagnies privées, 110 se partagent 90% du marché et 800 sont spécialisées dans les technologies de l'information. General Dynamics, l'une des plus importantes, a triplé son chiffre d'affaires depuis 2001 et triplé ses effectifs. 800 entreprises sont spécialisées dans les technologies de l'information, mais d'autres interviennent directement dans les opérations. Aussi, sur 22 agents de la CIA recensés comme morts en opérations, 8 étaient des contractors. L'enquête du Post révèle, par ailleurs, qu'au sein de la seule CIA, les employés de 114 sociétés comptent pour environ un tiers des effectifs. Aux Etats-Unis, plus de 30% des personnes habilitées au secret-défense appartiennent au secteur privé, soit 265 000 «contractors». Selon Jean-Jacques Cécile, auteur de Les Chiens de guerre de l'Amérique (Editions Nouveau Monde, octobre 2008), le personnel de la communauté américaine sur le renseignement regroupe 27% de contractors, c'est-à-dire soit des agents sous contrat individuel, soit des employés recrutés en vertu de contrats collectifs attribués à des sociétés commerciales. Au sein de l'Office of Intelligence and Analysis (branche renseignement du Department of Homeland Security), la proportion est de 63%. Même les opérations clandestines n'échappent plus au phénomène de la sous-traitance, ce que démontre une des dernières affaires en date impliquant la société Blackwater USA, maintenant Xe Services, à laquelle la CIA avait, en 2004, confié la réalisation d'un programme visant à liquider les principaux leaders d'El Qaïda. Plus généralement, les forces armées américaines ne pourraient plus prétendre aller en guerre sans le concours des contractors. En Afghanistan, les civils sous contrat travaillant au profit des militaires y sont désormais plus nombreux que les GI's, à savoir près de 74 000 contre 58 000 soldats à la date du 30 juin, même si, a contrario, on a enregistré parallèlement en trois mois une baisse de 10% pour ce qui est de l'Irak.
Entre illégalité et inefficacité
En août 2009, le New York Times révélait que la CIA avait engagé en 2004 des employés de Blackwater, dans le cadre d'un programme secret visant à pister et assassiner des dirigeants d'El Qaïda. Cette société de sécurité privée a ainsi contribué à des missions d'organisation, d'entraînement et de surveillance facturées plusieurs millions de dollars, sans néanmoins permettre la capture ou l'assassinat d'un seul activiste, avait rapporté le quotidien. Selon les fonctionnaires cités par le quotidien, il ne s'agissait pas de contrat formel entre l'agence et Blackwater, mais d'accords individuels avec certains des responsables de Blackwater, à commencer par son fondateur Erik D. Prince, un ancien des Navy Seals, une unité des forces spéciales de nageurs de combat de la marine américaine.
Marie-Dominique Charlier rappelle que Blackwater a changé de nom pour devenir Xe Services, après les polémiques suscitées par son rôle en Irak. Cinq de ses employés, qui, le 16 septembre 2007, escortaient un convoi du département d'Etat américain, sont accusés d'avoir ouvert le feu sur la foule, à Baghdad, tuant entre 14 et 17 civils. Des bavures similaires ont été commises en Afghanistan où la société s'appelle Paravant. Leon Panetta, directeur de la CIA, dénonce le fait de dépendre de «contractors» pour le travail opérationnel qui devrait être fait par les agents de la CIA. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a exprimé le même sentiment, et il n'est pas le seul. Philippe Vasset, rédacteur en chef d'Intelligence-online, atteste l'existence de soupçons de corruption et d'une surfacturation généralisée, car les contractors, souvent des anciens des services, «font la même chose que des agents publics, mais pour plus cher». Même constat pour Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement : «C'est un système qui échappe à tout contrôle politique et même financier. Les Etats-Unis dépensent trop d'argent pour le retour sur investissement qu'ils obtiennent». La question du statut légal de ces compagnies est importante pour savoir ce qu'elles ont droit ou n'ont pas droit de faire. Pour qu'elles puissent être intégrées dans la catégorie des combattants, il faut que ces sociétés aient été mandatées par une partie au conflit. Sont exclus les intérêts privés et les organisations internationales. De plus, la SMP devra ouvertement entretenir des liens très étroits avec l'armée de la partie qui l'a mandatée, en y étant, par exemple, assimilée ou intégrée. Or, cette condition n'est pas systématique.
Pour être qualifiés de civils et protégés contre les attaques, les employés des SMP ne doivent en aucun cas participer aux combats. Ce qui est rarement le cas. Résultat, la question qui se pose relève de la notion de participation directe aux hostilités. Si les limites de notion sont continuellement en définition, le flou persistant est le meilleur allié des SMP. Reste la responsabilité pénale individuelle. Les soldats de SMP peuvent être tenus responsables des crimes commis à condition que le territoire duquel ces crimes ont été commis aient reconnu la compétence de la CPI.
Le Royaume-Uni rattrapé
David Cameron avait promis une enquête indépendante pour évaluer si le MI5 (intérieur) et le MI6 (extérieur) ont été mêlés à des actes de torture suite au 11 septembre 2001. L'enquête sera dirigée par le juge à la retraite Peter Gibson. Une partie des informations seront révélées au public, mais la majeure partie des pièces resteront secrètes pour des raisons de sécurité. De plus, aucun agent étranger ne devrait être appelé à témoigner. Les moyens mis en place ne seront peut-être pas suffisants. Au cœur du débat, plusieurs accusations envers des agents des services de renseignement. Des fonctionnaires auraient profité d'interrogatoires violents dans des prisons étrangères afin d'obtenir des informations sur des individus soupçonnés de terrorisme. David Cameron affirme qu'aucune preuve n'impliquait directement un agent dans un acte de torture. En revanche, des doutes existent sur des collaborations entre des fonctionnaires de Londres et des tortionnaires étrangers. Encore une forme de sous-traitance. L'affaire suscite déjà des tensions entre
Britanniques et Américains, en pleine tempête relative aux dérives des contrats conclus par les services de renseignement avec des sociétés privées. Londres va s'appliquer à maintenir ces liens, notamment en matière de renseignement, avec son allié et éviter que l'enquête ne l'éclabousse aussi. Parmi les cas de torture médiatisés au Royaume-Uni, le tribunal a révélé des informations qui
impliquaient des interrogateurs américains, ce qui a suscité quelques tensions avec Washington. A l'instar de leur allié américain, les Britanniques font fréquemment appel à des sous-traitants privés, notamment en Afghanistan. Leurs effectifs, leur implantation au cœur des états-majors des différents organismes interalliés et leurs connexions internationales font que ces SMP se trouvent en position d'influencer les décisions militaires portant sur les opérations. Marie-Dominique Charlier affirme que des employés de MPRI (Military Professional Resources Inc.) se trouvent dans l'ensemble des échelons hiérarchiques de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) et des forces de sécurité afghanes : rôle de mentor auprès des états-majors et des autorités, rédaction de la doctrine de l'ANA au sein du Combined Training Advisory Group (CTAG), formation des chefs de corps au sein du Kabul Military Training Center (KMTC) ou encore instruction des spécialistes. Les yeux sont désormais braqués sur les Européens, qui commencent à craindre l'extension du modèle américain, mais d'abord et surtout sur les autres «petits» pays engagés dans la lutte antiterroriste. L'Irak et l'Afghanistan ne sont sans doute pas les seules victimes de la privatisation d'une partie des compétences des services de renseignements.
L. A. H.


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