Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad
Au lieu d'être un phénomène marginal que les autorités doivent réduire au maximum, l'insécurité en Kabylie est devenue le dénominateur commun des espaces publics des localités et des cités et est érigé en moyen de promotion sociale, un haut grade honorifique pour certaines catégories de malfaiteurs sortis surtout des échecs successifs des institutions d'éducation. Alors que la caution de la société civile à la lutte contre la violence et l'insécurité devrait se situer en aval des plans des autorités et leur servir d'appui à la base, la réalité est que ce sont les comités de villages et de quartiers, des militants indépendants, des associations et quelques organisations politiques qui se préoccupent des phénomènes dangereux de la violence et qui se chargent de se défendre avec leurs propres moyens alors que les services concernés font la plupart du temps dans l'habillage officiel de l'acte mis à jour et dénoncé par des habitants ou des victimes. On a souvent entendu cette réplique inouïe venant d'un agent chargé de la sécurité des personnes et biens : «ramenez-nous le malfaiteur, on s'en occupera». Cette semaine, les représentants de six comités de villages d'Ihesnaouen, village collé au chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, ont dénoncé la liberté d'agir dont bénéficient les malfaiteurs pour commettre leurs vols, enlèvements et autres actes criminels comme les agressions et la vente de drogues. Des voix ont dénoncé le peu d'implication des services de sécurité dans la sécurisation des villages. Dans ce grand village de la commune de Tizi Ouzou et à proximité, beaucoup d'établissements et d'enseignements y sont implantés et les parents d'élèves y envoient souvent leurs enfants la peur au ventre comme dans beaucoup d'autres localités de la région. A ce sujet, on rappellera que des parents d'élèves d'un CEM de la Nouvelle-Ville de Tizi Ouzou avaient refusé le transfert de leurs petits vers un autre établissement par peur de voir leurs progénitures s'exposer au danger des délinquants. D'autres parents d'élèves de l'école primaire chahid Bouda-Mohand Saïd de Bouzeguène, à environ 70 kilomètres de Tizi Ouzou, avaient dénoncé, il y a quelques temps, l'état d'insécurité dont souffrait l'établissement scolaire et avaient refusé de laisser leurs enfants fréquenter cette école avant de voir le volet sécurité pris en charge par les concernés. Des lycéens de la commune de Souk El Tenine, daïra de Maâtkas, au sud de Tizi Ouzou avaient aussi refusé de rejoindre un nouvel établissement au début de l'année en cours. L'absence de clôture (un chantier, disent-ils) et la crainte de voir les jeunes agresser sur le chemin du nouveau lycée avaient motivé la décision des parents d'élèves. Dans ces cas, un nombre important de parents d'élèves de la wilaya de Tizi Ouzou délaissent parfois leur travail pour accompagner et récupérer leurs enfants et d'autres payent des taxis ou des connaissances pour déposer et reprendre leurs enfants à la sortie de l'école…. A souligner d'autre part, que malgré toutes ces alertes données presque tous les jours par les parents d'élèves et des syndicats sur les dangers qui guettent la «famille de l'éducation» et menacent son environnement immédiat, on n'a pas vu les autorités engager des mesures adéquates afin d'endiguer le phénomène. On a l'impression qu'elles essayent de minimiser la violence et l'insécurité par endroits en la banalisant ou en trouvant des prétextes qui ne seraient pas de leurs ressorts comme les «fissures de la cellule familiale, la dégradation des mœurs etc. ». Elles rejettent la responsabilité des faits sur la société qui «vit des bouleversements profonds» comme si ces maux dramatiques devaient accompagner les mutations sociales.