Qu' y a-t-il de plus sage que d'offrir aux jeunes un espace de défoulement pour décharger leurs consciences d'idées charbonneuses ! C'est le temps des appels à la retenue, une spécialité que ne connaissent pas nos jeunes au sang tellement chaud qu'ils crament de spontanéité. Une offrande lyrique comme il sait le faire sera donnée demain à partir de 17h par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI) à la salle El Mouggar. Un menu spécial jeune qui invite à affranchir son corps des pressions qui le guident. à l'affiche, un Joe Batoury dont le nom seul est méditatif : Batoury veut littéralement dire en dialecte africain ; le doyen, le sage. Ancien rappeur reconverti en chanteur de la musique Gnaoui joe Batoury est tout ce qu'il y a de " saint ". Sa musique est ancestrale certes mais le contenu de sa poésie est une longue litanie sur les problèmes de la jeunesse avec un fond qui les pousse à se déchainer sur scène dans un esprit tout à fait festif. Pas au-delà ! "Sage je le suis dans ma propre musique, à travers les messages que je veux donner aux jeunes. " clamait Joe. On peut penser que Batoury est un nom qui porte en lui-même une charge mégalo, mais non ! C'est pas lui qui s'est appelé ainsi car voici pourquoi : Lorsque l'ex- rappeur a senti que le rapp lui était nécessaire mais pas suffisant pour s'accomplir en tant qu'artiste, il décide, lui qui se revendique des descendants d'esclaves, d'explorer la musique millénaire de ses ancêtres : le gnaoui. Il part avec sa volonté de jeune apprenti dans les cercles didactiques que prodiguent les anciens. Un maître de diwan lui a fait porter ce nom après des observations faites sur le jeune Joe qui était non seulement très assidu mais aussi extrêmement intéressé. " J'écoutais avec tellement d'attention ce qu'il m'apprenait et les qassaide (poèmes) qu'il me récitait qu'il a fini par m'appeler Batoury. Et c'est devenu un nom de scène. En plus, ça rime bien avec Joe " explique t-il. Ancien rappeur, nouveau chanteur gnawi Sa reconversion à cette musique que beaucoup de jeunes affectionnent en ce moment, et la preuve, c'est l'existence d'une foisonnante faune de groupes gnaoui, est selon lui un vif désir " de retourner aux sources ". Il ne l'a pas fait dès le départ, "j'attendai d'acquérir la maturité qu'il fallait pour m'y lancer, et maîtriser... Aujourd'hui, je fais de la fusion, entre plusieurs genres musicaux, du moins les genres qui se mélangent bien au gnawi, comme le kabyle, qui a une rythmique ressemblante, mais aussi le blues, le reggae et bien d'autres, en restant bien sur des sonorités traditionnelles africaines " dit-il tout réfléchi. Signe particulier de ce chanteur et musicien qui certainement va mettre le feu à la salle El Mouggar ce jeudi, c'est qu'il a un instrument fétiche qui ne le quitte jamais : le guembri. Instrument des esclaves qui par excellence, a été apporté de Guinée. On peut le comparer à une mandole mais sa chair et sa caisse de résonance n'a en fait aucune comparaison. Pour Joe Batoury qui a silloné maintes scénes algéroises et qui est de toutes les fêtes gnaouies, cet instrument qu'il a toujours sur lui " n'est pas seulement un instrument musical mais c'est mon identité, on l'utilise beaucoup et on essaie de développer le son algéro-africain " avoue-il dans l'un de ses entretiens. Le blues a-t-il des similitudes avec le gnawi. Joe Batoury pense que oui parce que "le blues et le gnawi ont les mêmes origines. Parmi les esclaves de l'Afrique noire déportés, certains sont partis en Amérique tandis que d'autres sont restés dans le nord de l'Afrique, ce qui explique certaines similitudes, dans les textes de souffrances. Mais la musique gnawie est aussi un remerciement des gnawa à l'islam, pour les avoir sauvés de l'esclavagisme. On le retrouve aussi beaucoup dans les textes. " explique-t-il encore. Son dernier opus qu'il va certainement servir demain à la salle El Mouggar colle absolument à l'actualité. Ça traite des problèmes de la jeunesse. Mais avant cela, il y aura le passage d'un groupe tout à fait nouveau qui porte un non affranchi de tout : Caméléon. C'est la révélation musicale de l'émission Serial Taggeur de l'année 2010, il fait actuellement fureur mais cherche désespérément un producteur. Pour revenir à Joe batoury, il fait savoir qu'il est descendant d'esclaves déportés de l'ancien Soudan (Mali) au Maghreb. Il troque sa carrière de rappeur amorcée en 1995 pour s'abreuver dès 2005 de cette intarissable source qui est la sienne, le patrimoine gnawi. De là, il crée le projet Sakia et son slogan c'est "Africain par la sève, Maghrébin par la greffe". Origines atypiques, ça stimule l'envie d'aller voir ce concert à 300 DA la place. Yasmine Ben