Irons-nous vers une bipolarisation de la vie politique avec, d'un côté, ceux qui sont au pouvoir et, de l'autre, ceux qui sont dans l'opposition? Ce serait trop simple de faire une telle lecture. Ce serait également trop simple de faire croire que dès lors que ceux qui ne sont pas au pouvoir se sont réunis, cela voudrait signifier qu'ils sont unis. Réunis ne veut pas dire unis. Réunion ne veut pas dire alliance. Opposition ne veut pas dire résistance. Si s'opposer est le simple critère qui permet à l'opposition de ne pas se comporter en opposition, et de gommer toutes les différences qui les distinguent, ce serait là également faire preuve de beaucoup de naïveté. Or les opposants ne sont nullement naïfs. Les partis ont longtemps existé par les créneaux qui les divisent sérieusement, ou plutôt qui les opposent très sérieusement. Il y a plus de raisons idéologiques pour s'opposer au sein de cette " nouvelle" Opposition qu'entre le pouvoir et celle-ci. Depuis la légalisation du pluralisme politique, Djaballah, par exemple, a passé son temps plus à s'opposer à Saïd Sadi et le regretté Hachemi Cherif qu'à s'opposer au pouvoir. La réciproque est vraie. Ces deux démocrates se sont plus opposés aux islamistes qui sont dans l'opposition qu'au pouvoir et aux islamistes et assimilés qui sont dans le camp du pouvoir. Une expression était née au début de la décennie 90, qui symbolisait l'ouverture de la saison de la chasse " politique ", à savoir s'opposer aux opposants. Tous les opposants, intra et extra système se sont rencontrés. Il y en a parmi eux qui dès lors qu'ils retourneront au pouvoir, ou qui dès lors accéderont au pouvoir, se mettront dans la peau de l'actuel pouvoir pour s'opposer de la même façon à ceux qui ont toujours été dans l'opposition. Ceux-là sont dans l'opposition uniquement parce qu'ils ne sont pas au pouvoir. Cette opposition réunie et non pas unie, a préféré ne pas mettre dans la plate-forme ce qui différencie ses composantes au point de les opposer. Ils donnent l'impression de ne s'être réunis que juste pour dénoncer un système qui ne les favorise pas pour l'accès au pouvoir et, pour y parvenir, ils ont fait l'impasse sur ce qui les divise eux- mêmes. Le leur reprocher ne signifie pas qu'ils devraient se débarrasser de ce qui les différencie, mais plutôt de ce qui peut les plonger dans une guerre civile, ou l'excès de communautarisme. Ce ne doit pas être recommandé ou accepté que l'accès au pouvoir se fasse sur d'autres bases que celle de la citoyenneté.
