Il y a quelques jours, les marchés - du moins les intervenants qui étaient encore à leur poste - se sont pris d'espoir : l'Arabie saoudite, plus gros exportateur de brut de la planète, se déclarait prête à trouver un accord pour limiter sa production, et stabiliser les prix. Et quel meilleur moment pour parvenir à un accord que le prochain Forum international de l'Energie qui aura lieu du 26 au 28 septembre prochain, à Alger ? Ci-après un éclairage de Cécile Chevré rédactrice de la " Quotidienne de la Croissance " (France). Evidemment l'annonce de l'Arabie saoudite et la perspective du Forum ont fait s'envoler les cours du brut et redonné de l'espoir à ceux qui espèrent que le baril va se reprendre après avoir perdu 20% entre début juin et début août. Faut-il partager ces espoirs ? L'Arabie saoudite, prise de doutes : tout d'abord, l'Arabie saoudite s'est déclarée prête à négocier. Mais le passé récent nous a démontré qu'il y a loin entre la table des négociations et l'accord final. L'Arabie saoudite a beau être le premier producteur et exportateur de pétrole au monde, et de l'OPEP, elle n'est pas la seule à fixer les prix. L'OPEP a longtemps joué le rôle de grand manitou sur le marché du pétrole. Mais ce pouvoir décisionnaire s'est amoindri alors que les dissensions allaient grandissantes entre ses membres. La chute des cours du pétrole depuis l'été 2014 a mis en lumière des tensions et des désaccords qui avaient été masqués par un baril à plus de 100 dollars. Effectivement, quand l'argent coule à flots, pourquoi perdre son temps en disputes et discussions ? Ces tensions ont été ravivées, je vous le disais, par le brutal effondrement du cours du brut. Deux clans sont apparus parmi les membres de l'OPEP. Celui de ceux qui, comme l'Arabie saoudite, pouvaient financièrement soutenir cette chute grâce à l'importance de leurs réserves financières. Et celui de ceux qui se sont rapidement retrouvés dans une situation embarrassante, au bord de la faillite. Cela a été par exemple, et très rapidement, le cas du Venezuela. Le deuxième camp a gagné des partisans alors que la faiblesse des cours se poursuivait. Les réserves monétaires des membres de l'OPEP ont fondu et même l'Arabie saoudite est confrontée à des problè- mes de budget. Ces difficultés financières ont été accentuées par la trop grande dépendance des économies de l'OPEP aux revenus pétroliers (et gaziers). Contrairement aux Etats-Unis, nouveau grand producteur mondial d'hydrocarbures, l'économie irakienne, iranienne, saoudienne ou encore koweï- tienne dépend presque exclusivement de la manne pétrolière. En outre, les conflits géopolitiques n'ont pas épargné les membres de l'OPEP ces derniè- res années : intervention américaine en Irak, printemps arabes, montée de l'Etat islamique, explosion de la Syrie, de la Libye, de l'Irak, tensions de plus en plus vives entre l'Iran et l'Arabie saoudite, révoltes sociales grandissantes au Venezuela Aux crispations politiques se sont donc ajoutées les crispations économiques menant l'OPEP au bord de l'implosion. Aujourd'hui, même si l'Arabie saoudite semble officiellement prête à limiter sa production pour stabiliser les cours du baril, il n'en est pas de même des autres pays producteurs. L'OPEP au bord de l'explosion : Je vous le disais, certains espèrent que les principaux pays producteurs de la planète parviendront à se mettre d'accord lors du Forum international de l'Energie en septembre prochain. Je ne compterais pas trop sur cet accord. Tout d'abord parce que l'Iran n'a pas encore officiellement confirmé sa participation à cette réunion. Et même si la délégation iranienne fait le déplacement, une réduction de sa production ne va pas du tout dans le sens des objectifs des dirigeants iraniens. La récente levée des sanctions occidentales sur les exportations de brut est une occasion que le pays n'a pas l'intention de manquer. Les dirigeants iraniens - dont l'économie est exsangue - ont à plusieurs reprises annoncés leur intention d'augmenter fortement la production. A court terme, l'Iran veut faire passer ses exportations de 1,1 million de barils par jour (bpj) à 1,5 million. Quant à la production, les objectifs sont de la faire passer de 3,6 millions bpj actuellement à 4,6 millions bpj d'ici cinq ans. Autant dire que de limitation de la production ou des exportations il n'est pas question - officiellement - du côté de Téhéran. Les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran étant ce qu'elles sont, l'Arabie saoudite n'a pas vraiment l'intention de faire des efforts du côté de sa production ou de ses exportations si tous les membres de l'OPEP - dont l'Iran - ne font pas de même. D'autres pays vont eux aussi hésiter à limiter leurs exportations ou leur production : la Libye, l'Irak, le Qatar ou le Koweït surpassent depuis des mois leurs quotas respectifs - et il n'y a pas de raisons qu'ils changent de politique. Pour vous donner une idée de la course à la production dans laquelle s'est lanc ée l'OPEP, voici quelques chiffres. En juillet 2014, la production globale des membres de l'Organisation avait atteint environ 31 millions bpj. En juillet 2015, elle était supé- rieure d'un million. Et en juillet 2016 ? Elle a atteint 33,1 millions bpj. Chute des cours du pétrole ou pas, quotas ou pas l'OPEP produit de plus en plus : Un accord en septembre prochain est donc peu probable. Mais est-ce à dire que le pétrole n'a aucune chance de vraiment relever la tête ? Vous connaissez les arguments de long terme : le manque d'investissement dans la recherche et l'exploitation de nouvelles réserves va finir par limiter l'offre et faire remonter les cours. En parallèle, la demande mondiale - et tout particulièrement asiatique - demeure soutenue et va même s'accroître dans les années qui viennent. Voilà donc deux leviers de long terme : Amoyen terme, les principaux producteurs de pétrole pourraient avoir d'excellentes raisons pour se mettre d'accord sur une réduction de leurs exportations si ce n'est de leur production. Du côté de l'Iran, malgré les hautes ambitions affichées par les autorités en matière de production et d'exportation, la vétusté des installations et le manque d'investissements et de savoir-faire va finir par limiter les exportations du pays. L'Iran est presque parvenu à retrouver le niveau des exportations pré- embargo. Mais à quel prix ? Celui de vider les stocks pétroliers constitués depuis des années Une illusion qui va finir par se dissiper, tout particuli èrement si les cours du pétrole et les investissements dans le secteur ne reprennent pas. Du côté de l'Arabie saoudite, la récente décision de rendre publique une partie de la compagnie nationale pétrolière, Saudi Aramco, pourrait elle aussi jouer son rôle. Plus le cours du pétrole sera haut, plus la compagnie sera valorisée, et plus son IPO partielle sera fructueuse pour l'Arabie saoudite. Or le pays s'est lancé dans un ambitieux - et coûteux - programme d'investissements afin de limiter sa dépendance aux revenus du gaz et du pétrole en diversifiant son économie. L'idée n'est pas mauvaise, mais elle va nécessiter des investissements massifs. Voilà donc deux leviers qui laissent espérer un accord, pas en septembre prochain, mais peut-être d'ici la fin de l'année.