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Algérie, Turquie, France : une histoire partagée ? (1re partie)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 04 - 2020


Par Zinedine Sekfali
A la fin du mois de janvier dernier, le président de la République turque, Tayeb Rajab Erdogan, a effectué, sur invitation du Président Abdelmadjid Tebboune, une visite de deux jours à Alger. Il y fut reçu dans une ambiance chaleureuse et avec les honneurs dus à l'homme d'Etat qu'il est. Dans son allocution de bienvenue, le Président Tebboune a notamment déclaré à son hôte qu'il était en Algérie comme dans son «deuxième pays». Cette expression, qui a étonné quelques Algériens, a sa propre histoire. Mais l'étonnement fut, semble-t-il, plus grand tant en Algérie qu'en France, lorsqu'on apprit que le Président Erdogan, de retour chez lui, a déclaré dans un discours prononcé lors d'un meeting populaire que le Président Tebboune lui a confié que le nombre des victimes algériennes des massacres commis par les Français durant la colonisation de l'Algérie est évalué à cinq millions et que les autorités algériennes étaient disposées à communiquer aux autorités turques de plus amples informations sur ces crimes. Ce fut le tollé dans la presse et dans les réseaux sociaux sur les thèmes : «Mais de quoi se mêle Erdogan ? La Turquie est une dictature ! La Turquie opprime les Kurdes ! La Turquie n'est pas un Etat de droit ! La Turquie veut restaurer le Califat ottoman ! La Turquie a colonisé l'Algérie trois siècles avant l'arrivée des Français» ! D'où les quelques remarques ci-après sur l'expression métaphorique «second pays». De là aussi des rappels de certains faits et évènements historiques partagés entre l'Algérie, la Turquie et la France, rappels assortis de mises au point qu'on veut, sans polémique aucune, les plus claires et nettes que possible.
1- Second pays et seconde patrie
Cette expression métaphorique a une histoire. Dans les temps anciens, quand les gens étaient naturellement polis et hospitaliers, les maîtres de maison recevaient leurs invités et leurs hôtes de marque avec des paroles de bienvenue, comme celles-ci : «Ahlan wa sahlan, wa marhaban bikoum fi darkoum ettani !» Sans que l'on puisse dire avec précision quand, où et comment on est passé de «darkoum» à «biladoukoum» (en français : second pays ou seconde patrie), on sait en revanche que cette expression a fait florès dans le discours politique au temps du baâthisme triomphant. En ce temps-là, les responsables politiques se donnaient en toute occasion du «frère», et se fixant pour objectif l'unité arabe, se passaient les uns aux autres l'expression «seconde patrie». Certes, il y a eu plusieurs unions entre les Arabes. Elles furent très brèves et en général mal vécues par les uns et les autres. Suite à la persistance des divisions dans le monde arabe et les désaccords interarabes que Djamal Eddine a annoncés dans cette sentence aussi cinglante que lucide, «les Arabes se sont mis d'accord pour être en désaccord», l'expression «deuxième pays ou deuxième patrie» a progressivement perdu tout sens et toute portée politique, tant au Machrek qu'au Maghreb. Elle n'est plus aujourd'hui qu'une formule de rhétorique, que les politiciens arabes ressortent pour masquer les profondes déchirures des pays arabes. Or, Erdogan n'est pas arabe ! C'est un Turc.
En lui souhaitant la bienvenue dans son second pays, Tebboune se voulait être poli et hospitalier, ce qu'il est profondément sans doute. Personnellement, je pense qu'en utilisant cette formule de politesse, certes désuète, il a aussi voulu faire un subtil mais significatif clin d'œil, aux trois siècles de l'histoire commune et partagée entre la Turquie et l'Algérie. L'allusion à une période aussi lointaine de l'histoire de l'Empire ottoman et de la Régence d'Alger ne saurait tirer, à mon humble avis, à conséquence tant au plan diplomatique qu'au plan politique ! En tout état de cause, personne ne peut refaire l'histoire ni en effacer une partie, et moins encore s'autoriser la manipuler.
2- Relations algéro-turques et contentieux turco-français
S'il arrive de temps à autre que les relations algéro-françaises connaissent, de façon passagère, des pics de tension, on ne connaît pas de crise sérieuse entre l'Algérie et la Turquie, ayant donné lieu par exemple à des rappels d'ambassadeurs ou à des démentis officiels. En vérité, les relations algéro-turques sont, depuis des décennies, sereines et paisibles, tant au plan de l'histoire que du point de vue de nos relations bilatérales, diplomatiques, commerciales, culturelles et économiques. Objectivement, il existe de l'empathie entre le peuple algérien et le peuple turc, et les relations entre les deux Etats sont plutôt empreintes de considération et de respect mutuel.
En revanche, il y a de profondes divergences et de lourds contentieux entre la France et la Turquie. Cela n'est pas un jugement fait à l'emporte- pièce. C'est un constat basé sur des faits objectifs incontestables. Ces deux pays se sont combattus durant la première guerre mondiale (1914-1918). Ils se sont férocement affrontés en août 1915 dans la sanglante bataille de Gallipoli, (Dardanelles). A la fin de la Première Guerre mondiale, la Turquie, alliée fidèle de l'Allemagne, fut dépecée et la France obtint une bonne partie des wilayates arabes du Moyen-Orient, en l'occurrence la Syrie et le Liban, le reste étant gracieusement attribué à la Grande-Bretagne. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Turquie se rangea de nouveau du côté de l'Allemagne contre la France. A la fin de cette 2e guerre, la France obtint, au détriment de l'Italie qui s'en était appropriée, une bonne partie de la Libye, en l'occurrence le Fezzan et la Cyrénaïque, riches en pétrole et ouverts sur l'Egypte, le Soudan et l'Afrique noire dont elle occupait déjà une bonne partie. ­­­De nos jours, la France et la Turquie s'opposent, diplomatiquement s'entend, sur trois questions sensibles : la question syrienne, la question kurde et la question du génocide arménien. Ces trois différends entre ces deux pays ont des causes nombreuses et complexes, d'ordre historique, d'ordre politique, d'ordre idéologique et religieux. Ils sont d'autant plus difficiles à résoudre, qu'à leur complexité intrinsèque s'ajoute le fait qu'ils heurtent de front le nationalisme et le patriotisme des Turcs et réveillent les appétits expansionnistes des vieilles nations colonialistes ou impérialistes. Ces différends sont clairement attisés par certains pays extérieurs à cette région du monde riche en hydrocarbures. Ces pays tiers s'immiscent et interviennent parfois militairement dans les affaires intérieures des pays anciennement colonisés, au nom de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme, mais en réalité dans le but inavoué de consolider leur influence politique et économique dans la région. Il n'échappe non plus à personne qu'il existe en France une forte opposition à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. N'est-ce pas là quelque chose de paradoxale, dans la mesure où la Turquie est, à l'instar de la France, membre de l'Otan depuis des décennies ? Mais n'est-ce pas en outre que ce sont les Français qui ont inventé l'expression péjorative «tête de Turc», pour désigner toute personne contre laquelle il est permis de cogner à loisir ? Enfin, si la notion de «choc des civilisations», conçue et théorisée par l'essayiste américain Samuel Huntington (1996), peut avoir du sens, c'est bien à propos des trois sujets conflictuels ci-dessus cités. Que l'on conteste la théorie de Huntington et que l'on refuse de la valider est une chose, mais qu'au moins on reconnaisse et admette que la France a fait de ces trois questions litigieuses son cheval de bataille contre la Turquie qu'elle cherche manifestement à affaiblir et exclure de cette région considérée par elle comme une chasse gardée, pendant que d'autres pays s'emploient à miner l'Iran, au risque de provoquer une redoutable conflagration.
Si l'on doit évoquer ici les massacres des Arméniens en Turquie et faire un parallèle entre eux et les massacres des Algériens par les Français durant la colonisation de l'Algérie, il convient aussi de remarquer que : — les massacres des Arméniens qualifiés de génocide par une trentaine de pays dont la France se sont déroulés en Turquie entre 1915 et 1917 —?? que ces massacres ont eu lieu dans un contexte de guerre mondiale (1914-1918) qui a fait parmi les belligérants des millions de morts ; — que le nombre de pays ayant qualifié de génocide les massacres des Arméniens, et ont en imputé la responsabilité à la seule Turquie, sont environ une trentaine comprenant les Alliés des deux guerres mondiales et quelques autres pays occidentaux d'Europe et de l'Amérique ; - que ni l'Algérie ni aucun pays arabe ou musulman n'a reconnu ce génocide en tant que tel ; - qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie de prendre parti dans une querelle qui ne la regarde pas ; -que l'on ignore si la demande du Président Erdogan à son homologue algérien a été formulée lors d'un entretien en tête à tête ou lors d'une réunion des délégations des deux pays ; - que l' on ne sait pas si cette demande a été consignée dans un procès-verbal ou tout autre document en usage dans les relations interétatiques.
Mais ce qui demeure le plus curieux dans cette subite effervescence qui secoue les relations entre la France et la Turquie, c'est que la Turquie puisse ignorer qu'il existe une littérature et une documentation abondantes, desquelles il ressort clairement que les guerres que la France livra en Algérie en 1830 et de 1954 à 1962 furent des guerres d'occupation coloniale, des guerres d'extermination, des guerres raciales, toutes émaillées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
De plus, il est incompréhensible que la Turquie n'ait jamais chargé ses services compétents en matière de recherches historiques de procéder au récolement et à l'analyse de la documentation (livres d'histoire, débats parlementaires, journaux d'époque, mémoires militaires, correspondances d'officiers généraux, discours de responsables politiques, etc.) qui existe sur la conquête de l'Algérie et sur la guerre d'Algérie. Les chercheurs turcs savent exactement, j'en suis persuadé, où se trouve cet important fonds documentaire, tombé depuis des décennies dans le domaine public.
En ce qui nous concerne, nous pouvons affirmer, avec preuves à l'appui, que les guerres menées par la France en Algérie entre le 14 juin 1830, date du débarquement à Sidi Fredj, au 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, ne furent en rien des guerres conventionnelles. Dans son remarquable livre intitulé «Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l'Etat colonial», éditions Casbah 2005, l'auteur Olivier Le Cour Grandmaison, professeur de sciences politiques et de philosophie politique à Paris, cite d'emblée l'article 109 de la Constitution de la 2e République française (1848-1852) qui stipulait : «Le territoire de l'Algérie... est déclaré territoire français.»
Cet article sec et bref, consacrait deux actes graves accomplis par la force des armes : la suppression de manière unilatérale de la Régence d'Alger en tant que sujet du droit public international d'une part, et un «Anschluss» ou rattachement politique et économique de l'Algérie à la puissance occupante, d'autre part. Ce livre très documenté dont, en tout état de cause, nous recommandons vivement la lecture à nos amis turcs, constitue une inépuisable mine d'informations et de renseignements sur la colonisation de l'Algérie et un inventaire implacable des génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés par l'armée française en Algérie à partir de 1840 sous le général Bugeaud qui instaura le «Pouvoir du sabre», lui permettant de cumuler entre ses mains le pouvoir politique (exécutif et législatif), le pouvoir judiciaire et bien entendu le pouvoir militaire.
3. L'intelligentsia française face à la conquête de l'Algérie
L'auteur de ce livre cite une pléiade d'hommes du monde des arts, des lettres et des sciences qui, durant toute la période de la conquête de l'Algérie, se sont cru obligés de faire l'apologie du colonialisme et de cautionner l'usage sans limite des armes contre les indigènes.
Pour justifier les massacres massifs, les enfumades, les spoliations, les mises à sac, les profanations des lieux de culte, les déportations, les supplices, les mutilations, la torture, les viols des femmes et des enfants commis par les troupes et leurs chefs, ces intellectuels invoquaient la forte résistance opposée par les colonisés aux envahisseurs. Parmi les intellectuels qui se firent les hérauts et les apologistes de la colonisation et des crimes contre l'humanité auxquels elle a donné lieu, on trouve des juristes, des politologues, des sociologues, des anthropologues, des écrivains, des artistes et des scientifiques. Tous étaient célébrés et honorés pour leurs œuvres, leurs livres, leurs travaux, leur esprit inventif et leur créativité.
En vérité tous leurs écrits sur la conquête militaire de l'Algérie, son occupation et sa colonisation sont, quand on les lit de près, des modèles d'écrits racistes aussi immondes les uns que les autres. Certains de ces intellectuels avaient compris, presque d'instinct, oserais-je dire, l'intérêt qu'il y avait pour les colonisateurs à diviser les populations autochtones en Arabes et Kabyles et à veiller à ne jamais les laisser s'unir. (on ajoutera plus tard aux Arabes et Kabyles, les Mozabites, les Chaouias et les Touareg et l'on conclura qu'il n'y a pas en Algérie de peuple algérien mais un conglomérat de communautés ethniques différentes et distinctes. CQFD). Voici quelques morceaux choisis de cette littérature raciste abjecte : les Kabyles et les Arabes sont des peuples auxquels nous ferons jamais adopter ni nos mœurs ni nos usages. Leurs mœurs se sont conservées intactes, elles le seront probablement toujours — Les Arabes méprisent les lois... Le larcin, le rapt, le brigandage sont autorisés par leurs chefs (...) Ils se font honneur de leurs vices. — Les Arabes sont fiers, vindicatifs et de mauvaise foi (...). Ils sont sans cesse livrés à la débauche et à la paresse. L'Arabe est bourreau par essence, bourreau par vocation (...) il contemple avec délice les souffrances de ses victimes.
Le Kabyle tient à la maison. Il est sobre, habitué au travail, rompu à la fatigue, doué d'une rare intelligence. L'Arabe est menteur, voleur, paresseux de corps et d'esprit. Le sillon arabe n'est point ce beau sillon droit et profond de l'Européen, mais une sorte de feston qui se promène capricieusement à travers les champs. L'Arabe est le plus incapable des agriculteurs, il n'est bon qu'à gaspiller et détruire les richesses naturelles. Les mâles arabes dégagent une exhalaison ammoniacale. Le caractère bilieux domine chez les Arabes, ce qui les rend impétueux et irascibles. Presque toutes les femmes arabes dégagent une odeur infecte (...) Dans les rues, sur les places, à chaque pas, un relent vous arrive. Avec un haut-le-cœur, vous cherchez autour de vous les vieux fromages ou les vieilles viandes (qui dégagent des odeurs putrides). Il n'y en a pas, il n'y a que des femmes arabes — Le viol est une des distractions les plus familières des Arabes — Les Arabes sont assassins, voleurs, faussaires et tous adonnés à la pédérastie... L'écrivain Guy de Maupassant, envoyé en Algérie en qualité de reporter par un journal parisien, afin d'observer in situ et de visu les indigènes, a conclu sa série d'articles où il a souligné jusqu'à la caricature les «défauts, vices et tares» des indigènes, par cette phrase qui nous écœure aujourd'hui encore : «Il y a d'autres faits fort communs et tellement ignobles que je ne puis les rapporter...»
En plus clair : ces gens-là sont des sauvages, des fainéants, des dépravés, des malhonnêtes, des fourbes et encore je ne vous dit pas tout ! Alexis de Tocqueville, auteur connu pour ses travaux en droit public et en sciences politiques, réputé pour ses idées libérales et fervent admirateur de la jeune démocratie américaine, s'est lui aussi intéressé à l'Algérie. Dans un rapport officiel, il a notamment écrit ceci : «Pour moi, je pense que tous les moyens de désoler les tribus doivent être employés.... Le premier (moyen) c'est l'interdiction de commerce, le second, c'est le ravage du pays... Je crois de la plus haute importance de ne laisser subsister ou s'élever aucune ville (dans le pays d'Abd el Kader)... et de détruire tout ce qui ressemble à une agrégation permanente de population.» Il est par ailleurs l'auteur des concepts à forte charge impérialiste suivants : la Méditerranée est une «mer politique», et doit être un «lac français».
Alphonse de Lamartine, poète romantique et homme politique, affirma péremptoire : «Ma pensée c'est qu'Alger doit être un appendice du territoire français.» Du haut de la tribune de l'hémicycle du palais Bourbon, où il a siégé en tant que député, il a dit : «Nous n'abandonnerons jamais Alger !» Ce mot d'ordre qui aurait pu servir de slogan à l'OAS en 1962, et de viatique politique à tous les «nostalgériques», pour reprendre ce néologisme dont la paternité a été attribuée à l'écrivain Henri de Montherlant (1896-1972), auteur de La rose de sable, écrit en 1932, mais édité qu'en 1967, et de Le maître de Santiago, écrit en 1946. C'est Montherlant qui a écrit : «Les colonies sont faites pour être perdues ! Elles naissent avec la croix de mort au front.» En tout cas, on conviendra que beaucoup d'intellectuels français de l'époque, en plus d'avoir été de fervents colonialistes et des racistes invétérés, se sont souvent rendus coupables d'apologie de crimes contre l'humanité et d'appels publics à la haine.Il existe, hélas, encore en France, un fort courant d'opinion raciste, sur lequel prospèrent quelques partis politiques de droite et d'extrême droite.
Le racisme à la française a ses doctrinaires, ses théoriciens, ses penseurs, ses militants, ses pratiquants et ses électeurs. Il a un lourd passé, un présent agité et pourrait avoir un avenir politique, grâce à une petite bande de fascistes de haut vol ou, pour reprendre une expression de Bourdieu, une poignée de demi-philosophes et des demi-intellectuels délirants, qui hantent les plateaux TV et qui, avec acharnement et sans répit, cassent du «Beur», du musulman et du Noir.
Z. S.
(À suivre)


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