Lancement officiel du Recensement général de l'agriculture    Le Groupe Telecom Algérie participera au 2e "CTO-Forum" à Alger    Journée de l'étudiant: diverses activités dans les wilayas du centre    Attaf reçoit à Alger son homologue centrafricaine    Le président de la République rend hommage aux jeunes maîtrisant les technologies modernes et jaloux de leur patrie    Athlétisme/Meeting de Chorzow en Pologne (800 m): Mohamed-Ali Gouaned termine 2e et valide son billet aux JO de Paris    Athlétisme/Meeting international de Maurice - Marteau: médaille d'or pour l'Algérienne Zahra Tatar    Pôle scientifique et technologique Sidi Abdellah: le président de la République préside la cérémonie commémorative de la Journée nationale de l'étudiant    Timimoun: Bengrina appelle à la consolidation de la référence religieuse et culturelle nationale    Journée nationale de l'étudiant: arrivée du président de la République au pôle scientifique et technologique Sidi Abdellah    Le président de la République procède à l'inauguration du pôle scientifique et technologique Sidi Abdellah    TAC-2024: les Algériens déterminés à récupérer le maillot jaune sur le tracé Constantine-Skikda    Agrément du nouvel ambassadeur d'Algérie en Suisse    Ghaza: des dizaines de martyrs et de blessés au 226e jour de l'agression sioniste    Clôture du 9e Festival national de la création féminine    Coup d'envoi du recensement général de l'agriculture    La Sonatrach pourrait concurrencer le groupe énergétique émirati TAQA par l'achat en bourse d'une fraction du groupe espagnol Naturgy Energy    Le CSJ célèbre le 68e anniversaire de la Journée de l'étudiant    La FIFA dégomme l'arbitre Pierre Atcho    Le Mouloudia Club d'Alger 14 années après !    les dates des deux prochaines journées fixées    Lancement de l'inventaire du patrimoine architectural algérien    Des sorties pour préserver la santé publique des citoyens    Le budget approuvé    Une personne meurt carbonisée dans un accident de la circulation à Zemmoura    Une employée juive du ministère de l'Intérieur démissionne en protestation au soutien de Biden à la guerre contre Ghaza    163 gardes à vue et 26 déferrements en justice    Dialogue entre les peuples    Générale de la pièce «Ed'Diplomassi zewed'ha»    Ouverture du 13e Festival international de musique symphonique    La Coordination des élites algériennes d'outre-mer est née    Affaires religieuses: la création de nouveaux grades vise à renforcer les capacités des personnels du secteur    Algérie-Belgique: signature d'un accord de partenariat en matière de prise en charge médicale    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 35.386 martyrs    Elections électorales    Le DGSN chez le chef du Département Anti-drogue de New York    Le pouvoir politique US des deux poids, deux mesures….    Palestine. Mieux vaut tôt que jamais    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



LE MENSONGE DE DIEUDE MOHAMED BENCHICOU
Le roman d�une Alg�rie m�connue
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 07 - 2011


Par Abdellali Merdaci
Avec Le Mensonge de Dieu (Paris-Alger, Michalon-Koukou-Inas, 2011), Mohamed Benchicou propose une perspective inaccoutum�e de la repr�sentation de l�histoire dans le roman.Le r�cit se d�roule sur une vaste p�riode qui commence en 1870 et s�ach�ve en 2007. Cent trente-sept ann�es dans le tumulte des guerres, de leurs feux, de leurs deuils. Ne rel�vera-t-on pas la t�m�rit� de l�entreprise et la jubilatoire prouesse de l�auteur d�entrevoir dans une �uvre � aux ressorts inattendus � un univers �minemment litt�raire ?
Disons-le d�embl�e, Le Mensonge de Dieu est un vrai roman, et mieux encore, un vrai roman historique qui se joue de notre Histoire, de nos histoires. Est-il possible d�en r�sumer d�une formule l�intention toute enti�re dans cette attente de Yousef Imeslay�ne, au Nadir de toutes les esp�rances perdues : �J�avais compris que les r�ves de l�indig�ne alg�rien �taient � l�int�rieur de cette belle utopie du si�cle, r�ve inavouable de mon grand-p�re B�la�d, le jour, enfin o� les hommes ne seraient que des hommes�� (p. 580, la pagination renvoie � l'�dition fran�aise). Cette recherche, de la colonisation fran�aise � l�ind�pendance, de la posture � id�alis�e � de l�homme libre, s�impose dans les mots hallucin�s des personnages comme le proc�s-verbal d�un angoissant d�sinvestissement identitaire. Entend-on dans ce long r�cit cette interrogation h�riss�e qui pousse cycliquement les hommes dans les charmilles et dans les tranch�es des guerres ? Dans le demi-si�cle d�une ind�pendance nationale mortifi�e, resurgit ce lancinant �qui suis-je ?� que l�on croyait appartenir � des �poques de gl�be et de soumission abolies. Le Mensonge de Dieu ne voudrait-il qu�ensemencer le destin des hommes collet�s aux sortil�ges et aux m�comptes d��tranges promesses d�avenirs sangl�s ? Le romancier y recueille le chant d�compos� d�un monde immobile, g�lifi�.
Le roman en cinq questions
Voici de rapides notations sur le travail du romancier � travers cinq indicateurs de lecture qui en d�limitent la pertinence. Cet inventaire s�lectif n�a pas la pr�tention d�envisager � si ce n�est par sondage � les diff�rentes tournures que prend un volumineux roman d�une grande densit�.
1- Le titre. Le Mensonge de Dieu inqui�te. Cet oxymore � association contradictoire de deux termes � assombrit plus qu�il n��claire le chemin du lecteur. Si le titre � ici d�une syntaxe conventionnelle � a une valeur programmatique (Hoeck, Duchet), enveloppant le projet du texte, il est r�it�r� comme une r�gle pr�dictive dans le corps m�me du texte : �Seul le mensonge de dieu peut nous consoler de l�injustice des hommes.� (p. 407). Obscure, la juxtaposition de �mensonge [de Dieu]� et �injustice� n�est pas davantage que le titre lisible et rassurante. Entra�ne-t-elle une s�miosis de la dysphorie qui sature le texte ? Sauf � consid�rer dans une d�marche ph�nom�nologique le �mensonge de Dieu� comme la transformation engag�e par l��crivain et le lecteur d�une �criture-lecture du texte, qui l�assigne � sa propre r�alit� d�objet en construction- d�construction, dont la finalit� est de lever l�injustice dans un processus compensatoire sugg�r�. �crire-lire le mensonge (et, par extension, Le Mensonge de Dieu), pour �clairer les injustices. Mais l�exp�rience du �Mensonge� � postul�e dans le titre � est identiquement celle de l�auteur, et de son porte-parole Yousef, son �second moi� (Tillotson), l�un et l�autre saisis dans une r�alit� d�grad�e, cumul�e et cumulable. Cependant l�occurrence �Dieu� n�est-elle pas r�p�t�e des dizaines de fois dans le texte pour ne pas constituer dans sa surcharge lexicale � consciente ou inconsciente � une balise pour l�interpr�tation ? Le narrateur fait dire � un de ses personnages : �Un myst�re comme celui qui lie Dieu � l�humanit�.� (p. 316). Le r�cit baigne dans les religions r�v�l�es de Dieu : juive, chr�tienne et musulmane ; il montre ce qu�elles p�sent dans la destin�e des peuples. Il s�agit alors dans le titre moins d�un blasph�me que d�all�gations de faire mentir Dieu ou de mentir sur Dieu, inh�rentes � l�homme. Pourquoi � comme y invite le titre � ne pas lire dans les malheurs de l�humanit� la part t�n�breuse de ses croyances ?
2- La structure du r�cit. Le Mensonge de Dieu inscrit � paradoxalement en six parties in�gales � une coh�rence dans le mouvement contrast� de trois g�n�rations d�indig�nes qui correspond aux encha�nements de l�Histoire contemporaine de l�Alg�rie. D�abord, B�la�d Imeslay�ne, le fondateur, quittant les ch�naies de Tizi-N�Djema�, en Kabyle, �un village conquis par les morts et abjur� par les vivants.� (p. 14) ; ensuite Gabril, l�enfant que lui donne, � Mellila, l�Espagnole Manuela, dans une paix fugitive, d�rob�e � la guerre ; enfin Yousef, fils de Gabril et de Magdalena, � qui reviendra de porter l�imp�rieuse parole de la tribu d�membr�e, qui s�interroge (�aurais-je la force de tout �crire ?�) et annonce d�s l�incipit du roman son programme narratif et la logique des voix multiples qui s�y agr�gent. L�architecture du r�cit d�ploie une sc�ne d��nonciation duelle : d�une part, celle du �Cahier blanc� (p. 9) qu�offre Yousef, �le mendiant du cimeti�re�, � sa petite-fille Kheira ; de l�autre, sa lecture comment�e � dans un temps et un espace immobiles � par ses descendants dans un autre r�cit (�Sur la route de Gao�). Le proc�d� litt�raire de r�cits en miroir qu�adopte Benchicou � distinct de la mise en abymes � filigrane une r�flexion sur la litt�rature, sa lecture et sa transmission. Peut-on toutefois observer que les trois derni�res parties du r�cit (Amira, Aldjia, Zouheir et Zoubida) auraient pu se fondre dans la troisi�me (Yousef), la plus fournie ? Pour une raison simple : leur agencement est trop factice pour permettre une dynamique s�rielle. Il n�y a plus de personnage typique pour symboliser une histoire des Imeslay�ne irr�m�diablement bloqu�e. C�est le colonel Hadj Baghdadi du DRS qui le d�couvre justement et le constate : �L�Histoire n�a pas boug� ! Oui, c�est �a ! Notre Histoire s�est fig�e ! Depuis soixante- dix ans, elle n�a pas boug� !� (p. 491). Yousef est l�ultime maillon d�une �volution-involution de la tribu des Imeslay�ne et � m�taphoriquement � de la nation. La structure du r�cit accuse-t-elle volontairement cette faille dans les parcours atomis�s d�Imeslay�ne sans rep�res, qui cherchent leur salut dans une chim�rique �route de Gao� et agitent comme une boussole le �Carnet blanc�, infrangible legs du mendiant du cimeti�re ?
3- Les th�mes du roman. Le th�me politique domine dans Le Mensonge de Dieu, mais il y aurait une volumineuse th�se � �crire sur les saveurs et les odeurs qui l�adoucissent, en renfor�ant le sentiment que chez Benchicou, la gastronomie � toutes les nuances du couscous � participe de la petite (et grande) cuisine qui faisande nos vanit�s. Je voudrais ne retenir que deux th�mes qui sont loin d��tre mineurs : amour et guerre. Garde-t-on pieusement chez les Imeslay�ne cette devise du Vieux G�n�ral ib�re qui a c�toy� dans sa jeunesse le mythique Ballesteros le Magnifique, qui a contraint, en 1820, dans la cur�e d�une �poque d�mente, le roi Ferdinand d�Espagne � r�tablir la Constitution ? Prudemment enseign�e par Manuela aux siens, elle leur servira bient�t de digue morale : �Si tu as un enfant, apprend lui � vivre pour l�amour et � mourir pour la libert�.� (pp. 78, 108). La th�matique du roman pourrait se projeter dans ces deux ma�tres-mots : amour et libert� (et son corollaire, la guerre) et � tous ces ph�nom�nes � nombreux et impr�visibles � qui les guident. - Amour. Tout ne commence-t-il pas dans une l�g�ret� presque sanctifi�e ? B�la�d n��tait-il pas revenu dans le pays ancestral, en 1870, d�au-del� les mers, r�chapp� d�une boucherie franco-allemande et �chaud� par une premi�re passion amoureuse d��ue pour Jos�phine dont le p�re l�engage � combattre dans l�arm�e victorieuse de Guillaume 1er ? Coureur providentiel, cet �amant de toutes les femmes de la Soummam, les vierges comme les veuves, les saintes comme les d�prav�es, un grand rouquin aux yeux verts qui v�cut en jeune dandy� (p. 13), comprend que l�histoire des hommes est �crite par les femmes. Le narrateur se contentera-t-il seulement d�aligner le palmar�s de ce Casanova kabyle ou la Charentaise Gertrude, �pouse du chef de garnison de Bougie et ind�crottable gazette de la vie coloniale, ne sera pas de trop ? Dans �Le Mensonge�, l�agencement des relations amoureuses est ternaire : B�la�d a �t� l�homme de trois rencontres amoureuses fid�lement assum�es (Jos�phine, Taous, Manuela) ; et ainsi en est-il de Gabril (Zoulikha, Magdalena, Hanna) et de Yousef (Noah, Aldjia, Negma). Sous le pas de chaque femme, il y a l��treinte d�histoires aux sorts contraires, sold�es dans la barbarie et les lamentations. Mais aussi couv�es dans une ardeur jamais d�mentie. - Guerre. Pas moins de douze guerres � dont deux mondiales � constituent, de 1870 � 2007, l�arri�re fond du r�cit. Depuis leur pays soumis, les indig�nes alg�riens ont voyag� au gr� des guerres de l�Empire et de la R�publique. Au Mexique, en 1864-1867, dans les troupes de Maximilien, adoub� par Napol�on III, et en France, en 1870, dans l�Alsace et la Lorraine. Ne sont-ils pas vou�s � faire la guerre des autres et pour les autres, en recherchant leur propre guerre ? Ces guerres, il n�est pas tout � fait inutile de les �num�rer : 1870 (Alsace-Lorraine), 1914-1918 (Grande Guerre), 1925 (guerre du Rif o� meurt Zoulikha, le premier amour de Yousef), 1936-1939 (guerre civile en Espagne), 1939- 1945 (Seconde Guerre mondiale), 1948 (Palestine), 1946-1954 (Indochine, tombeau d�Abderrezak, le mari de Warda), 1954-1962 (guerre d�Ind�pendance), 1963-1964 (guerre des fronti�res avec le Maroc), 1963-1965 (maquis du FFS), 1973 (guerre isra�lo-arabe). La derni�re qui commence en Alg�rie au d�but des ann�es 1990 � aux implications religieuses �videntes masquant aussi toutes sortes de violences de l�Etat et de la soci�t� �se prolonge au-del� du r�cit et n�attend que son nom. Faut-il marquer ici que Benchicou est dou� pour l��criture de la guerre. Quelques passages sur la Grande Guerre me font penser � Henri Barbusse ( Le feu, 1916), par leur description de la charge obstin�e des hommes au casse-pipe, et aux souvenirs de Blaise Cendrars ( J�ai tu�, 1918), face � la fatalit� de la mort. Une phrase condense cette ambition de massacres : �Les hommes avaient si bien appris � tuer et � mourir en masse.� (p. 201). Chaque guerre coulera le sang des Imeslay�ne ou de leurs parent�les. Le Mendiant du cimeti�re soutiendra sentencieusement que la haine des hommes pr�pare les guerres ; mais sans �tre p�n�tr� de leur dessein : �J�avais oubli� la question irr�solue : pourquoi les hommes se battent-ils ?� (p. 635).
4- Les personnages. Le Mensonge de Dieu d�veloppe un �personnel du roman� (Hamon) foisonnant. Benchicou entrecroise � avec une fine perception de leur psychologie � personnages fictifs et personnages r�els. On s�int�ressera ici aux personnages r�els qui confortent la dynamique du roman historique et de ses th�ses radicalement politiques. La grosse difficult� dans le roman historique est de surinvestir �motionnellement l��criture du r�el. Jusqu�� quel point Benchicou la contourne ? Prenons, � titre d�exemple, l�invention du personnage romanesque. Nonobstant les faits vrais � ou imaginaires � dans lesquels il est convoqu�, cette invention d�signe deux registres dans �Le Mensonge� : 1�- les personnages directement identifiables, comme la communiste Dolor�s Ibarruri ( La Pasionaria), en Espagne, ou le journaliste-�crivain Arthur Koestler, en Palestine ; 2- les personnages mixtes, cat�gorie complexe, sont recr��s � la dimension du roman. A l�image de Hadj M. que chacun reconna�t comme Messali Hadj, chef embl�matique de l�ENA-PPA-MTLD, pleurant dans sa prison sa compagne �milie et r�cusant curieusement le temps de l�histoire, celui du Mouvement national. Benchicou l�affuble d�une tunique soufie, sans doute trop �troite aux entournures. Ce contre-emploi pointe, certes, l�importance du romanesque mais il comporte le risque d��vacuer l�historicit� du personnage. S�emparant de la figure d�Abd El-Krim El Khattabi, le h�ros du Rif, Benchicou r�ussit-il sa transmutation en personnage de roman ? Il campe ce personnage dans une modernit� prometteuse dont t�moignait autrefois Ali El Hammami (Idris, roman nord-africain, 1949), mais aussi en acteur politique inexplicablement vell�itaire. Aura-t-il la volont� de le sortir de ses atermoiements lorsqu�il d�cide de d�clencher la guerre anticoloniale dans son pays, le Maroc ? D�s le d�but du XXe si�cle, cette guerre � tant esp�r�e � Abd El-Krim l�estimera, en strat�ge form� dans les �coles de guerre espagnoles, pr�matur�e ; lorsqu�il s�y pr�tera, en 1925, sans aucune garantie, elle sera sanglante et sans cons�quence sur la marche d�une colonisation fran�aise qui revitalisait ses assises. A travers la cr�ation du personnage romanesque, il y a toujours l�enjeu de la l�gitimit� de la litt�rature � dire et � reproduire le monde r�el. C�est une loi admise que le roman � que ce soit pour Hadj M. ou Abd El-Krim � ne suppl�e pas aux d�faillances de l�enqu�te historique. Et que le romancier n�a pas vocation � amender l�histoire.
5- Les id�es. Le r�cit du �Mensonge � supporte la double contrainte organique de la fragmentation de la narration et des id�es. Est-il n�cessaire de rappeler que la typologie narrative � la mani�re de percevoir et de rapporter les �v�nements � et le discours d�id�es du roman r�pertorient des positions assertoriques de l�auteur � directement ou dans les expressions diverses de ses d�l�gu�s textuels ? La distance entre auteur, narrateur et personnages du �Mensonge� s�efface dans une mani�re partag�e d�inf�rer le monde � des situations largement connues et classifi�es (temps du r�cit et temps de l�histoire ; post�riorit� de la narration auctorielle d��v�nements soumis � des �valuations id�ologiques, politiques et culturelles). Le r�cit du �Mensonge� est plac� sous le signe � toujours ambigu � de �l�entre-deux�. Entre deux religions, deux nations, deux identit�s. Ce caract�re hybride est-il symptomatique de l�histoire de l�Alg�rie et de ses populations ? S�il n�y r�pond pas directement, Benchicou semble le penser, en pr�venant � par hypoth�se � les r�actions de ses lecteurs. Sp�cialement sur l��tre juif. Rien ne permet d�exclure le fait � historiquement attest� � d��tre juif et militant nationaliste pendant la guerre d�Ind�pendance et rien ne devrait aussi permettre d�exclure le fait d��tre juif et alg�rien � apr�s � comme le sont les descendants de B�la�d, Gabril et Yousef. Chez les Imeslay�ne, il y a des musulmans et des juifs � et, �tonnamment, pas de chr�tiens, m�me s�il fleure entre les lignes du roman le parfum � proustien � de la f�te de P�ques de Jos�phine. Mais la symbolique du Juif � remarquablement document�e par Benchicou � est suffisamment pr�gnante et ancr�e pour ne pas �tre d�chiffr�e dans la perversion du syst�me politique et policier alg�rien. Il suffirait de remplacer le Juif par le d�mocrate pour lire une autre r�alit�, fonci�rement politique, qui �cume en profondeur le roman, qui est celle d�une ind�pendance alg�rienne toujours incertaine et probl�matique. Sur autre versant, celui de la Guerre d�ind�pendance, les id�es d�velopp�es par Benchicou peuvent para�tre sommaires. Et m�me caricaturales. Une guerre r�v�e par B�la�d � une vraie guerre d�indig�nes pour eux-m�mes � dans laquelle Yousef s�engage (h�las !) avec beaucoup de lassitude et de r�ticence (�Je fis alors dans le Zaccar, une guerre sans illusion�, p. 612). L�insistance que met Benchicou � nier que la guerre de Lib�ration nationale a �t� conduite par le FLN peut �tre confondante. Le MNA de Hadj M.-Messali a bel et bien exist�, mais tragiquement coup� du peuple alg�rien et de la guerre anticoloniale. La bellig�rance fratricide et sanglante que lui a livr�e l�ALN peut encore �tre discut�e et Melouza demeurera une tache noire insultant nos consciences, mais le reclassement des acteurs messalistes dans Le Mensonge de Dieu fera-t-il diversion ? Poser, dans la semblable d�mesure, le maquis rouge des combattants de la lib�ration du Zaccar o� officient William [Sportisse] et Bachir [Hadj Ali] comme �tant le seul lieu o� s�exerce la dignit� du combat anticolonialiste, avant son ralliement � l�ALN ? N�y a-t-il pas la tentation d�un sombre proc�s de l�Histoire ? La guerre d�ind�pendance n��tait-elle � du c�t� FLN � que l�affaire de �parrains� acculant � Paris les derni�res poches de r�sistance messaliste ? Cruelle embard�e pour Benchicou qui libelle son propos au tr�buchet ! Lui suffira-t-il de laisser entendre que tout est pourri dans le FLN de novembre 1954 (qui n�a, il est vrai, plus aucune parent� avec le n�o-FLN qui na�t dans les all�es encombr�es d�une ind�pendance d�tourn�e), dans ses espoirs, dans ses actes, dans ses hommes et ses femmes qui les ont port�s avec de respectables convictions jusqu�au sacrifice ? Il y a une seule certitude : ce FLN-l�, qui accouche de l�id�e g�n�reuse de la patrie, a sublim� dans le peuple un h�ros collectif. Ce choix � en somme bien �quivoque qui a ali�n� sa dimension humaine � passe mal dans la litt�rature ; et il reste inassimilable dans Le Mensonge de Dieu. Ceux qui ont cru au combat national � � l�image de Zoubida qui perd sa voix dans les contre-manifestations du 11 d�cembre 1960, � Belcourt, encadr�es par le FLN � entreront durablement dans une brume de silence. Il y a enfin � pourquoi ne pas s�y arr�ter ? � une terrible addition de morts chez Benchicou. Comment croire que les morts de Zouheir (disparu, en 1973, dans le d�sert du Sina�), d�Amira (militante FFS, ex�cut�e, en 1976, par un tribunal d�exception pour intelligence avec le sionisme, au seul motif inique de sa jud�it�), de Mourad (officier du DRS, abattu par un fou de Dieu, au moment o� il bouclait son enqu�te sur les tournoyantes malversations des seigneurs du r�gime : assassinat d�Ali Mecili, num�ros de comptes bancaires en Suisse, autoroute Est-Ouest, contrats d�armement, affaire Browning), de Rafiq (kamikaze islamiste) et de Yousef (kamikaze opportuniste), produisent la m�me r�sonance ? C�est sans doute l� le drame de la tribu des Imeslay�ne et de l�Alg�rie d�aujourd�hui, �ces morts d�un r�ve ancien, nous laissant le devoir de les d�fendre pour leur �viter le malheur d�avoir tort� (p. 633). Benchicou ne s�avise-t-il pas que les assassins ont toujours tort ? Mais de quelle justice se r�clament l�enfant- kamikaze Rafiq � treize ans � qui a offert sa col�re et sa mort � une guerre de religion moyen�geuse (dix-sept morts, trente bless�s dans l�attentat contre les gardesc�tes de Dellys, en 2007, p. 280) et ce vieillard de �quatre-vingt-dix ans environ� (p. 647) qui saute � la m�me ann�e 2007� le si�ge du Conseil constitutionnel en laissant derri�re lui un �sachet de sucre d�orge de Vichy� (p. 401), ce r�current marqueur, jalonnant les guerres de Yousef, dans une fin que l�auteur a voulue quasi-r�demptrice ? M�ritent-ils l�absolution des hommes et de leurs judicatures ? Il y a chez les Imeslay�ne et dans leur nation h�b�t�e de d�sastres des morts sans honneur, qui �margent immanquablement au d�bit de l�Histoire.
Un �clairage : roman et histoire
Le romancier Mohamed Benchicou �prouve-t-il le rapport � toujours fragile � � l�histoire vraie ? La naturalisation dans la fiction de faits et de personnages authentiques du mouvement national devrait t�moigner du caract�re ind�cidable de toute transposition litt�raire o� le b�n�fice r�el-imaginaire devient non pas une marge du projet romanesque, mais un lieu du conflit doctrinal que pr�suppose la mise en �uvre du roman historique. Je voudrais en exposer trois exemples qui indiquent � malgr� le s�rieux effort documentaire de l�auteur � les limites de l�enqu�te historique dans Le Mensonge de Dieu :
1- Sur le lieu et la date de captivit� des militants du PPA. Le narrateur du �Mensonge� situe le lieu de d�tention de Messali Hadj, Brahim Gherafa et Moufdi Zakaria � Maison- Carr�e et, plus pr�cis�ment, dans la p�riode 1939-1940. Ces trois animateurs de la �Bande de l��toile� (p. 465) �taient emprisonn�s, depuis 1937, � Barberousse (Cf. Benjamin Stora, Dictionnaire biographique des militants nationalistes alg�riens, 1926-1954 (ENAPPA- MTLD, Paris, L�Harmattan, 1985). Les distorsions dans la datation des �v�nements sont nettes : Brahim Gherf-Gherafa (dit �Brahim un-quart-d�huile�) n�aurait pu rencontrer Yousef, car il a s�journ� � Barberousse du 27 ao�t 1937 au 26 ao�t 1938, bien avant m�me le d�barquement de Yousef en Alg�rie et son incarc�ration � � Maison- Carr�e, en 1939-1940 ! �crou� � Barberousse, le 27 novembre 1937, le po�te et journaliste Moufdi Zakaria en est lib�r� la veille de la Seconde Guerre mondiale. Apr�s Barberousse o� il s�journe, en compagnie de Gherafa, Zakaria et Lahouel, Messali (�Hadj M.� dans le roman) n�en sera affranchi, bri�vement le 27 ao�t 1939, que pour entrer � nouveau dans les ge�les de la prison militaire d�Alger, le 4 novembre 1939. Condamn� � seize mois d�emprisonnement par le Tribunal des forces arm�es d�Alger, il fait un rapide transit � Maison-Carr�e avant de rejoindre le bagne de Lamb�se. Yousef aurait pu en effet croiser Hadj M., � Maison-Carr�e, mais bien apr�s les dates retenues dans le roman, entre mai et fin ao�t 1939, et sans l�entremise de Brahim Gherf libre. L�entrevue d�cal�e � dans l�espace et dans le temps � entre Yousef et les nationalistes du PPA stimule la cr�ativit� romanesque mais d�truit la possibilit� du fait historique.
2- Sur la qualit� des personnages r�els de l�histoire et du r�cit. Brahim Gherf est l�interm�diaire de Yousef dans ses relations avec le PPA et plus largement avec le mouvement nationaliste. Il se pose ici la question de la cr�dibilit� �thique du personnage de Gherf-Gherafa en regard m�me de l�histoire et de la d�l�gation qui lui est consentie dans la fiction. Benchicou aurait �t� mieux inspir� de choisir Hocine Lahouel ou Moufdi Zakaria, compagnons de cellule, plus impr�gn�s de la ligne antifasciste qui a �t� indiscutablement celle de Messali Hadj contre le Comit� d�action r�volutionnaire nord-africain (CARNA), qui entamait alors un dialogue avec les repr�sentants de l�Allemagne nazie (Cf. Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme alg�rien. Question nationale et politique alg�rienne, 1919-1951, Alger, Sned, 1980). L��picier mozabite de La Casbah est proche du CARNA qui regroupe des militants chevronn�s du PPA, Messaoud Boukaddoum (�Si Haou�s�), Moussa Boulkeroua, Mohamed Henni (�Daki�), le docteur Ouakli et Mohand-Ch�rif Sahli. Il devient un membre actif de l��ph�m�re �Organisation� (� ne pas confondre avec l�Organisation sp�ciale), un clone du PPA, qui b�n�ficie pendant la Seconde Guerre mondiale du soutien de Mohamed Abdoun, Djamel Derdour et Chadli Mekki, influenc� par les th�ses du CARNA sur une jonction lib�ratrice avec l�Allemagne nazie et Hitler. De tous les militants nationalistes vers�s dans �l�Organisation �, Brahim Gherafa est celui qui a lourdement pay� son rapprochement avec ses orientations fondamentales, puisqu�il prendra, � la fin des la guerre, ses distances d�avec le PPA et tout simplement d�avec la politique. �cart� des groupes clandestins du PPA pendant la Seconde Guerre mondiale et plus tard de la cr�ation du MTLD et de l�Organisation sp�ciale, Brahim Gherf-Gherafa ne peut �tre l�interlocuteur nationaliste appropri� � et vraisemblable � de Yousef Imeslay�ne, � sa sortie de prison. Ce retournement des faits (particuli�rement, pp. 487-488, Gherf-Gharafa d�non�ant une lib�ration de l�Alg�rie de l�emprise coloniale par l�Allemagne nazie) ob�ret- elle l�acclimatement de l�histoire dans la fiction ?
3�- Sur les parcours conjugu�s de Mohamed El Maadi et de Kaddour Benghabrit. Benchicou ne tenait-il pas dans Mohamed El Maadi, ancien �cagoulard�, fervent latiniste et juriste, mieux connu sous le pseudonyme Mostafa Bacha (ou encore de Mostafa El Bachir), encourageant, au d�but des ann�es 1950, au Caire, les mouvements de lib�ration nationale des pays du Maghreb, un rare personnage litt�raire ? Proche de Lafont et Bonny � la Carlingue�, officine de la Gestapo fran�aise au 93, rue Lauriston, � Paris, El Maadi dirige, � la demande des officiers allemands Helmut Knochen et Wilhelm Radecke, la Brigade nord-africaine (les �SS Mohamed�), ramassis de gouapes de Barb�s et de la Goutte d�Or (on se reportera sur cette milice � Philippe Aziz, Tu trahiras sans vergogne. Histoire de deux collabos. Bonny et Lafont, Paris, Fayard, 1969, et � Gr�gory Auda, Les Belles ann�es du milieu, 1940-1944, Paris, Michalon, 2002). En dehors de l�encadrement mafieux de l�immigration maghr�bine et des ouvriers de Renault, � Billancourt, le seul acte attest� que l�histoire a conserv� des �SS Mohamed� est leur participation � la tuerie, au mois de juin 1944, des 99 otages de Tulle (Corr�ze). Cette force suppl�tive nazie s��gaille ensuite dans les d�partements du Limousin et du P�rigord. A deux reprises (pp. 481, 574), Benchicou r�unit les noms d�El Maadi et de Kaddour Benghabrit, recteur de la Mosqu�e de Paris et �crivain (on lui doit, entre autres, La Ruse de l�homme, th��tre, 1929). Cette recr�ation romanesque de ces deux personnages souligne-telle un contresens ? Ami de Sacha Guitry, qui lui ouvre les portes de son th��tre de la Madeleine, et de Jean Cocteau, Benghabrit est, pendant l�occupation de Paris par l�Allemagne nazie, dans la proximit� du lieutenant gestapiste Heller, de l�ambassadeur Otto Abetz et de Karl Epting, directeur de l�Institut allemand, les curateurs de la culture fran�aise de la collaboration. Mondain, il ne d�daigne pas les plaisirs de la table et de la chair ; il est souvent aper�u au �One Two Two�, un bordel parisien r�put�. Personnage guind� d�une p�riode trouble, Benghabrit a utilis� son entregent et sa pr�sence dans les cercles administratifs, politiques et culturels de la collaboration fran�aise pour sauver des Juifs, promis aux camps de concentration. Parmi ceux-l�, le chanteur S�lim El Hellali, qu�il certifie dans un document officiel de la Mosqu�e de Paris d��ascendance musulmane�. Collabo, le jour, ne se rachetait-il pas, la nuit, dans les devoirs de l�ombre ? S�il a rencontr� El Maadi, ce qui est probable, rien ne d�montre qu�il fut le soutien de son journal de propagande fasciste et antis�mite Er-Rachid (lanc� en 1943). Il est aussi �tabli que, contrairement au compositeur Mohamed Iguerbouchene, au jazzman Mohamed El Kamel et au germaniste Mohand Tazeroute, Kaddour Benghabrit ne sera pas poursuivi, � la lib�ration de Paris, par la justice fran�aise et les commissaires de l��puration et continuera son magist�re � l�Institut musulman de la Mosqu�e de Paris.
Les �preuves du pr�sent et du futur
Ce sont l�, parmi bien d�autres, des aspects factuels qui d�terminent dans la fiction la fronti�re de l�Histoire. Car, au-del� de la libert� du romancier, la convergence entre le romanesque et l�historique ne s�ab�me-t-elle pas dans l�infime, dans le punctum ? D�une prudence et d�une pr�cision documentaires de th�sard trappiste, en plusieurs points du roman, Benchicou saurat-il toujours se pr�server de chausse- trappes ? Le roman moderne � on en citera, � titre comparatif, une figuration extr�me et exemplaire chez Philip Roth, notamment dans sa confrontation au sionisme ( La Contrevie, 1989), au maccarthysme (J�ai �pous� un communiste, 2001) et aux turpitudes sexuelles du pr�sident Clinton ( La Tache, 2002) - a sollicit� la caution de l�histoire politique et de ses acteurs pour �laborer des univers romanesques singuliers. Les excellentes intuitions de Benchicou sur les r�voltes kabyles de 1871, sur le brigadiste communiste Andr� Marty (le �boucher d�Albacete� et futur organisateur de la r�gion communiste d�Alg�rie et du PCA), sur le fourvoiement des Indig�nes d�Alg�rie dans le nazisme et sur leur engagement nationaliste ne sont-elles pas de celles qui nourrissent les grands romans ? Elles suscitent des pages au style assur� � et habilement inform�es � dans Le Mensonge de Dieu. Ce roman reste aussi l�expos� � qui appelle d�essentiels d�veloppements � d�une actualit� alg�rienne toujours inaccessible, de l�islamisme arm� et ses barouds � l��vang�lisation pourchass�e et � la corruption effr�n�e du syst�me. Il y a quelque chose de S�n�que chez Mohamed Benchicou qui aiguise sur ces faits la verve d�un moraliste � la langue flamboyante et acidul�e. Le lecteur aimera ce r�cit d�intenses bouleversements, voguant sur des mers d�mont�es et des naufrages annonc�s. S�arr�tera-t-il � d�irrempla�ables pages sur les m�urs de la soci�t� des nuits alg�roises ? Il distinguera �illougane�, cette (l�nifiante ?) danse targuie de Meriem � l��pouse du d�funt capitaine Mourad � qui expurge les �ges de violence des Imeslay�ne. En �crivant et en ravaudant, parfois � convient-il de le regretter ? � de gros fil, les p�rip�ties d�une Alg�rie m�connue, enfant�e dans les sursauts d�infinies guerres, Benchicou a fait le pari de surprendre. Pur romancier, d�une vigoureuse ma�trise qui lui gagnera les esth�tes et les amateurs de fresques historiques, il n�aura fouill� un pass� imm�morial, en crayonnant de tranchantes �bauches, que pour assourdir les �preuves du pr�sent et du futur.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.