Le mouvement Ennahda réaffirme sa participation au prochain scrutin présidentiel    Ouverture des travaux du 13e congrès de l'UNEA    Les vivres alloués à la distribution dans le sud de Ghaza seront épuisés dimanche    Championnats arabes U20 d'athlétisme: l'Algérie décroche dix nouvelles médailles dont quatre en or    Ligue 2 amateur : l'Olympique Akbou acte son accession, le RC Kouba et l'ES Mostaganem se neutralisen    Découverte d'un document historique authentique rare appartenant à un déporté algérien en Nouvelle-Calédonie    Hamzaoui met l'accent sur "le rôle important des jeunes en vue de la prochaine échéance électorale"    L'Algérie a franchi un pas important sur la voie d'un nouveau mécanisme pour les pays de la région    Algerian Union Bank : lancement de quatre produits de la finance islamique en Mauritanie    Tassili Airlines : renforcement des vols domestiques par deux nouvelles lignes vers le Sud    Nous œuvrons à développer le pays sur des bases solides et les prémices du décollage économique commencent à apparaître    Alger : le plan de prévention contre les feux de forêts activé le 1e mai    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.971 martyrs    A l'initiative de l'Algérie, le CS demande une enquête indépendante sur les charniers de Ghaza    Secousse tellurique de 3 degrés dans la wilaya de Chlef    L'Assemblée générale de l'ONU soutient la demande d'adhésion de la Palestine    Clôture du méga-concert Rai : des figures légendaires du genre enchantent le public algérois    80 000 personnes quittent Rafah après l'intensification des attaques de l'entité sioniste    Le ministère des Finances à la recherche des administrateurs indépendants    Quels impacts de la proposition d'achat de la société espagnole Naturgy par le groupe Emirati TAQA où Sonatrach est un acteur majeur de l'approvisionnement en gaz naturel du marché espagnol ?    Le leader en appel à Khenchela, duel à distance pour le maintien    Ligue 2 amateur : Le NA Hussein-Dey écope de deux matchs à huis clos    La société Evol Sport réclame 200.000 euros à la FAF    25 mis en cause placés en détention provisoire pour actes de vandalisme    Une formation au profit des médias sur la couverture de l'élection présidentielle    Préservation de la souveraineté nationale    Les laboratoires Salem lancent deux nouveaux dispositifs médicaux    Les représentants de la communauté nationale à l'étranger saluent la décision du chef de l'Etat    Alimentation en gaz à Mostaganem 460 foyers raccordés à Safsaf    Faid insiste sur l'amélioration de la qualité des données    L'AGNU votera une résolution soutenant la reconnaissance de la Palestine en tant qu'Etat membre à part entière    «Cheikh Larbi Tebessi, un chahid sans sépulture» projeté à l'APN    Le projet d'un recueil des données linguistiques en voie de finalisation    Soraya Mouloudji inaugure la 9e édition    La mémoire et l'histoire, source de fierté et facteur de mobilisation autour des projets nationaux    Ligue 1 Mobilis: MCA-USMA fixé au vendredi 17 mai au stade 5-juillet (LFP)    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    La protesta estudiantine occidentale face aux lobbies sionistes.    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



POLITIQUE LINGUISTIQUE EN ALG�RIE
Entre le monolinguisme d�Etat et le plurilinguisme de la soci�t� -1re partie-
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 10 - 2011

�Les id�ologies s�acquittent de cette fonction de l�gitimation [d�un pouvoir] apparemment rationnelle gr�ce au discours, lequel poss�de un pouvoir qui lui est propre, celui de changer la force en droit et l�ob�issance en devoir et c�est cette derni�re qui cr�erait l�illusion de rationalit� propre � l�id�ologie : en donnant aux individus le sentiment de raisonner, elle leur �te la libert� de penser par eux-m�mes.�
Christian Baylon
I- Postures �pist�miques
La question linguistique, autant que les th�ories mobilis�es pour l�appr�hender, proc�de souvent d�une contamination id�ologique en raison des enjeux importants qui sont assign�s � la question sociolinguistique dans le Maghreb. La n�cessit� d�une remise en ordre g�n�ral des �tudes, des th�ories et des postures intellectuelles autant que des politiques nous semble aller de soi. Ni le particularisme berb�riste ni le transnationalisme arabo-islamique mythique ne peuvent �tre en ad�quation avec la r�alit� plurielle de l�Alg�rie et du Maghreb. Et si les concepts de domination, de minoration, de diglossie ou de conflit linguistique ne sont pas ad�quats pour la description de la r�alit� sociolinguistique alg�rienne, de nouvelles approches sociolinguistiques � l��chelle macrosociologique doivent voir le jour. Cette introduction critique des pratiques universitaires quant aux savoirs sur la soci�t� en Alg�rie nous permet de mettre en perspective nos propres choix �pist�mologiques consistant fondamentalement en une vision int�grative du plurilinguisme alg�rien qui vit en coexistence pacifique, une sorte de dialectique de l�un et du multiple (v. A. Dourai, 2002 ; 1996). Cette vision sera soutenue par l��clairage qu�apporteront des �tudes portant sur les pratiques r�elles des locuteurs plurilingues en Alg�rie et qui vont dans le m�me sens que les constats �tablis par Dalila Morsly, M.-L. Maougal, Khaoula Taleb Al- Ibrahimi et Yasmina Cherrad (maid�cembre 2002) ; Kebbas G., 2001, Chachou Ibtissem, 2001/2002. Le lien entre une politique linguistique, le choix d�une langue pour les institutions et les repr�sentations identitaires n�a pas besoin d��tre d�montr�. Ridha Salhi, de l�universit� de Manouba, Tunisie, d�clare : �There is a widespread belief that language is one of the key components of national identity and a strong indicator of group membership. In multilingual contexts, language policies (whether explicit or implicit) often reflect a power relationship and serve a particular ideology� (Salhi R., 2001). Le rapport langue/pouvoir est clairement soulign� et le lien postul� � l�identit� nationale et les repr�sentations, qui �ventuellement la sous-tendent, est mis en relief pour mieux saisir les tenants et les aboutissants des politiques linguistiques des pays du Maghreb qui ont fait de l�appartenance arabo-islamique mythique et transnationale un principe de vie et de gouvernance. Mohammed El-Medlaoui (El- Medlaoui M., 2001) note, pour le cas du Maroc, que l�atelier n�3 intitul� sciences du langage et de la communication, tenu le 14/04/2001 dans le cadre de la rencontre nationale �Recherche scientifique et d�veloppement� organis�e � Rabat par le minist�re de l�Enseignement sup�rieur et le secr�tariat d�Etat pour la Recherche scientifique a relev� un constat important quant � la politique de recherche marocaine dans le domaine des sciences du langage et du plurilinguisme : �Le constat stigmatise un d�ficit d�int�r�t au Maroc pour les aspects sociologiques des sciences du langage en comparaison de l�int�r�t pour la linguistique proprement dite.� On le voit bien, dans les pays du Maghreb, partout on est face � la m�me pratique et la gestion de ce domaine est soumise aux caprices des gestionnaires du �linguistiquement correct� et du �linguistiquement dicible�. L�int�r�t port� aux structures de la langue exclusivement (i.e. la linguistique interne) permet, en focalisant l�int�r�t sur la combinatoire linguistique, de garder impens�s les liens entre la (les) langue(s) et la soci�t� � questions qui sont susceptibles de mettre en crise le discours d�r�alis� du pouvoir et d�une certaine opposition. Mohammed Arkoun (Arkoun M., 1984 : 9) apr�s avoir constat� que les �les d�partements de litt�rature arabe ne laissent aucune place � la �philosophie�� apr�s �l��clatement de la raison et des savoirs� qui s�est impos� dans le syst�me scolaire et universitaire dans les pays musulmans�, nous �claire davantage � ce sujet quand il dit (Arkoun M., 1984 : 308) : �Le travesti : la critique de la connaissance d�clench�e par la psychanalyse et la philosophie du langage, notamment, a montr� comment la pens�e transpose le r�el dans ce qu�on pourrait appeler une logosph�re. Celle-ci est le lieu de projection, d��laboration, de transmission des repr�sentations mythiques, des imageries scientifiques, des syst�mes conceptuels qui travestissent, � des degr�s divers, le donn� positif. C�est ainsi que sont constitu�s tous les discours mythologiques et id�ologiques que la pens�e positive s�attache, aujourd�hui, � d�construire pour acc�der au donn� demeur� impens�.� C�est dans ce contexte intellectuel que l�on mesure la pertinence du point de vue de K. Taleb Al Ibrahimi, sociolinguiste, quand elle affirme : �La notion de pratiques langagi�res marque une �volution dans la description linguistique et sociolinguistique car il ne s�agit plus uniquement d�analyser les r�gles internes au syst�me linguistique qui organisent la comp�tence d�un locuteur id�al (�) ou de d�crire les r�gularit�s structurales d�un corpus ferm� de donn�es (�), mais de s�int�resser � la diversit� des locuteurs, � la diversit� de leurs conduites�. Elle ajoute : �L��tude des pratiques langagi�res permet de rassembler une somme d�informations et de renseignements sur la r�alit� sociolinguistique d�une soci�t� donn�e, en ce sens elles font partie d�un ensemble plus important qui englobe toutes les pratiques humaines� (Taleb Al- Ibrahimi K., 1995 : 120). Maintenant que la probl�matique a �t� rendue plus claire, il s�agit d�essayer de comprendre les soubassements de l�attitude de d�ni de r�alit� des pouvoirs publics dans les pays du Maghreb et de certaines �lites intellectuelles. Il semble que la lutte contre la mise � disposition du savoir sociologique et macro-sociolinguistique sur ces questions vise � autoriser le discours id�ologique le plus d�r�alis� sur la (les) langue (s), l�identit� et la culture � surd�terminer la pens�e rationnelle et les comportements subs�quents. On continue de penser qu�il est possible de couler les gens, singletons math�matiques, dans le moule id�ologique dominant fabriqu� par les �lites au pouvoir. Parler de r�alit� et de pratiques effectives devient probl�matique de ce point de vue. Un tel discours scientifique passe pour �tre suspect puisqu�il sugg�re que les �lites au pouvoir doivent rendre compte de leur gouvernance, de la place du savoir et du pouvoir (A. Dourari, 2003 (b)), et � admettre un mode de gouvernance moderne : g�rer rationnellement � partir de ce qu�il y a en respectant le citoyen, son avoir �t�, son �tre et son vouloir �tre. La question linguistique �tant un grand enjeu de soci�t� en Alg�rie, il convient de relever que certains linguistes alg�riens, dont l�essentiel de l�activit� sert � l�gitimer les th�ses du pouvoir (tunisiens et marocains aussi), y compris (ou surtout) ceux exer�ant dans le domaine du berb�re, combattent avec hargne toute approche des langues parl�es en Alg�rie qui les mettrait en relation avec des questionnements sur la soci�t�, l�homme et l�histoire. La politique de recherche du c�l�bre ex-Institut de linguistique et de phon�tique de l�universit� d�Alger (ferm� en 1985) dont le concept phare est �la technologie du langage� n�admettait que les travaux sur �l�arabe standard�, car les dialectes autant que les pratiques langagi�res effectives sont d�clar�s impensables� Le d�partement de berb�re de l�universit� de Tizi-Ouzou avait interdit des th�ses sur la soci�t� et la culture ou des th�mes g�n�raux comme la philosophie du langage� La question du recueil de corpus oraux des pratiques linguistiques amazighes actuelles est tout aussi �lud�e par les berb�risants.
1- Tamazight et le domaine formel
Dalila Morsly affirme que le tamazight n�a jamais, depuis la p�riode punique (-300 J.-C.), �t� utilis� dans le domaine formel. Ce fut le punique du temps de Massinissa, le latin durant la p�riode romaine, le fran�ais durant la p�riode fran�aise et enfin l�arabe scolaire durant la p�riode d�ind�pendance (Morsly Dalila, 1996). C�est aussi le point de vue du sociologue alg�rien Mostefa Lacheraf (Lacheraf M., 1998). Le tamazight est toujours vivant et vivace. Soutenir apr�s cela que le tamazight est une langue minor�e et menac�e (noter le singulier et le passif), dans l�absolu et non pas subs�quemment � une situation sociologique et historique et � une politique linguistique de l�Etat ind�pendant, pr�suppose :
a- l�unicit� du tamazight
b- que le tamazight est dans une position de victime
c- qu�un actant aurait d�lib�r�ment d�cid� d�en faire ainsi
Il faut rappeler que cette situation (polynomie du tamazight et son exclusion du domaine formel) est le r�sultat d�une histoire et d�une dynamique sociologique o� aucun actant responsable, fut-il un individu ou un Etat, n�est identifiable hormis durant la p�riode d�ind�pendance que les promoteurs de la micro- sociolinguistique prennent bien soin de voiler en p�rorant doctement sur la sp�cificit� du phon�me [�] dans la prononciation kabyle. Pr�senter le tamazight comme la victime de l�arabe scolaire et de son expansion est encore une entorse au bon sens car il faut noter que cet arabe en particulier, circonscrit au domaine formel, ne s�oppose pas au tamazight, circonscrit au domaine personnel et quotidien dans les zones tamazightophones. Les Alg�riens ne parlent pas en arabe scolaire qui n�est aujourd�hui la langue maternelle de personne dans le monde arabe. K. Taleb Al-Ibrahimi affirme dans son enqu�te que : �L�usage de l�A.S. (arabe standard) s�amenuise au fur et � mesure que l�on s��loigne des contextes formels, que l�on se rapproche des situations informelles � (Op. Cit. p 122). Les d�cisions politiques en la mati�re y sont impuissantes comme l�a constat� Yasmina Cherrad, autre sociolinguiste alg�rien de l�universit� de Constantine (cit� supra) : �Malgr� les nombreuses d�cisions et textes officiels rendant obligatoire l�utilisation exclusive de l�arabe standard moderne, les Alg�riens dans leurs pratiques quotidiennes agissent autrement. Devant cette r�alit� r�fractaire, les autorit�s, par l�ordonnance de 1996, durcissent leur position en mena�ant d�amendes et m�me de prison les contrevenants. Ces dispositions ne changent les habitudes ni des sujets parlants ni m�me des institutions qui ne se plient pas � la loi�� On peut �videmment ergoter sur la notion d�arabe standard moderne, si ch�re aux sociolinguistes anglophones, tant les instruments de standardisation n�existent toujours pas pour cette vari�t� : ni dictionnaire de r�f�rence commun et actualis�, ni grammaire moderne unifi�e� Un autre sp�cialiste du Maghreb, Gilbert Grandguillaume (Grand-guillaume, 2006) affirme : �Les langues quotidiennement parl�es au Maghreb ne sont pas �crites, mais exclusivement orales : elles sont des vari�t�s r�gionales, soit arabes soit berb�res. Elles sont mises en opposition, principalement les parlers arabes, avec une langue essentiellement �crite (ou limit�e oralement � des usages savants ou religieux), dite arabe classique ou litt�raire. Cette opposition est universelle dans le monde arabe�. Il ajoute, dans une mise en rapport du processus d�unification linguistique propre � la France et celui projet� dans les pays du Maghreb : �Il faut reconna�tre que dans la lutte du fran�ais contre les �patois�, la langue dominante a trouv� la complicit� de �la promotion sociale� qui s�attachait � l�abandon de la langue r�gionale. Il n�y a pas de ph�nom�ne analogue en ce qui concerne les pays du Maghreb [�] D�autre part, les langues parl�es sont l�objet d�un attachement renouvel�. C�est le cas du berb�re (Chaker S., 1993), mais aussi des parlers arabes [�] Ces parlers sont m�me �v�hicules de la modernit� (Benrabah, 1993) et assument une sorte de conscience identitaire.� En effet, il ne faut pas oublier que l�alg�rien (la langue maternelle des Alg�riens, semblable � celui que parlent la plupart des Maghr�bins) a �t� utilis� dans la cr�ation artistique notamment le th��tre de Kateb Yacine et de Alloula Abdelkader pour ne citer que ces deux piliers de la culture alg�rienne. Tout le monde sait l�influence qu�a la chanson cha�bi, et ra�, chant�e exclusivement en alg�rien. Le fait est l� : la r�alit� sociolinguistique de la soci�t� alg�rienne r�siste aux mystifications th�oriques et toutes les politiques explicites et implicites men�es par un courant id�ologique de l�int�rieur m�me de l�Etat et avec ses moyens. Tamazight, langue polynomique, n�est pas utilis� dans le domaine formel, autant que l�arabe alg�rien. Mais l�arabe scolaire n�est pas non plus utilis� dans le domaine personnel.
2- Situation sociolinguistique de l�Alg�rie : histoire et pr�sent
En Alg�rie il existe un v�ritable malaise linguistique et identitaire. Les �tudes sur ce ph�nom�ne ne sont pas nombreuses. Nous en citerons, � titre d�exemple, les travaux de : N. Toualbi, 2000 ; K. Taleb Al-Ibrahimi, 1995 ; D. Morsly, 1996 ; M. L. Maougal, 2000 ; Abdou El-Imam, 2000 ; Abderrezak Dourari (2003-b)) ; 2002 ; et 2011 ; Benrabah Mohammed, 1999. L�Alg�rie historique, (vs. celle officielle des mythes panarabes) a toujours �t� un pays plurilingue. Il est difficile d�imaginer un pays aussi grand que le Maghreb (de la fronti�re �gypto- libyenne jusqu�aux Iles Canaries, puis au sud, le Mali, le Niger, et la Mauritanie) avec des groupes humains vivants aux quatre coins, qui parlerait en d�pit de cela une langue unique � une �poque o� les moyens de communication �taient rudimentaires ! L�amazighit� originelle de cet espace n�est pas contest�e mais est rarement prise en compte dans les discours et les d�cisions officiels. La diversit� des vari�t�s de tamazight sur cet espace commence � �tre accept�e comme un fait socio-historique et sociolinguistique normal y compris par les militants pro-berb�res. La langue arabe classique (celle du Coran, des c�r�monies religieuses formelles et de la litt�rature savante) a fait sa p�n�tration dans cet espace tr�s t�t chez certaines �lites citadines sans qu�elle se r�pande dans la soci�t�. La conqu�te arabe sous couvert de l�islam n�a pu r�ussir qu�� la deuxi�me tentative (VIIIe si�cle) mais les Arabes ne s�y install�rent pas en Afrique du Nord et laiss�rent la gestion de leurs int�r�ts � leurs clients berb�res. La venue des Banu Hil�l, puis des Banu Soleim et des Banu Ma�qil, qui a eu lieu bien apr�s (XIe si�cle), n�a pas grand-chose � avoir avec l�islam. C�est en raison de leur turbulence dans le califat fatimide, instaur� gr�ce aux Berb�res qui partirent de Bougie et fondirent le califat fatimide et sa capitale le Caire, que les Fatimides s�en d�barrass�rent et les envoy�rent punir les Berb�res qui avaient pris leur distance vis-�-vis du califat du Caire. Ils s�install�rent au Maghreb en nombre si peu r�duit (des dizaines de milliers selon Camps, (1996, p 56) qu�ils n�ont pas pu bouleverser la d�mographie autochtone. Leur langue s�est r�pandue dans ce m�me espace d�s le XIIIe si�cle pour des raisons sociologiques et sociolinguistiques (G. Camps, cit� supra ; W. Mar�ais, 1956). Camps nous dit que �cet arabe maghr�bin est issu de la langue b�douine introduite au XIe si�cle par les tribus hilaliennes, car ce sont elles, en effet, qui ont v�ritablement arabis� une grande partie des Berb�res�, p56). Nous savons que cette hypoth�se est nuanc�e par Abdou El- Imam qui pense que cet arabe maghr�bin vient du punique (v. Abdou El-Imam, 2003). S�il n�est pas logique d�exclure la trop forte influence de l�arabe hilalien, on ne peut pas non plus exclure l�influence du punique et du berb�re � langues d�j� enracin�es dans la soci�t� de l��poque et qui plus est sont de la m�me famille linguistique. La pr�sence de traces importantes dans l�arabe maghr�bin d�aujourd�hui l�atteste (v. Abdou El-Imam, cit� supra). Une telle situation de bouleversement linguistique est un peu rare : Camps l�a soulign�e fortement en disant : �C�est une �trange� et assez merveilleuse histoire que cette transformation ethnosociologique d�une population de plusieurs millions de Berb�res par quelques dizaines de milliers de B�douins.� (Ibid). Et plus loin : �Les apports successifs des Beni Soleim, puis des M�qil, qui s��tablirent dans le Sahara marocain, ne port�rent pas � plus de cent mille les individus de sang arabe qui p�n�tr�rent en Afrique du Nord au XIe si�cle� (p57). Notre hypoth�se est que la diff�renciation des vari�t�s de tamazight, parl�es � l��poque, rendait ardue la communication et les transactions entre les locuteurs natifs. Une langue commune v�hiculaire s�imposait. Choisir une parmi les vari�t�s de tamazight n��tait pas le choix idoine du fait de l�inexistence d�une force centralisatrice qui aurait r�alis� une planification linguistique, mais aussi en raison du fait que cela aurait suscit� des antagonismes comme la jalousie des cousins par rapport � celui dont la vari�t� est retenue comme langue commune, car une symbolique est attach�e � la position sociale et politique du d�tenteur de la norme. Cette situation a pu pousser d�une certaine mani�re au choix intuitif de l�arabe hilalien qui offrait bien des avantages (lingua franca) dont la parent� linguistique avec tamazight et le punique n�est pas des moindres. Ajoutons � cela le fait que ses locuteurs partageaient le m�me mode vie (b�douinisme, razzias�) que les Berb�res de l��poque et que les Touareg continuaient � pratiquer il y a de cela tr�s peu (on se rappellera les �v�nements du Niger et du Mali dans les ann�es 90). Le fran�ais et l�espagnol ont p�n�tr� aussi pour des raisons de colonisation. La langue des Banu Hilal, des Soleims et des Ma�qil, m�l�e au berb�re et au punique d�j� l�, a donn� l�alg�rien ou le maghr�bin (v. Abdu Al-Imam, cit� supra) que parle une tr�s grande majorit� des locuteurs du Maghreb. Cette langue, produit devenu autochtone par le fait des diverses interp�n�trations avec les vari�t�s de tamazight locales et de l�histoire ancienne de sa naissance, a �t� et est toujours un facteur d�unification et d�identification de ces populations. L�arabe scolaire (d�riv� moderne de l�arabe classique jadis utilis� dans le domaine formel arabe ancien comme la liturgie, la grammaire, la litt�rature�) et le fran�ais sont devenus pour des raisons historiques et symboliques des langues du domaine formel. La langue fran�aise a �t� utilis�e en Alg�rie durant toute la pr�sence coloniale fran�aise et a continu� au-del� de l�ind�pendance. Des auteurs alg�riens dans cette langue ont connu la c�l�brit� � l�image de Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Jean El-Mouhoub Amrouche, Mostefa Lacheraf� Tahar Djaout, Assia Djebbar, Yasmina Khadra, Amin Zaoui� L�essentiel de l��lite alg�rienne qui a combattu la France coloniale �tait francophone, (m�me les Oul�mas musulmans avaient des publications en fran�ais) et les textes de la R�volution alg�rienne (comme la D�claration de 1er novembre 1954 et la plateforme de la Soummam, documents fondateurs de r�f�rence pour les Alg�riens) �taient r�dig�s en fran�ais. Les m�moires des anciens combattants alg�riens cadres de la r�volution sont aujourd�hui publi�s en fran�ais. Il a fallu attendre les ann�es 1970 pour que la politique d�arabisation commence � remettre en question, au plan l�gal, le statut dominant de la langue fran�aise dans la soci�t� alg�rienne. Aujourd�hui on conna�t beaucoup d�auteurs, arabisants � l�origine, se convertir au fran�ais comme Mohammed Sari, Waciny Laredj� en raison de la faiblesse du lectorat en langue arabe scolaire et de la faiblesse des r�seaux de diffusion mondiale. Toute situation linguistique n�est que la photographie d�un moment de l�histoire et ne peut pr�tendre � l��ternit�.
II- La politique linguistique de l�Etat alg�rien par les textes : entre confusion identitaire et obsession de distinction du colonisateur
Y a-t-il une politique linguistique explicite et assum�e de l�Etat alg�rien ind�pendant ? Toutes les constitutions alg�riennes ont insist� sur le statut de la langue arabe scolaire comme langue nationale et officielle de l�Etat alg�rien. Seule la Constitution remani�e de 2002 introduit un changement important en proclamant �tamazight est �galement langue nationale� mais pas officielle. Au regard de la pluralit� des langues en usage en Alg�rie, on ne peut dire qu�il y a l� une politique linguistique explicitement formalis�e dans la mesure o� est �lud�e la r�f�rence aux autres langues notamment le fran�ais et l�arabe alg�rien. La loi d�orientation sur l��ducation nationale (n�08-04 du 23/01/2008) qui d�finit les langues enseign�es � l��cole y compris les langues �trang�res, oblit�re l�arabe alg�rien et entretient la confusion en parlant de �la langue arabe� sans qualificatif (ce qui sugg�re l�identit� de l�alg�rien et de l�arabe scolaire institutionnel).
A. D.
(� suivre)
* Professeur des sciences du langage, Universit� d�Alger 2, directeur du CNPLET*/MEN/ Alg�rie.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.