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CONSULTATIONS AUTOUR DE LA REVISION DE LA CONSTITUTION
Lettre de Ali Haroun à Ouyahia
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 06 - 2014


Monsieur le Ministre d'Etat,
Vous m'avez fait l'honneur de me transmettre des documents relatifs au projet d'une révision consensuelle de la Constitution et me demander mon opinion. En relisant le texte de ma déclaration à l'«instance de consultations en vue des réformes politiques» dite «Commission Bensalah», il me paraît que la plupart des observations formulées dans ce texte du 14 juin 2011 toujours d'actualité, n'ont retenu aucune attention.
Depuis l'Assemblée constituante à laquelle j'ai participé en 1963 comme député d'Alger et membre de la commission de rédaction du projet de Constitution, nos propositions ont toujours été méconnues. Le pouvoir du moment s'est appuyé sur les éternels laudateurs opportunistes, pour imposer la loi fondamentale de son choix. Aussi je vous avoue avoir tout d'abord hésité à rédiger ce texte et à vous en donner la primeur. Mais à la réflexion et comme je l'écrivais à la Commission Bensalah il y a exactement trois années : «En conscience, j'ai toujours cru indispensable de répondre à l'appel de la patrie lorsqu'elle le réclamait et à l'invitation du pouvoir politique, lorsque ma modeste contribution pouvait présenter quelqu'utilité...»
Cependant je me sens troublé sur le sens de la démarche proposée car je m'interroge sur la manière de procéder retenue pour ces consultations et la suite qui leur sera donnée.
Vous pouvez être certain Monsieur le Ministre d'Etat que je m'exprime du fond du cœur dans un souci de vérité indépendant de toute influence. Le message que les hommes de notre génération en fin de parcours auront à transmettre à la postérité, devrait s'inspirer de deux principes fondamentaux : ne rien dire de FAUX mais oser dire ce qui est VRAI. S'adressant à ses compagnons, Aboubakr, premier calife successeur du Prophète, leur déclara : «Dire la vérité au dépositaire du pouvoir est un acte de dévouement, la lui cacher est une trahison...»
Lors de notre discussion téléphonique vous m'avez confirmé que dans le respect des composantes fondamentales de la nation, il n'y avait aucun tabou qui m'interdirait d'exprimer ma pensée. Aussi comprendrez-vous que l'opinion ici exprimée ne sera pas unanimement partagée.
Par ailleurs, dans votre lettre du 13 mai écoulé, vous précisiez que les suggestions des experts de la présidence sont faites à titre indicatif et «que le chantier de révision constitutionnelle ne fait l'objet d'aucune limite préalable, hormis celles relatives aux constantes nationales ainsi qu'aux valeurs et principes fondateurs de notre société». C'est bien dans cet état d'esprit que je m'adresse, dans le respect de ce que je crois être la vérité, à Monsieur le Ministre d'Etat chargé du projet de révision constitutionnelle.
Il eût été à mon sens plus crédible et plus conforme aux principes d'une démocratie de base, qu'une instance aussi représentative que possible, incluant les représentants de l'opposition, fût chargée de dégager, synthétiser et formuler les propositions d'amendement, en vue de la révision constitutionnelle projetée.
Quoi qu'il en soit, et pour nous permettre d'espérer que nos efforts antérieurs n'auront pas été totalement vains, la présente note inspirée de celle du 14 juin 2011, s'articule sur 4 points : a) les maux dont souffrent nos lois ; b) un rappel sommaire de nos Constitutions et leurs insuffisances ; c) la volonté populaire méconnue et parfois trahie ; d) un examen critique des principaux articles de la Constitution en vigueur et des amendements proposés.
1. Les maux dont souffrent nos lois
Si le chef de l'Etat, président de la République et premier magistrat prescrit des «réformes politiques cruciales et déterminantes» pour l'avenir, l'on en déduit implicitement qu'il cherche à remédier aux maux dont souffre le pays. Mais on ne peut proposer de traitement efficace qu'après un examen objectif et approfondi du patient. Pas de thérapeutique efficiente sans diagnostic préalable et sérieux. Un demi-siècle s'est écoulé depuis sa naissance, et jusqu'à ce jour, l'Algérie est malade de ses rapports entre le peuple et le pouvoir, le gouverné et ses gouvernants, l'administration et ses administrés. Il n'y a pas lieu certes de remonter le cours de l'Histoire, ni de rappeler à une Algérie adulte, ses maladies infantiles de l'indépendance. Cependant, depuis 1962, un fil conducteur relie tous les dysfonctionnements qui entravent notre évolution vers un Etat de droit. Il faut absolument l'identifier pour le trancher, si l'on veut vivre sur la base d'un réel consensus émanant de la volonté nationale et non d'un scrutin manipulé, trituré, falsifié, comme il l'a été par les pouvoirs successifs qui ont géré le pays. C'est pourquoi l'amendement primordial serait d'assurer la sincérité du vote dès le préambule et la sanction de la fraude dès les premiers articles de la Constitution.
Les réformes politiques projetées auraient pour but de remédier aux insuffisances de la loi fondamentale et des lois organiques. Or, si la Constitution et les textes subséquents avaient été librement débattus, régulièrement votés puis loyalement appliqués, les réformes à répétition ne s'imposaient guère. L'on sait que les lois ne valent que par les hommes qui les appliquent et celles qui nous régissent n'ont été, ni élaborées par un législateur crédible, ni loyalement appliquées, mais au contraire, souvent dévoyées et parfois trahies.
2. Rappel sommaire de nos Constitutions.
a) La première Constitution, celle de septembre 1963, ne fut ni rédigée par l'Assemblée constituante, ni librement discutée. La «Commission de rédaction du projet de Constitution», investie par l'Assemblée plénière, fut poussée à perdre son temps en discussions byzantines, pour permettre à notre premier président de la République de faire adopter, dans un cinéma de la ville (sic), un projet de Constitution que, bien entendu, l'Assemblée constituante choisie dans sa grande majorité par lui-même, allait entériner. Telle fut la première Constitution qui devait régir l'Algérie. Pour l'honneur du pays, une vingtaine de députés osèrent s'opposer par vote à main levée en dénonçant ce «costume sur mesure» taillé pour faire du Président un despote. Texte apparemment légal dans sa forme mais totalement contraire à la volonté nationale bâillonnée, la Constitution ne dura guère plus de 21 mois. Après quoi, les plus fidèles soutiens du Président qui le hissèrent au sommet, allaient le destituer et l'emprisonner, sous l'accusation de «tyrannie». La justification du coup d'Etat devait être fournie par un «livre blanc» dont on promettait la publication imminente. Ce livre n'a jamais paru et le Président demeura emprisonné sans jugement pendant 14 années.
b) Après le 19 juin 1965, le second chef d'Etat limoge l'Assemblée nationale et renvoie les députés dans leurs foyers. Il suspend la Constitution pendant une dizaine d'années et va gérer le pays par voie d'ordonnances. Un Conseil de la Révolution nommé puis «épuré» par lui, constituait un organe de façade, incapable de discuter et encore moins de s'opposer à la volonté du colonel-chef-d'Etat.
c) La Constitution de Novembre 1978
Inspirée de la Charte du 27 juin 1976 établie par le parti unique sous le contrôle vigilant et sourcilleux du chef de l'Etat, la Constitution qui optait pour un socialisme irréversible ̶ pour ne pas commettre l'hérésie de le déclarer éternel ̶ fut votée le 19 novembre 1976 au score de 99,18 % des suffrages exprimés ! Et dans la foulée, le chef du Conseil de la Révolution se faisait élire président de la République le 11 décembre 1976 avec un meilleur score : 99,38 % des voix !... Nous verrons plus loin comment qualifier ces scrutins manifestement fallacieux.
d) La Constitution de novembre 1989
Intervenant après les révoltes d'Octobre 1988, elle allait abroger l'option irréversible du socialisme proclamé par la Constitution précédente, mettre un terme au parti unique et ouvrir les perspectives tant attendues du pluralisme politique qui, en réalité, est demeuré balbutiant.
e) La Constitution de décembre 1996
Confirmant les timides avancées démocratiques, elle a eu le mérite remarquable de mettre un terme au pouvoir à vie du président de la République et d'instaurer l'alternance en limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Faisant exception à toutes les insuffisances et critiques adressées à nos Constitutions, il est à noter que le principe de l'alternance, ainsi que la condamnation de l'accès ou du maintien au pouvoir par la violence, avaient été proclamés lors des discussions de l'été 1993. A la fin de sa mission, le Haut Comité d'Etat a respecté le principe. C'est dans la paix et la sérénité que le pouvoir fut, pour la première fois, transmis par le HCE au Président Zeroual, comme il l'a lui-même retransmis au Président Bouteflika, en 1999.
f) L'amendement de la Constitution du 12 novembre 2008
Il a constitué - nous le verrons ci-après - une violation grave du principe de l'alternance au pouvoir, en permettant la réélection indéfinie du Président en exercice, aboutissant en fait à la présidence à vie. Ce qui pratiquement confiait à la République les attributs de la monarchie.
Aussi depuis l'indépendance, nos Constitutions ont-elles subi injures et dévoiements, si ce n'est violations et outrages.
3. La volonté populaire méconnue
Comme nous l'avons vu, les scores dans notre pays ne traduisent guère la réalité du scrutin. Les relations Etat-citoyen furent dès 1962 des rapports de force et non de droit. Par le biais de l'administration à ses ordres et de la présence inéluctable de l'officier de la Sécurité militaire dans chaque bureau de vote, le pouvoir du moment dirige en fait l'opération électorale, en faisant usage de la violence d'Etat dont il dispose légalement. Il faut rappeler que les vainqueurs des combats fratricides de l'été 1962 n'ayant pu dominer leur victoire, ils ont établi leur pouvoir sur les lauriers de leur succès. En définitive, le pouvoir initial s'est imposé par la force des armes, ce que l'on oublie aujourd'hui après cinquante-deux années d'indépendance. Cette violence suscita l'inhibition du peuple, puis la crainte et parfois la peur. Aussi pour préserver sa tranquillité s'inclinait-il sous le joug de l'Etat-parti et de ses services de sécurité.
Par la suite, cette violence de l'Etat – ou plus exactement du système instauré depuis 1962 – s'est manifestée de façon non apparente mais réelle lors des différents scrutins. Dans un premier stade – celui de Ben Bella, Boumediène, Chadli – le prétendant au poste suprême étant seul candidat et le résultat acquis d'avance, aucune violence n'était nécessaire. Il n'était presque pas besoin de bourrer les urnes. Il suffisait d'en triturer les résultats, pour montrer, par des scores frisant les 100 %, combien l'heureux élu était adulé par ses électeurs. Par la suite, avec l'accès au pluralisme, il demeurait encore, entre les mains de l'administration à la solde du pouvoir, la faculté de manipuler les scrutins, pour distribuer à ses affidés les sièges promis à l'avance.
Il ne s'agit pas ici de critiques gratuites ou injustes, d'amertume ou de dépit. Sinon comment croire que notre premier Président de la République ait été élu avec 99,61% de voix favorables, le deuxième avec 99, 38% et le troisième avec 98,91% lors de son ... 3e mandat ? Ces scores staliniens n'ont jamais rien traduit d'autre, que le résultat de l'indifférence du peuple, face au magouillage du pouvoir, ou de la peur face aux services de sécurité. Ils n'ont certainement pu exprimer la réelle opinion de l'électeur, trahi par cette évidente falsification. Au-delà des campagnes présidentielles, ce mode opératoire fut également pratiqué lors des élections législatives et locales, où le système des «quotas» a permis aux manipulateurs de répartir les sièges à leur convenance au mépris de la volonté de l'électorat.
Aussi l'objectif primordial de la révision constitutionnelle initiée par Monsieur le Président de la République serait d'exclure définitivement ces pratiques néfastes de nos mœurs électorales, ce qui, malheureusement, n'est même pas visé par les «propositions d'amendement» transmises à vos interlocuteurs.
4. Examen critique des textes et amendements proposés
Le préambule.
a) Le paragraphe 6 :
Ajouter au paragraphe 6 l'expression «peuple algérien», ce qui paraît à première vue correct n'est cependant pas anodin, car les conséquences de cet ajout seraient non maîtrisables et historiquement inacceptables. Le texte actuel dispose : « ...le Front de libération nationale restaure enfin, dans toute sa plénitude, un Etat moderne et souverain» et l'amendement proposé stipule :
« ...sous la conduite du Front de libération nationale, le peuple algérien restaure enfin...». Quoique non apparente, la différence est de taille. Affirmer que le peuple algérien dans sa totalité et sans exclusive «a restauré... un Etat moderne» est contraire à la vérité historique. Les Algériens indifférents à la lutte de Libération, les «administratifs» «agents du colonialisme français», les harkis, les membres des «Comités de salut public» et de certains partis politiques qui ont refusé de se placer «sous la conduite du FLN» et l'ont même combattu les armes à la main, ... faisaient tous partie du peuple algérien et s'exprimaient comme tels. Ont-ils «restauré dans toute sa plénitude un Etat souverain ? On voit dès lors la visée lointaine de la proposition d'amendement qui ne concernera en fait qu'un parti déterminé. Dès lors, la question doit être posée, débattue en toute clarté et soumise à la ratification de l'opinion nationale.
b) Le paragraphe supplémentaire : la «réconciliation nationale»
Elever la «réconciliation nationale» au stade de valeur et constante de notre Etat au même titre que l'Islam, l'arabité et l'amazighité est tout d'abord contraire au concept d'unité admis par l'ensemble du peuple algérien, car elle laisserait supposer que cette unité serait fragile, menacée en permanence, alors que ceux à qui cette «réconciliation» profiterait n'ont pas, et de loin, visé la division de la nation mais son maintien comme Etat théocratique, après destruction de l'Etat démocratique annoncé dans l'appel du 1er Novembre 1954. En faire une valeur, une constante comme les trois autres et l'inscrire sur le marbre de la Constitution, loi fondamentale qui exprime les options profondes et pérennes du peuple, suppose que l'on veuille se prémunir contre un probable avenir de non-conciliations et de discordes. De plus, si cette réconciliation est «nationale» qui inclure et qui exclure ? Qui en bénéficiera et qui en serait indigne ? Sur quels critères ?
Par ailleurs, si cette «réconciliation» est constitutionnalisée, ce serait pour assurer davantage les bénéficiaires de grâce et d'amnistie. Or, ils sont déjà protégés par les articles 77 (9°) et 122 (7°). Mais si elle vise le but politique de recherche d'un certain électorat, elle ne saurait prospérer au détriment des victimes des atrocités du terrorisme durant la «décennie noire». Cette réconciliation nationale toujours contestée par les ayants droit des morts et des blessés de cette décennie, aurait sans doute été acceptée par tous, si comme dans d'autres pays, l'on avait répondu au vœu général : justice d'abord, clémence ensuite.
Autant de questions et d'interrogations qui s'opposent formellement à l'adjonction de ce nouveau paragraphe au préambule de la Constitution.
Article 1. – L'Algérie est une République démocratique et populaire.
Cette affirmation n'est plus d'actualité même dans les pays du monde socialiste où l'on sait quelle fut la triste fin des «démocraties populaires». Quant à nous, et pour être francs envers nous-mêmes, l'Algérie depuis son indépendance n'a été ni une république au sens propre du terme, ni une démocratie dans les relations Etat-citoyen. La «res publica» est «la chose de tous». Elle exprime un consensus général. Or, notre premier chef d'Etat, excluant la plupart des grands acteurs du FLN authentique et de la libération nationale, s'est imposé par une Assemblée aux trois quarts choisie par lui. Il devait sa primauté sur l'ensemble de ces «grands», essentiellement au soutien de l'état-major de l'Armée des frontières, qui mettait à sa disposition ses bataillons disciplinés. Ainsi après des combats meurtriers, le consensus est rompu mais s'instaure enfin le premier Etat algérien... sur la force.
Dès lors, de septembre 1962 au 19 juin 1965, l'Algérie est une «autocratie populiste» mais certainement pas une république. De 1965 à 1978, le système est initié puis dirigé par une «oligarchie militaire» qui s'oriente vers la dictature de celui qui aura épuré le groupe. Après le décès de ce deuxième chef d'Etat, le troisième, encore choisi par un nombre restreint d'officiers supérieurs, n'avait guère l'obligation de solliciter les voix des citoyens, puisqu'il était candidat unique à la présidence. Si l'élection du Président Liamine Zeroual a fait à peu près exception aux néfastes habitudes ancrées dans le système, la manipulation du scrutin s'est poursuivie puisque le Président Bouteflika dans son discours du 11 juin 2011 à Sétif, souhaite que l'on mette un terme aux «élections à la Naegelen», ce qui suppose que l'on y procédait jusqu'à cette date, donc y compris ses propres élections antérieures.
Après ces observations, il serait peu crédible et au surplus obsolète, de maintenir l'article 1er de la Constitution dans sa version actuelle. « L'Algérie est une république une et indivisible» exprimerait davantage et plus précisément la volonté du peuple et la réalité de notre Etat.
Article 2. - L'Islam est la religion de l'Etat
Abrités derrière l'article 2 «l'Islam religion de l'Etat», certains, par une interprétation dogmatique littérale et sectaire du texte, ont pu exploiter notre religion commune, à des fins politiques exclusives, dans le but avoué d'accéder au pouvoir pour substituer à la République «impie» l'Etat théocratique de leur choix. Ainsi, les partisans de cette distorsion de l'article 2 ont été à l'origine de l'une des plus effroyables périodes de notre Histoire. Le terrorisme de la «décennie rouge» qui entraîna la mort de dizaines de milliers de nos compatriotes et des ravages incalculables dans les corps, les consciences et les biens, traîne encore des «effets résiduels» qui n'en finissent pas de finir, tout en provoquant quotidiennement au sein de notre armée et nos services de sécurité, d'incessantes pertes en vies humaines.
Aussi une interprétation claire de l'article 2 et sa traduction incontournable par la loi fondamentale, doivent-elles affirmer le caractère intangible de l'Etat républicain et de la démocratie, mettant le pays à l'abri de toute résurgence d'un extrémisme destructeur. Dans certaines démocraties, le droit à l'insurrection contre la tyrannie est constitutionnellement reconnu. Il importe donc que la nôtre inscrive dans son préambule, le droit imprescriptible de s'opposer par tout moyen à l'intégrisme, matrice du terrorisme dévastateur. A cette fin, tout parti qui entend inclure dans son programme, de quelque manière que ce soit, l'utilisation de la religion, ne saurait prétendre aux autorisations légales pour participer à la vie politique.
Par ailleurs, comment interpréter l'article 2 au regard des dispositions de l'article 36 relatif à la liberté de conscience et la liberté d'opinion. La tolérance, vertu éminemment musulmane, semble disparaître de nos mœurs. Alors que l'abbé Berenguer, - l'un des 16 députés français d'Algérie siégeant à notre première Assemblée nationale - fut durant la guerre le plus efficace porte-parole du FLN en Amérique latine, aujourd'hui, le mépris des dispositions de la Constitution, en particulier celle de l'article 36, traîne devant les tribunaux, des citoyens accusés de détenir les livres de leur confession religieuse. Ce sont de telles méconnaissances de notre loi fondamentale qui situent l'Algérie parmi les pays peu respectueux de la Convention universelle des droits de l'Homme. Aussi faudra-t-il préciser le sens, l'étendue et l'interprétation de l'expression «l'Islam est la religion de l'Etat» dans le texte même de l'article 2 de la Constitution et ne pas en laisser la concision permettre toutes les exploitations.
A. H.
(A suivre)
(*) Docteur en droit - Avocat à la cour
Agréé à la Cour suprême et au Conseil d'Etat
Membre du Conseil National de la Révolution Algérienne (1961-1962)
Député à l'Assemblée Nationale Constituante (1962-1963)


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