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ABC de la Démocratie : théories et pratiques
Contribution préliminaire aux débats actuels (2e partie et fin)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 11 - 2014


Par Dr Mohamed Larbi Ould Khelifa
3. La démocratie : titre et scènes
De nombreux politiciens et intellectuels éminents manifestent leur étonnement, accompagné d'analyses sociales et historiques, à l'égard de la lenteur dans la construction démocratique et de ses revers successifs dans les pays arabes et musulmans (scène de ce qui est appelé «printemps arabe», telle qu'elle est perçue par les élites occidentales, qui la situe entre une démocratie ajournée et un regret inavoué de l'ancien système). Ces analystes invoquent rarement le fait que la France ait reconnu à la femme le droit de vote qu'en 1944, soit 153 années après la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen en 1791. La femme est, elle aussi, un être humain partout dans le monde.
La Suisse, Etat pacifique et très neutre, est le seul pays au monde à disposer d'une armée de réservistes représentant le peuple en entier. Ce pays — paradis — n'a reconnu aux femmes le droit de vote qu'au milieu des années 1990 du XXe siècle. Alors qu'au Bangladesh, au Pakistan et en Turquie, des femmes ayant à peine atteint la cinquantaine ont accédé à la fonction de chef de gouvernement pour des raisons politiques, d'autres démagogiques biens connues, des spécialistes dans le domaine des structures sociales au sein des pays où le «khan» féodal et le général en tenue kaki, en uniforme ou en costume traditionnel, se partagent le pouvoir et la richesse, avec un tiers associé : le magnat capitaliste. Aux Etats-Unis d'Amérique, les objectifs de la Cité Libre (Good Society) et les quatre principes des droits sociaux du citoyen proclamés par le Président F. D. Roosevelt en 1941, initiateur du projet de «politique sociale équitable» (Fair Deal), n'ont conféré le droit à la citoyenneté qu'après une lutte amère menée par des milliers de gens de couleur, ramenés d'Afrique et des Caraïbes comme esclaves et qui ont contribué à la prospérité américaine. En outre, il ne reste des peuples autochtones (Indiens) qu'une faible minorité que l'on présente au cinéma et dans les musées archéologiques. Aux Etats-Unis, la femme se voit octroyer le droit de vote en 1920 à la suite de la treizième révision constitutionnelle, soit après 75 ans de lutte pour la reconnaissance de son droit à la citoyenneté. En dépit de la percée des femmes dans divers domaines de la vie civile et militaire depuis très longtemps, il n'en demeure pas moins qu'elles sont toujours victimes de violence au sein de la cellule familiale et de harcèlement sexuel de la part de leurs collègues et des responsables dans les lieux de travail et dans l'administration, en général. Elles luttent jusqu'à ce jour pour l'égalité salariale avec les hommes occupant les mêmes postes de travail.
En effet, elles ne perçoivent pas le même salaire que leurs collègues masculins en Amérique du Nord et dans la majorité des pays d'Europe, comme l'ont souligné les présidents des Parlements au cours de leur réunion à Marseille en mars dernier, contrairement à l'égalité salariale totale entre femmes et hommes en Algérie depuis 1962, outre le droit de la femme algérienne de transmettre sa nationalité à ses enfants. Il importe de souligner que les associations compétentes et les médias n'invoquent que rarement de tels acquis qui ont pourtant honoré la femme tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger.
En Grande-Bretagne, la «Révolution silencieuse» (Silent Revolution) n'était guère convaincue, avant Cromwell, que les femmes étaient des êtres humains. Elles étaient faibles d'esprit et en manque de religion. Elles étaient comparées le plus souvent à des diables et des porcs dans la littérature des XVI et XVIIe siècles. L'exploitation des enfants âgés d'à peine douze ans dans les carrières, à l'origine de la mort de milliers d'entre eux des suites de la tuberculose, de l'asthme et d'asphyxie dans les mines, inspira les grands romanciers de la littérature anglaise, tels que Charles Dickens, jusqu'au début du XXe siècle.
Or, lorsqu'on observe aujourd'hui certains concepts philosophiques et politiques de la démocratie, nous constatons qu'ils s'articulent autour de l'étymologie philologique du mot d'origine grecque «dêmos» (peuple) et «kratos» (pouvoir), lesquels soulèvent deux réalités : la première est que la démocratie n'est pas une représentation mentale détachée de la réalité. Mais les changements intervenus dans la réalité ont eux-mêmes fixé les contenus du rapport entre le peuple (dêmos) et ses dirigeants (kratos). De ce fait, c'est le peuple qui construit sa démocratie. Par conséquent, il n'existe aucune formule type de pratique démocratique qui constituerait une panacée pour la gouvernance pertinente, en tout lieu et en tout temps.
La seconde réalité réside dans le fait que la démocratie est, dans une certaine mesure, un dosage entre la liberté et la justice en harmonie avec l'évolution historique de la société, évolution qui signifie ici les attributs de la culture prédominante et le degré de prolifération horizontale de la pensée démocratique de manière à faire désormais partie de l'organisation sociale ; en d'autres termes, la culture démocratique des individus et des communautés au sein de l'organisation sociale est la seule manière de concrétiser la pensée démocratique, de la famille nucléaire aux organisations partisanes et associations de la société civile, un moyen de partage du pouvoir entre les institutions de l'Etat, ainsi qu'un certain degré de fluidité de l'information tant horizontalement que verticalement.
La notion de démocratie a atteint un degré de complexité extrême, lorsque l'on considère sa relation avec la liberté, car la notion de cette dernière (la liberté) est liée à l'intention (intention) et au but (target). Comme l'intention est en réalité un acte intérieur, c'est-à-dire une réflexion silencieuse, un stimulus est donc indispensable afin que cet acte devienne relativement libre. En fin de compte, il s'agit d'une distinction — reprise par le philosophe Aristote dans son ouvrage Ethique à Nicomaque — entre les moyens et l'obligation des buts. C'est cette solution même à laquelle ont abouti les théologiens scolastiques musulmans «ach'arite» qui ont trouvé une solution entre le fatalisme total et l'absence d'intention et le libre arbitre qui récuse la question de prédestination, tout en proposant le concept de l'acquis, à savoir que l'être humain assume les conséquences de ses actes liés à l'intention et à la volonté et n'est pas jugé sur ses actes involontaires, tels que la perte de connaissance, le sommeil et autres actes insurmontables. En philosophie contemporaine, dans son ouvrage intitulé Critique de la raison pratique — Livre premier — chapitre premier, Kant situe l'intention entre le devoir et le droit, qu'il définit dans une phrase intraduisible de : «règle générale d'application de la maxime». Pour sa part, Hegel, fidèle à sa dialectique, considère que l'esprit (geist) doit franchir trois étapes pour réaliser la liberté. La première : la transition du désir animal à la rationalité ; la deuxième : la transition de l'entendement libre à la volonté libre, qui interagissent ensuite pour constituer ce qu'il appelle «la causalité réciproque». La troisième étape concerne la transition de la volonté subjective à la liberté ou à la volonté objective. En réalité, la problématique de la liberté a été au centre d'une philosophie sociale beaucoup plus chez les phénoménologues et les existentialistes que chez les fondateurs des courants de pensée, tels que Kierkegaard, Merlo-Monty, J.-P. Sartre, A. Camus, etc., qui ont apporté une alternative que J.-P. Sartre a appelée «l'engagement à ne pas s'engager et le choix permanent sans discontinuité».
4- La démocratie entre liberté et justice
Du point de vue politique, c'est-à-dire celui de la relation entre la liberté et la pratique démocratique, J.-J. Rousseau a posé clairement cette problématique dans son ouvrage Le Contrat social, sous forme d'interrogation soulevée de la manière suivante : comment peut-on passer de la liberté sauvage de l'individu solitaire à la liberté civile de l'individu dans la ville ? En effet, J.-J. Rousseau a lui-même considéré cette interrogation comme un labyrinthe politique. L'importance de ce questionnement paraît significative afin de pouvoir ramener la question de liberté de son niveau individuel psychologique dans lequel Hobbes, Machiavel et Hume l'on confinée au niveau de l'individu dans la communauté, de la communauté et de ses groupements d'individus. C'est justement cette approche-là qui a permis à K. Marx de faire sa critique acerbe de la liberté et de la démocratie, à l'instar des Kantiens, Hégéliens et des individualistes utilitaristes. Dans ses observations sur la misère de la philosophie (faisant allusion à la philosophie allemande, en particulier), Karl Marx déclare : «La liberté politique n'est qu'une liberté formelle destinée à servir d'alibi à ceux qui, détenant la puissance économique, sont seuls à même de l'utiliser pour consolider leur domination. Pour les autres, c'est-à-dire ceux qui ne disposent que de leur force de travail, la liberté politique se réduit à une prérogative stérile. Qu'importe que l'homme soit libre de penser, si l'expression de son opinion l'expose à l'ostracisme et à la répression sociale. Qu'importe qu'il puisse discuter les conditions de son travail, si les conditions elles-mêmes l'obligent à se plier à la loi de l'employeur. Il peut être libre de déposer dans l'urne son bulletin de vote, mais les moyens de propagande, la presse et les candidats eux-mêmes sont inféodés aux détenteurs du capital... C'est la libération non la liberté, qui est exigée.» Si l'on passe à la démocratie en tant que système de gouvernement, c'est-à-dire que le peuple est celui qui exerce le pouvoir à travers ses représentants ou par l'entremise de la collectivité nationale, ce qui est appelée «la Démocratie directe», il nous est possible de constater que dans cette dernière représentation de la démocratie, l'ensemble des citoyens sont appelés à prendre les décisions dans la mesure où chacun détient, par le seul fait de sa citoyenneté, une fraction de la souveraineté populaire. Ainsi, chaque individu est censé être gouvernant et gouverné en même temps. Or, cette forme de démocratie est jugée impraticable. Par conséquent, la problématique soulevée réside dans le choix des représentants et des moyens de leur contrôle par le biais des institutions ou par voie de référendums fondés sur des règles consensuelles. Avant d'élucider ce point, nous notons que l'expérience libyenne connue par ses «congrès populaires et son pouvoir des masses» reflète en réalité l'idée conçue par J.-J. Rousseau dans son Contrat social 1 et 2, à savoir que «la souveraineté (nationale) ne peut se déléguer sans s'aliéner».
Cette réflexion ne tend point à préjuger de l'expérience libyenne à partir de sa situation interne ni des leitmotive qu'elle a prônés pendant plus de trente années, période qu'elle a traversée, de situation en situation, en mettant en œuvre des projets opaques et un certain nombre de contrats de mariage, en l'absence de fiançailles, avec ses voisins et son aventurisme en Afrique subsaharienne.
En tout état de cause, nous sommes enclins à la considérer comme un romantisme totalitaire qui a pour caractéristique première «l'inexistence de l'Etat», car dépourvu de toute référence constitutionnelle et d'institutions. Sa seconde caractéristique est probablement celle qui obéit à l'expression «s'opposer, c'est se faire connaître», dont la destinée était pire que celle que la Libye avait connue à l'époque du cheikh de la zaouïa Sanoussia et des nationalistes libyens qui ont soutenu la guerre de libération en toute loyauté, avant le pétrole, à proximité de la base atlantique «Willis».
Il est nécessaire qu'un retour de la démocratie directe à la démocratie semi-directe, si on ose le dire, doit être opéré dès lors que cette forme de démocratie permet aux démocraties européennes de consulter l'autre moitié du peuple par voie de référendum. Toutefois, le recours à cette solution n'intervient que dans des situations inextricables, compte tenu des réticences manifestées par le pouvoir et les partis à l'égard d'une solution qui risque d'aboutir au retrait de confiance à ces derniers, comme ce fut le cas pour le général de Gaulle en 1968 et comme cela est le cas actuellement pour les partis socialistes et démocrates chrétiens dans certains pays occidentaux. Le dernier référendum sur l'indépendance de l'Ecosse a révélé l'importance du rôle joué par les sondages d'opinion dans l'orientation des élections d'ailleurs très démocratiques, et empreintes parfois d'enthousiasme.
Les instituts de sondage d'opinion effectuent un calcul des prévisions et anticipent les résultats, ce qui ne relève nullement des sciences exactes. La démocratie «gouvernée» représente une forme première du régime démocratique où la volonté du peuple est soumise à un filtrage et où les lois et les règlements sont l'expression de la volonté populaire, mais pas... toute la volonté du peuple, quand bien même elle pourrait devenir une réglementation ou une loi.
Puisque la démocratie «gouvernée» est essentiellement parlementaire, toutes les décisions sont prises à la majorité, nonobstant l'opposition ou l'abstention de la minorité. Un consensus, c'est-à-dire l'accord des représentants du peuple, peut intervenir sur une décision importante, comme à titre d'exemple une déclaration de guerre, une réforme des institutions constitutionnelles, une adhésion à un traité régional ou international. Dans de telles conditions, la décision est attribuable à la nation tout entière.
En revanche, la démocratie peut être «gouvernante» également. Elle est une forme de régime représentatif qui repose sur l'orientation de la liberté afin qu'elle puisse être consentante ou satisfaite, en échange d'engagements du pouvoir de concrétiser un ensemble d'objectifs, tels que l'unité nationale et l'opposition à une agression étrangère (Grande-Bretagne au cours de la Seconde Guerre mondiale). C'est ce type de pacte qui unit le régime présidentiel aux électeurs aux Etats-Unis d'Amérique.
S'agissant de la démocratie dans les régions répertoriées dans les études géopolitiques européennes et américaines, sous le nom de Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), on retrouve parmi quelques études descriptives et prospectives menées par les groupes de réflexion stratégiques aux Etats-Unis, connus sous le nom de Task Force, celle qui porte la signature de Michael Hudson, au cours de la dernière décennie du siècle dernier, et dont voici quelques extraits : cette période de troubles est caractérisée essentiellement par l'échec de l'Etat à acquérir la légitimité aux yeux de la société. En réalité, le développement de l'Etat dans sa dimension bureaucratique est à l'origine de ce sentiment d'aversion à son égard. La bureaucratie embourgeoisée engendre la frustration et autant d'animosité. De plus, les groupes de jeunes politisés dont le nombre ne cesse d'augmenter et qui continuent d'être écartés des sphères étatiques contestent de plus en plus le droit du régime de gouverner seul. A tout ceci s'ajoute l'existence d'une frange de l'opinion publique qui considère que les régimes au pouvoir sont à la solde des forces extérieures, ce qui fragilise davantage la légitimité de ces pouvoirs. Or, en l'absence d'une cohésion entre l'opposition qui ne dispose d'aucune solution alternative, celle-ci ne saura donc aboutir à un quelconque consensus sur un pacte social qui conduirait à une situation différente. Par ailleurs, S. Huntington avait prédit, dans une étude publiée au début de la décennie précédente, sur ce qu'il appela «la troisième vague», processus caractérisé selon ce chercheur conseiller du Pentagone par le multipartisme constitué de grands partis ou de partis «mosaïques», par la libéralisation du marché, l'écartement de l'Etat des affaires économiques, c'est-à-dire la glorification de la propriété privée et l'augmentation de l'impact des orientations étrangères en vue d'attirer les investissements étrangers, recouvrer la légitimité à la propriété privée et exiger davantage une intégration dans l'économie internationale. La description et l'analyse ci-dessus ont été faites à partir de la culture de la guerre froide entre le régime soviétique précédent et le libéralisme qui a triomphé idéologiquement et incontestablement sur ses antagonistes parmi les sénateurs du Kremlin, d'autant plus que la démocratie s'apparente, dans la plupart de sa littérature, au libéralisme et à la non-reconnaissance de la neutralité, à savoir que «celui qui n'est pas avec nous est contre nous», selon l'expression de l'ancien président américain Ronald Reagan. En dépit de la fameuse formule de W. Churchill selon laquelle «la démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres», «la démocratie, dans ses régimes connus, s'arrête là où commence l'intérêt de l'Etat», comme l'a fait remarquer l'ancien ministre de l'Intérieur français, Charles Pasqua.
5) La démocratie et le destin de l'Etat-nation
Quelle que soit l'image de la démocratie et sa relation avec les libertés individuelles et collectives, elle ne constitue pas une fin en soi. Elle est, comme nous l'avions souligné plus haut, une représentation synthétique de la liberté et de la justice qui obéit à un critère plus ou moins relatif qui s'inscrit dans l'espace et dans le temps et qui s'associe au développement social et à la culture politique dominante. La problématique centrale de la pratique démocratique réside dans la réponse à l'interrogation suivante : la démocratie est-elle réduite à de simples techniques ou est-elle une valeur absolue ? Si on soutient qu'elle constitue de simples techniques, nous constatons que chaque régime est démocratique dans une certaine mesure toutes les fois qu'il parvient à couvrir les pressions exercées par le pouvoir en ayant recours à la puissance de la communication informationnelle, aux associations actives alliées, à des mesures techniques à même d'absorber ce sentiment de pression et de manque de liberté tout en faisant bon usage des pratiques en matière d'élections et de référendums. En revanche, si on soutient qu'elle est une valeur absolue, les illustres intellectuels occidentaux s'interrogent depuis plus de deux décennies sur le fait de savoir si les pouvoirs qui se sont succédé, les partis, les associations et autres lobbies n'ont-ils pas décidé d'avance du destin de l'individu et de la collectivité et de lui donner l'illusion qu'il exerce son libre arbitre et qu'il est maître de sa vie personnelle ? En réalité, son comportement, ses croyances, sa façon de se nourrir et de se vêtir, sa naissance, son décès, ses rapports avec ses amis et collègues sont enregistrés et surveillés (d'après les documents révélés par Snowden, au sujet de la surveillance de milliers d'individus et même de hauts responsables parmi les alliés des Etats-Unis). Lorsqu'ils passent devant les vitrines des boutiques (Grande-Bretagne), elles sont toutes programmées au moyen d'équipements puissants qui ne laissent à l'individu aucun moment pour qu'il puisse prendre part à la pédagogie démocratique, telle qu'elle a été évoquée par R. Rémond (5) dans son ouvrage sur la reconstruction démocratique. Ce pessimisme ne s'est malheureusement pas limité à ce stade-là. D'ailleurs, Jean-Marie Guéhenno avait prédit la «fin de la démocratie». La thèse de cet écrivain est d'une précision inouïe tant dans son analyse que de son argumentation, à savoir que : la démocratie en tant que régime est apparue avec la naissance de l'Etat-nation qui sont tous deux en voie de disparition et seront substitués par l'entité supranationale dans les sociétés occidentales post-industrielles. Les sociétés nouvellement indépendantes ont connu une double déception. D'une part, l'apparition des dislocations au sein des nouvelles entités nationales qui se sont transformées en une couverture à l'émergence de la tribu, comme un prélude à l'acheminement vers les unités tribales primaires ; d'autre part, une domination inébranlable des multinationales transfrontalières devant l'impuissance de ces pays à valoriser leurs matières premières. En effet, dans l'industrie automobile, la valeur des matières premières ne dépasse guère 40% de la valeur industrielle et 1% dans l'industrie électronique. Quant à la valeur elle-même, celle-ci s'est dissociée de la décision gouvernementale, voire de la terre elle-même, à la suite de la révolution technologique dans le domaine des communications et des stations de diffusion de l'information par satellite, qui est contrôlée d'ailleurs par le capitalisme multinational. Tout ceci a conduit à l'affaiblissement de la souveraineté nationale en faveur d'un empire spatial qui impose des critères qui ne prennent en compte les intérêts nationaux que dans la mesure où ils servent les intérêts transnationaux et supranationaux.
La solution alternative proposée par Guéhenno réside dans la révolution spirituelle qui émane de l'être, que ce chercheur ne précise d'ailleurs ni la nature ni les objectifs.
En réalité, il ne s'agit pas là de la seule étude portant l'intitulé «Fin». En fait, Doll a publié une étude qui n'a pas manqué de susciter un tollé au début des années 1970, au sujet de la fin de l'idéologie (The end of ideology), à l'instar de l'étude menée par le chercheur américain d'origine japonaise Fukuyama pour le compte du Pentagone, sur la fin de l'histoire (End of history) dont nous avons évoqué plusieurs de ses idées dans une précédente communication. Ce chercheur fait partie des théoriciens qui ont tracé les grandes lignes de la nouvelle restructuration du monde, comme un prélude à la nouvelle confrontation avec un ennemi imaginaire qui surgit de l'Orient, après la chute de «l'empire du mal» soviétique. C'est pourquoi l'attrait du titre et l'ingéniosité de l'exposé ne doivent pas nous faire perdre de vue les objectifs vers lesquels ils tendent. Cet ennemi est apparu deux années après l'effondrement du danger soviétique, suite à l'attaque des tours jumelles aux Etats-Unis, en l'occurrence le terrorisme international qui menace le peule américain et qui a poussé les autorités à Washington au cours des deux dernières décennies à commettre de nombreux dépassements à l'égard du document constitutionnel relatif aux droits que nous avons abordés au début de la présente communication.
En effet, des mesures non constitutionnelles ont été imposées aux citoyens américains ainsi que d'autres formes d'espionnage à leur égard, en tout lieu dans ce pays, que le chercheur américain P. V. Buren (7) a qualifié «d'Etat policier» qui réprime les libertés fondamentales, dans une étude documentée publiée au cours de cette année 2014, intitulée : «La guerre contre le terrorisme est devenue une guerre contre la Constitution». Il ne s'agit que d'un simple exemple parmi des dizaines d'autres dans lesquels la Constitution a été mise entre parenthèses et où les droits fondamentaux et les libertés des citoyens ont été bafoués, sous prétexte de l'existence de dangers réels ou fictifs, dans de nombreux pays plus démocratiques et libéraux au XXe siècle et au début de ce siècle.
6) Conclusion
La démocratie est une valeur relative qui commence dans la société et se répercute sur le pouvoir représentatif et les institutions actives au sein de l'appareil d'Etat. Nous disons relative car l'allégorie qualifiée de démocratique dans sa forme occidentale a été éclipsée par les techniques prises en charge par certains organes qui imposent au citoyen cette illusion même du libre arbitre et de la liberté ; ce qui a amené certains intellectuels à considérer que la vague déferlante de la mondialisation affaiblit la démocratie et laisse présager un démantèlement de l'Etat-nation.
Il est d'autant plus paradoxal que la mondialisation s'accompagne de scissions de plus en plus marquées au sein de nombreux pays, tant à l'intérieur de la région qu'en dehors de celle-ci, du retour aux ethnies tribales et des divisions idéologiques qui débouchent sur des conflits sanglants, d'un confinement dans le ghettoïsme au lieu d'une citoyenneté universelle, sans distinction de la doctrine, de la langue et des spécificités locales. C'est le capital de l'Algérie qui doit être valorisé et sauvegardé dans un environnement marqué par des dislocations et des troubles, et où les uns tentent d'affaiblir les autres et sollicitent l'intervention étrangère dans un pays voisin et que l'on appelle «frère». Toutes ces questions ne sont plus désormais considérées comme de simples intentions que ce soit dans la région ou en dehors de celle-ci.
La démocratie ne peut être construite que dans un Etat fort, sûr et juste où son élite au pouvoir tire parti de ses expériences historiques et décide de son avenir avec confiance et espoir. L'Etat ne peut être fort que si sa force demeure au service de son peuple et non utilisée pour son oppression et sa subjugation. Le critère majeur de la force de l'Etat réside dans la conviction des citoyens de leur appartenance, voire de leur identification à celui-ci, pour le meilleur et pour le pire.
La ligne de conduite et les convictions nationales démocratiques se retrouvent au sein des organisations partisanes, des institutions élues de l'Etat, ainsi que parmi les acteurs de la société qui exercent les droits et obligations liés à la citoyenneté à la lumière de leurs expériences historiques et actuelles qui déterminent le véritable sens de l'intérêt supérieur de la nation. Si la sécurité est une félicité, la justice est la plus puissante des armées. Il est par conséquent important que la justice exerce les fonctions qui lui sont dévolues, en dehors de toute ingérence d'un quelconque autre pouvoir, de sorte que les organisations de la société civile et les médias puissent être à même de condamner une telle ingérence devant l'opinion publique avec laquelle il faudrait compter lors des échéances électorales, indépendamment du nombre de la majorité et du poids des partis. C'est le seul moyen de réduire les insuffisances en matière de pratique démocratique et les tergiversations des organisations des droits de l'homme et du citoyen et la position que confère le ministère américain des Affaires étrangères dans le classement du reste des pays sur l'échelle de la démocratie et les contrariétés qu'il provoque au sein des différents pays du tiers-monde placés sous surveillance. Mais ceux que l'on passe sous silence ne signifient point une sauvegarde d'intérêts établis.
La question qui avait aiguisé notre intérêt, à l'époque où nous suivions notre formation en tant qu'ambassadeur à l'école primaire de la diplomatie, d'une durée de près de cinq ans, est celle ayant trait à la démocratisation de la diplomatie bien que ses principales orientations relèvent de la compétence de l'autorité suprême dans tous les pays sous régime présidentiel. Il serait donc plus judicieux de compter sur les institutions élues de l'Etat et les partis y compris ceux qui s'opposent et ceux qui soutiennent, de s'entendre implicitement sur l'interchangeabilité des rôles sur la scène internationale, ce qui tend à renforcer davantage la position de l'Etat dans le concert des nations à l'échelle internationale et régionale. Il est indispensable que les décideurs tirent profit des expériences des experts et des centres de recherches et d'études stratégiques qui ont besoin d'être dynamisés dans notre pays. Il est normal qu'un représentant d'un pays influent dise c'est l'opinion du congrès ou la position de la majorité en ces termes : «Nous sommes un pays démocratique, à vous de l'interpréter comme vous l'entendez» !
Quelles que soient les mutations qui s'opèrent dans la société et dans le monde qui nous entoure, les principes énoncés dans la Déclaration du Premier Novembre demeurent la référence fondamentale de l'Etat-nation et de la majorité des élites qu'elles soient au pouvoir ou dans l'opposition et la source principale des projets de modernisation et de progrès proposés à la société, parmi lesquels la Constitution de la République, qui décide que le peuple est la source de tout pouvoir. Nous tenons à souligner que les principes demeurent de simples déclarations d'intention s'ils ne sont pas mis en œuvre d'une manière effective dans la société. Les lois dans leur ensemble ne valent que par leur application, d'abord au sein des institutions et aux individus et collectivités. C'est précisément sur cette base que la confiance pourra s'instaurer entre l'Etat et la société.
M. L. O.-K.
Références :
- G. Burdeau : La démocratie, PP. 17, 23 Paris 1966.
- Karl Marx : La misère de la philosophie, P. 17 - Traduction La Caire 1959.
- Dr Saïd Bouchair : Droit constitutionnel et systèmes politiques comparés - U.1- PP. 249 - 261- Office des publications universitaires Alger 1991.
- S. Huntington : The Third Wave - Foreign Policy R 1987.
- R. Rémond et A. L. . La démocratie à refaire, PP., 16* 19, Paris 1963.
- J. M. Guehenno : La fin de la démocratie - PP. 51-59 - Flammarion, Paris - 1993.
- P.V. Buren : How the war became a war on the Constitution, Comb, 2013.
- P.V. Buren : How the war became a war on the Constitution, Comb, 2013.


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