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Peut-on vaincre le terrorisme en tolérant l'intégrisme ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 05 - 2015


Par Zineddine Sekfali
C'est l'un des plus étonnants paradoxes de l'Algérie d'aujourd'hui : le terrorisme est régulièrement mis en échec par l'ANP et les services de sécurité qui ne le lâchent pas d'une semelle, mais l'intégrisme, qui est la matrice du terrorisme, prospère à vue d'œil, régénéré par une réconciliation dite nationale mais néanmoins mal conçue, mal réfléchie et bâclée dans sa mise en œuvre.
A présent, il s'affiche publiquement et active en toute quiétude, tel un parti agréé ou une association régulièrement formée. Il est de notoriété publique qu'il fait preuve d'un activisme intense et il n'est pas exagéré de dire qu'il est plus actif qu'aucun des partis politiques existants. C'est que les conditions lui sont particulièrement favorables. L'Algérie vit en effet, depuis un quart de siècle, dans une insécurité chronique, avec des poussées inquiétantes de violence, une agitation politique stérile, des retards économiques cumulés difficiles à rattraper, un profond malaise social, notamment au sein de la jeunesse, une régression culturelle affligeante, et une suffocante ambiance de corruption ponctuée de scandales politico-financiers retentissants. Peut-on dans ces conditions faire la guerre au terrorisme et remporter sur lui une victoire définitive, tout en pactisant avec le fondamentalisme, qui est en même temps sa source régénératrice et son vivier inépuisable ? C'est la question qui, de façon plus insistante que jamais, taraude les esprits.
Désormais, en effet, le fondamentalisme a pignon sur rue. Il est sorti de la clandestinité et ne se cache plus. Il est en pleine expansion, progressant dans toutes les régions du pays et s'infiltrant par capillarité dans l'ensemble des milieux socio-professionnels. Il s'exprime à travers ses propres télévisions et journaux, car mieux que les partis réputés les plus proches du pouvoir tels que le FLN, le RND, le MAP et le TAJ, il dispose de plusieurs médias dont deux chaînes privées de télévision qui lui sont exclusivement dédiées et diffusent à profusion et gratuitement son idéologie – fut-elle très sommaire –, ainsi que sa propagande et ses mots d'ordre.
Ces chaînes et ces journaux impactent un public nombreux et beaucoup de leurs téléspectateurs ou lecteurs deviennent, à force d'endoctrinement et de bourrage de crâne systématiques, de plus en plus fanatisés et addicts aux fetwas incitant à l'inquisition et à la persécution de ceux et celles qui ne confondent pas le fanatisme avec la foi, qui distinguent nettement l'islam de l'islamisme, qui ne mélangent pas religion et politique.
En effet, même si la politique et la religion sont interactives sur certains aspects, elles procèdent néanmoins de registres différents et distincts, en raison de leur essence, de leur nature ainsi que de par leur objet et leur contenu. Mais d'aucuns persistent à soutenir, contrairement à la raison et au bon sens, que tout est dans tout, en agitant des formules à l'emporte-pièce, à l'exemple de «al islam din wa dawla», ce qui, à leurs yeux, signifie : «L'Etat, c'est nous !» L'histoire a cependant mille fois prouvé que là où les religieux arrivent au pouvoir politique, l'autoritarisme, le despotisme et la dictature ne sont pas loin. Mais la même chose, il convient de le remarquer, se produit là où des politiciens utilisent Dieu, Ses Prophètes et la religion, pour accaparer le pouvoir politique.
On sait aussi que ces politiciens, qui affichent ostensiblement leur religiosité, s'installent à vie au pouvoir, n'hésitant pas pour s'y maintenir à semer le mal-être, la mort et la dévastation.
Un autre constat doit également être fait. Les médias au service du fondamentalisme, que ce soient les chaînes de télévision, les journaux-papier ou les quotidiens électroniques, disposent de moyens techniques importants, de studios, d'imprimeries, de réseaux de distribution et de diffusion puissants. Ce sont des investissements lourds et onéreux qui ont exigé pour leur réalisation d'importantes ressources financières. Leur fonctionnement aussi coûte cher. On est en droit, en tant que citoyens, de s'inquiéter de l'origine de ces capitaux. On aurait tort, me semble-t-il, de croire que les journalistes de ces médias sont tous de pieux fidèles, de candides croyants venus pour sauver nos âmes de mécréants et qu'ils y travaillent pro Deo ou «fi sabil Allah». Il y a parmi eux des maîtres en démagogie et populisme. Il y a des experts en agit-prop.
D'aucuns sont en mesure à tout instant et dès que l'ordre leur en sera donné d'enflammer les masses, et disons-le à ceux qui ne se seraient pas par extraordinaire rendu compte, de lancer dans les rues en rangs serrés des hordes de frustrés, de casseurs, et comme on dit au Moyen-Orient, de redoutables baltagia et chebiha.
La liberté d'expression est pour ces chaînes TV, ainsi que pour leurs speakers, debaters et conférenciers, totale et sans limite. La plupart de ces médias et leurs affidés se revendiquent du «salafisme», mot qu'on tend à banaliser mais qu'il faut avoir la franchise de traduire par «passéisme» dont l'antonyme est «progressisme». Le passéiste c'est celui qui est tourné vers le passé, un passé sacralisé ; le progressiste est celui qui regarde vers l'avenir et la modernité. Dans certains pays, on sait qu'il y a des partis politiques qui se disent «conservateurs», et d'autres qui se rattachent à l'«extrême droite». Mais on ne connaît pas de pays où un parti politique se qualifierait de «passéiste», se focalisant sur le passé le plus éloigné en rejetant, sous prétexte de retour aux sources, le présent par hypothèse déviant et vouant aux gémonies le progrès et la modernité ! Ces TV du courant fondamentaliste et salafiste seraient de droit algérien mais opéreraient «offshore» ; elles sont au nombre de deux ou trois ; elles rappellent les médias des «Mille Collines» du Rwanda qui se sont rendu complices par leurs appels ouverts au meurtre d'un des plus sauvages génocides commis en Afrique, par des Africains, contre d'autres Africains. Le mouvement appelé Boko Haram du Nigeria et les multiples bandes armées qui sèment la terreur au Sahel semblent vouloir, en brandissant leurs sinistres bannières noires, suivre la même voie que les génocidaires du Rwanda. Tous ces fléaux de Dieu n'auront de cesse que de tuer, violer, piller, dévaster, si les Etats et les peuples concernés ne prennent pas les mesures pour les mettre hors d'état de nuire. Que les Africains et les Arabes cessent d'attendre que «l'homme blanc occidental» vienne à leur secours et prennent en charge leur défense et leur sécurité ! Qu'ils se limitent à réclamer des armes et des munitions, en reprenant le cri digne et courageux de l'enfant grec de Victor Hugo : «Je veux de la poudre et un fusil !»
Chez nous, des TV dont le statut juridique ainsi que les modes de financement restent encore obscurs, voire mystérieux, se sont elles-mêmes octroyées le droit de diffuser et de publier les discours, les thèses et les doctrines les plus rétrogrades et obscurantistes que l'islam ait connues dans notre pays. Ces mêmes TV accueillent des bavards, illuminés, insensés et irresponsables qui, parce qu'ils portent barbe et qamis, s'autorisent à parler au nom de Dieu, de son Prophète et de l'Oumma !!! Un de leurs semblables, en l'occurrence un imam mecquois, s'est récemment fait remarquer en soutenant dans un prêche que la terre n'était pas ronde et qu'il était inconcevable, pour lui qui se prend pour un «aâlem», qu'elle tournât autour de son axe et autour du soleil ! De toute évidence, cet individu est un ignorant absolu. Il ne sait sans doute pas que le père de l'astronomie est Nasir ad-Din at-Tusi (VIIIe siècle) dont les travaux ont influencé Nicolas Copernic (XVe-XVIe siècles). Notre Mecquois ne sait peut-être même pas qui est Copernic, ni que la communauté scientifique universelle a appelé la découverte de ce savant : la révolution copernicienne. On est en droit par ailleurs de soupçonner cet imam qui officierait encore dans les Lieux Saints de l'islam de ne pas être au courant que l'humanité a mis pied sur la lune, il y a quarante-cinq ans, et que de nos jours des stations spatiales placées en orbite nous transmettent, à chaque instant, des images nous permettant de constater «de visu» que la terre est bien ronde et tourne sur elle-même et autour du soleil. Hélas, force est de constater que devant les intégristes, les fondamentalistes et les salafistes, nos institutions religieuses officielles, plus que jamais timorées et apeurées, se murent dans le silence, laissent faire et parfois approuvent leurs errements. Un écrivain algérien a récemment été menacé de mort dans l'une de ces TV, par un quidam qui s'est autoproclamé directeur de conscience et guide spirituel des masses populaires. Il n'y a pas eu de réaction digne de ce nom. Pire, on lui a trouvé des excuses en laissant entendre que ce journaliste est un pilier de «hizb França» ; malheureusement pour ses détracteurs, l'expression «hizb França», tant de fois lancée contre les francophones, les berbérophones, les démocrates et de manière générale ceux qui dénoncent l'obscurantisme, est en train de tomber en désuétude. Elle est remplacée par le néologisme «Françalgérie», depuis les révélations faites à propos du patrimoine immobilier possédé en France par certains de nos dirigeants ou ex-dirigeants, parfois de très haut niveau ! Par contre, quand des animateurs d'une autre chaîne TV algérienne et privée qui ne roule pas pour les fondamentalistes et qui émet du territoire national a voulu diffuser une émission humoristique, ce fut «alerte à OK Corral» ! On croit savoir que les autorités auraient fortement réagi afin que des sanctions soient prises contre ces animateurs irrévérencieux. En tout cas, l'émission a été censurée puis définitivement supprimée, comme si elle contenait des images pornographiques ou qu'elle constituait une atteinte à la sûreté de l'Etat.
Si le ridicule n'a jamais tué personne nulle part, dans notre pays l'humour peut être fatal aux humoristes. Sauf aux humoristes des chaînes dédiées aux fondamentalistes, en remarquant que certains d'entre eux font de l'humour sans s'en rendre compte, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir : les gens rient, mais à leurs dépens.
Le brouhaha fait autour du projet de loi tendant à sanctionner les violences faites aux femmes est un autre exemple significatif de l'avancée de l'intégrisme. En effet, l'opposition manifestée contre ce texte dans l'enceinte de l'APN et dans les mosquées devenues des foyers d'opposition, les obstacles dressés à l'Assemblée populaire nationale (APN) pour en empêcher son adoption, enfin l'incompréhensible coup de frein donné au niveau du Conseil de la nation (familièrement nommé Sénat) au texte «a minima» que l'APN a fini par voter, sont d'autres preuves de l'emprise des courants religieux réactionnaires sur les institutions politiques algériennes.
En fait, le «machisme» et l'antique idéologie «patriarcale» résistent toujours. Notre société serait patriarcale et machiste, et donc battre son épouse ou ses épouses est un privilège masculin, inaliénable, imprescriptible, voire de droit divin...
Certains arguments invoqués pour combattre le texte proposé par le gouvernement étaient en tout état de cause à la fois scandaleux et honteux. Comment en effet oser dire que chaque coup porté par l'homme à sa femme est comptabilisé au Ciel, dans le grand registre des bonnes actions, comme une «hassana», tant pour la femme battue que pour celui qui lui donne des coups ?! Comment est-il possible qu'une députée membre d'un parti islamiste ait pu dire, sans se rendre compte de l'incohérence de ses propos et sans rougir de honte, que son mari a le droit de la battre ? N'est-ce pas là reconnaître qu'elle est un être inférieur et soumis à l'homme ? En tenant de tels propos dans l'enceinte du Parlement où siégèrent naguère des héroïnes de la Révolution qui se sont battues les armes à la main pour la libération de leur peuple dont elles étaient les authentiques représentantes, cette députée du déclin les a offensées.
Mais en ânonnant son intervention probablement dictée par ses directeurs de conscience, barbus et moustachus, ne se rendait-elle pas compte qu'elle proférait des idioties ? Mais ce qui choque le plus, c'est ceci : pourquoi les autorités religieuses censées être composées de «daoui al albab» et de «ulémas» instruits, cultivés et sages n'ont-elles pas réagi à ces propos et dénoncé à l'imposture ? Plus largement, en me tournant vers les «politiques», quel crédit accordera désormais le citoyen et la citoyenne aux dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires qui proclament l'égalité des sexes, proclament les droits de la femme et assurent en garantir la protection ?
Notons par ailleurs que le président de la République a annoncé dans l'un de ses derniers messages qu'il entendait faire amender les dispositions du code de la famille, dans sa partie relative au «tatliq», au divorce et au droit au divorce par rachat reconnu à la femme. Dans le jargon judiciaire, amender un texte signifie l'améliorer dans la forme et dans le fond. Sachant que les fondamentalistes ont, sur la question du divorce et en particulier du divorce à la demande de la femme, des positions rétrogrades, on peut craindre le pire, en termes d'agitation intégriste, dans les prochains mois, dès qu'un projet de texte commencera à circuler ! La récente promulgation d'un texte relatif au crédit à la consommation a été une nouvelle occasion pour les fondamentalistes de monter au créneau. De quoi s'agit-il ? En Algérie comme ailleurs, il y a des salariés et des personnes exerçant des professions libérales qui, faute de disposer d'économies suffisantes, ont besoin de recourir au crédit pour s'acheter certains objets que la vie en société rend indispensables, tels que l'automobile, les appareils ménagers... Mais pour sécuriser les droits du prêteur et de l'emprunteur, la réglementation a fixé les conditions qui doivent être observées pour l'obtention et l'octroi d'un crédit à la consommation. Par ce décret exécutif, le gouvernement a, tout en répondant à une demande sociale exprimée par les classes moyennes, pris les mesures qu'il convient, à mon avis, pour éviter les dérapages susceptibles de survenir et prévenir le danger de l'insolvabilité des emprunteurs. Donc, où est le mal ? Je sais à l'instar de tout musulman basique que le «riba» est «haram». Je sais aussi que cette disposition coranique a pour fondement premier la protection de l'emprunteur.
La prohibition du «riba» vise les prêts «usuraires», c'est-à-dire les prêts faits à des taux d'intérêt abusifs, donc désavantageux et dangereux pour l'emprunteur qui court en effet le risque de se retrouver en situation de déconfiture, comme disent les juristes. Mais interdire par principe aux banques d'accorder des crédits à la consommation aux particuliers serait une aberration pure et simple. Il est en effet évident que si on interdit aux banques d'accorder du crédit aux gens, ceux-ci s'adresseront aux particuliers qui ont des capitaux. Généralement ces derniers n'ont cure de la réglementation et cherchent d'une manière ou d'une autre à imposer à leurs débiteurs les conditions les plus draconiennes, telles que l'hypothèque, le gage, la caution ou le nantissement... Or, le crédit à la consommation bien réglementé permet précisément d'éviter la pratique de l'usure et prévenir les abus des usuriers. Le crédit bancaire est une question qui relève, faut-il le rappeler, du domaine de compétence et des connaissances des économistes, des financiers, des juristes spécialisés dans le droit des affaires, mais pas des prêcheurs, des moralistes. On peut faire le démagogue et crier avec Proudhon que «le crédit est voleur !» et avec Fourrier que «l'intérêt est la mère du capitalisme !» mais la réalité têtue est que l'économie a besoin du crédit et que les individus comme les entreprises ont besoin d'emprunter.
Partout dans le monde, y compris dans les pays musulmans, il existe des banques, des institutions financières, des marchés financiers, des gens et des entreprises qui empruntent et d'autres qui prêtent de l'argent. On ne va pas tout de même boycotter la Banque mondiale, la Banque européenne, le FMI ! On ne peut pas refaire le monde et son système financier. Les pays musulmans l'ont bien compris ; pour contourner non pas la prohibition du «riba» mais une interprétation étroitement littérale de ce concept, leurs experts ont inventé des formes de crédit rémunéré, en l'occurrence «la moudharaba», «la mousharaka» et «la mourabaha», et cela fonctionne sans crispation ni anathème... Dire que le crédit à la consommation est autorisé ne veut en aucune façon dire que le «riba» est «hallal». Ne mélangeons pas les concepts et ne faisons pas de l'amalgame conceptuel. Enfin, les fondamentalistes se sont à nouveau mobilisés courant avril pour protester à deux reprises contre la consommation et la vente des vins, spiritueux ou boissons alcoolisées. La première «protesta» eut lieu au sein du personnel commercial navigant d'Air Algérie : les stewards et les hôtesses de l'air ont subitement menacé de faire grève si la compagnie continue à servir et à commercialiser, sur ses lignes internationales, des boissons alcoolisées. Les choses sont rapidement rentrées dans l'ordre quand la direction a invité les grévistes auxquels il déplaît, paraît-il, de servir ou de vendre de telles boissons de rejoindre des postes de travail au sol, où l'on est moins bien payé. Le deuxième mouvement de protestation a été déclenché vers la mi-avril, quand le ministre du Commerce, agissant dans le cadre de ses attributions, a pris une circulaire relative au commerce en gros des boissons alcoolisées. Il est difficile de ne pas penser que cette «bronca» contre ce ministre n'était pas orchestrée. Il y a eu en effet des manifestations dans des localités improbables du sud-ouest du pays, et dans les mosquées, les prêches furent enflammés. Le ministre de la République, auteur de la circulaire dont le texte a fuité comme dans la presse islamiste, se trouve être en même temps chef d'un parti politique répertorié «laïc». Un imam officiant à En Nahar TV l'a traité d'ennemi de Dieu ! Le ministre en question a ravalé sa circulaire en se disant victime d'un complot. Un ministre français, M. Chevènement, bien connu des Algériens, a dit cette phrase devenue anthologique : «Un ministre ça démissionne ou sa ferme sa gueule !» Notre ministre du Commerce n'a pas démissionné, s'est déjugé et a fulminé contre l'intégrisme. Mais il faut rappeler ici deux choses. La première est qu'il existe dans notre pays des brasseries et des usines où se fabriquent des boissons alcoolisées. Il est étrange que personne ne tienne à en parler ! La seconde est qu'alors que la drogue est partout sur le territoire algérien, que les dealers opèrent aux portes des universités et des établissements scolaires, que la jeunesse est touchée par ce fléau, le phénomène n'a pas l'air de scandaliser et inquiéter outre mesure les fondamentalistes.
Les buveurs de bière menaceraient-ils l'ordre public, la santé, la morale et la religion plus que les fumeurs de joints et les dealers de drogues dures ? Où y a-t-il eu des manifestations contre le trafic et la consommation des stupéfiants ? Parler de ce fléau répugne-t-il aux hommes du culte ? Un proverbe bien de chez nous dit : «On ne cache pas le soleil avec un tamis !»
Le mois sacré du Ramadhan approche. Sachant que nous passons pour des têtes chaudes et que nous sommes réputés pour notre zèle religieux, ce prochain Ramadhan risque d'être agité. Les fondamentalistes et les salafistes vont probablement installer partout des «cellules de veille», pour surveiller les pécheurs et les pécheresses. Gare à la moindre incartade ! Le harcèlement s'annonce plus soutenu que jamais, quelques terroristes appelleront «au djihad» et commettront peut-être quelques actes criminels. Quant à la masse, elle sera soit confite en dévotion, comme il sied durant le Ramadhan, soit — ce qu'à Dieu ne plaise — lancée dans les rues en processions hurlantes. Au grand bénéfice de l'intégrisme et du salafisme qui attendent que le pouvoir tombe comme un fruit mûr entre leurs mains !


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