Produite par le Théâtre régional de Constantine et mise en scène par Mohammed Tayeb Dehimmi, Salah Bey est la première pièce à entrer en compétition au 10e Festival national du théâtre professionnel qui se tient au TNA jusqu'au 2 juin. Originaire d'Izmir, Salah Ould Mustapha sera l'un des beys les plus marquants de l'Algérie ottomane. La pièce de Mohammd Dehimmi, écrite par Saïd Boulmerka, entend reconstituer entièrement le parcours de ce dignitaire haut en couleur, depuis son arrivée au port d'Alger jusqu'à son ascension au rang de bey de Constantine. Le rideau s'ouvre sur une scénographie grandiose conçue par Abdelhalim Rahmouni : un pont pratiquement grandeur nature avec des marches des deux côtés est au centre de la scène, surplombé par un écran géant. Des pêcheurs remontent un long filet de la mer tandis qu'un cafetier se presse pour servir ses clients et qu'un navire de pirates revient bredouille d'une expédition. Nous sommes à Alger (El Mahroussa) en 1741, un jeune adolescent de 16 ans débarque au port, peureux et complètement désorienté. C'est Salah Ould Mustapha, venu d'Izmir pour tenter sa chance à Alger. Il sera très vite recueilli par le vieux cafetier qui lui offre un travail. Ensuite, il s'enrôle dans l'armée des janissaires où il grimpera les échelons jusqu'à devenir un haut-gradé chargé de mater la révolte des Chaouis sous le régime du Bey Ahmed El Kolli qui lui donne la main de sa fille et le désigne comme son héritier. Salah se fera également remarquer lorsqu'il vole au secours d'Alger attaquée par les Espagnols, puis il devient Bey de Constantine à la mort de son mentor. C'est ainsi qu'il s'attirera la jalousie et la rancœur de ses deux camarades de milice : Braham et Hocine ainsi que la haine d'une fille de trésorier exécuté par ses soins. Durant son règne, il entreprendra des travaux d'agrandissement de la ville mais sa popularité et ses pouvoirs lui inspirent d'autres ambitions dont la plus périlleuse est celle de faire scission avec le dey d'Alger et la Sublime Porte d'Istanbul. Une occasion rêvée pour ses ennemis qui finissent par convaincre le régent algérois de sa trahison : le rideau se ferme sur sa destitution et sa pendaison. Ecrite et réalisée sur le registre de l'épopée, la pièce de Dehimmi se base sur une narration à deux modes : les différentes situations dramatiques et le tandem conteur-musicien qui emprunte au patrimoine oral et musical constantinois largement inspiré par l'histoire de Salah Bey. Le souci principal de l'œuvre est de raconter, avec force détails, la vie et le parcours du dignitaire ottoman à travers des dialogues fournis, criants et souvent extrêmement plats, portés par des comédiens très peu convaincants qui sont davantage dans la déclamation que dans l'interprétation. Surchargée et dénuée du moindre sens du rythme, Salah Bey s'enlise dans une forme théâtrale sans relief où les symboliques au premier degré se mêlent à une écriture grandiloquente et tout aussi boiteuse jusqu'à ce que le théâtre semble n'être qu'un simple prétexte à une leçon d'histoire. La complexité du personnage du bey de Constantine et à travers lui, celle de la présence ottomane en Algérie, s'est laissée donc entièrement effriter par une lecture spectaculaire et maladroite et par une profusion de stéréotypes qui exagèrent les traits à défaut de les réinterpréter. Figée comme ses décors, la pièce n'aura été au final qu'une succession de tableaux grossièrement entrecoupés, d'abus de technicité mal maîtrisée à l'instar de l'usage inutile de la vidéo, de manque désolant de reliefs tant chez les comédiens qu'au niveau de la narration et de cacophonies sidérantes tant les cris, les pleurs et les rires tonitruants fusaient sur scène sans pour autant donner de la voix au récit !