L'armée prend le commandement à Ghardaïa, chapeautant, désormais, les diverses forces de sécurité qui, jusqu'ici, tentaient vainement de rétablir la sécurité dans la vallée du M'zab. M. Kebci - Alger (Le Soir)- Une option qui a constitué de tout temps la doléance phare des populations locales et qui a été «vociférée» par les manifestants mozabites lors de leur sit-in dans la capitale, mercredi dernier. Une sollicitation qui semble trouver écho favorable en haut-lieu. En effet, le président de la République a chargé, mercredi dernier, à l'issue d'une réunion consacrée à la situation prévalant à Ghardaïa ayant regroupé le Premier ministre, le ministre d'Etat directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, et le vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP, le commandant de la 4e Région militaire, de superviser l'action des services de sécurité et des autorités locales concernées pour le rétablissement et la préservation de l'ordre public à travers la wilaya de Ghardaïa et a décidé de mettre en place la Haute Commission sécuritaire et militaire chargée de travailler en coordination avec la 4e Région militaire pour suivre la situation au niveau de la wilaya. Avec, au besoin, le recours à un couvre-feu partiel dans les zones et les quartiers chauds en coordination avec la haute commission sécuritaire et militaire», écrit le Premier ministre, jeudi, dans un communiqué sur sa page officielle facebook, signifiant devant des membres de la société civile de Ghardaïa où il s'est rendu, que l'Etat est «déterminé à prendre les mesures appropriées et fermes pour éradiquer toute forme de violence et restaurer la sécurité, la paix et la cohésion sociale dans la région qui était jadis un exemple de cohésion sociale et qui faisait la fierté de l'Algérie». Abdelmalek Sellal a appelé également l'ensemble de la société civile, le mouvement associatif, et les jeunes à fédérer leurs efforts pour «mettre en échec les dessins et visées malsaines de certaines personnes qui veulent toucher à l'Unité nationale». Attention à la «diversion» Un engagement qui a trouvé sa suite sur le terrain dans la nuit même de jeudi à vendredi puisqu'une quarantaine de personnes ont été interpellées à la fin des tarawih. En effet, selon Me Salah Dabouz, près de 35 personnes ont été arrêtées à leur sortie d'une mosquée du chef-lieu de wilaya. Des arrestations «musclées et sans mandat d'arrêt», précise notre interlocuteur, qui ont concerné même Kamel Eddine Fekhar, ancien responsable du bureau de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) à Ghardaïa et ancien membre du conseil national du FFS. «Ayant eu vent de sa probable interpellation, Dr Fekhar a délégué son avocat pour voir ce qu'il en est au commissariat de la ville où on lui a signifié qu'aucun mandat d'arrêt le concernant n'était délivré. C'est le Premier ministre en personne qui a annoncé cette interpellation devant des représentants de la société civile dont une partie n'a pas manqué de signifier sa joie à cette annonce», explique le président du bureau national de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Ce qui corrobore l'information d'une autre source locale affirmant qu'un mandat d'arrêt a été délivré contre l'ancien cadre local du FFS. Une arrestation «spectaculaire et rocambolesque», selon Me Dabouz, qui se veut comme une «diversion pour détourner l'opinion publique de la véritable thérapie qu'il faut à la problématique de Ghardaïa», ajoute-t-il, non sans avertir quant à l'effet pervers de ces arrestations de nature, estime-t-il, à rallumer le brasier et entretenir la tension» L'opposition décrète un deuil national L'opposition, dans sa réunion de jeudi dernier qu'elle a consacrée à la situation dans la région, porte toute la responsabilité de ce qui se passe dans la vallée du M'zab et ses répercussions sur l'Unité nationale au pouvoir qu'elle accuse de «manquer de prévoyance, d'avoir abandonné ses devoirs constitutionnels dans la sécurité des biens et des personnes et l'ignorance des réalités et leur traitement via des mesures qui ne font qu'accentuer le pourrissement au lieu de solutions politiques». Pour l'Icso, l'incapacité du pouvoir dans le traitement de la crise de Ghardaïa est une «facette de la crise multidimensionnelle de régime», invitant les citoyens de Ghardaïa à plus de calme, de dialogue et de vue commune, avec davantage d'éveil pour éviter que ceux qui veulent attenter à l'unité de la Nation n'investissent localement et à l'extérieur dans ces différends». L'instance, qui a décidé d'envoyer une délégation de ses membres à Ghardaïa pour signifier la solidarité de l'opposition avec les citoyens de la région, exige une commission d'enquête indépendante composée de personnalités nationales pour faire la lumière sur les événements et les manquements enregistrés dans leur traitement. L'Icso, qui se considère en «état de deuil national faute d'une position similaire du pouvoir», dressera prochainement un programme d'action en vue de «sensibiliser les citoyens autour des dangers qui guettent l'Etat en raison de la vacance au niveau du sommet du pouvoir». Benflis dénonce une «stratégie du pourrissement» A noter que l'instance de concertation et de suivi de l'opposition (Icso) a consacré exclusivement son sommet de jeudi en soirée, à la situation dramatique à Ghardaïa. Dans son intervention à ce sommet que le siège de son nouveau parti a abrité, Ali Benflis a estimé que cette bombe qui a explosé à la face de la nation n'est que la conséquence logique d'une mauvaise appréciation par le régime politique de la grave situation à Ghardaïa et de son ignorance des cris de détresse qui lui ont été lancés et a négligé leur traitement et a joué, volontairement ou pas, la stratégie du pourrissement dans l'espoir que ce pourrissement ne vienne avec la solution que lui ne peut concevoir». Pour le président des avant-gardes des libertés, les mesures arrêtées par la réunion présidée par Abdelaziz Bouteflika et consacrée à la situation prévalant à Ghardaïa ne sont qu'un «aveu d'impuissance et une preuve de carence en ce sens que la nature de la crise de Ghardaïa nécessite un discours à la Nation où le premier magistrat du pays la situation au peuple et explique la nature de cette crise, ses causes et tranquillise les citoyens quant à la capacité de l'Etat et ses institutions sont les garants et sont un remparts contre tous ce qui sont tentés d'attenter à l'unité du peuple, sa sécurité», avouant avoir espéré que le chef de l'Etat «décrète un deuil national car le drame de Ghardaia est celui de toute la nation». Le FFS pour une commission d'enquête parlementaire Pour sa part, le FFS réitère sa demande remontant à janvier 2014, portant constitution d'une commission d'enquête parlementaire. Une requête qui, regrette-t-il dans un communiqué, «ne cesse de se heurter au refus et à l'indifférence des partis du pouvoir». Pour le doyen des partis de l'opposition, «en réduisant la crise à une question exclusivement sécuritaire et en refusant toute solution politique, le pouvoir prouve qu'il n'a pas su, pas pu ou pas voulu régler ce conflit et en porte l'entière responsabilité». Pour lui, il y a «nécessité d'une démarche politique incluant toutes les forces vives qui peuvent contribuer à l'apaisement et à la recherche d'une solution durable à cette crise qui endeuille la région et au-delà toute la nation». A noter que la situation dans la vallée du M'zab s'est substantiellement améliorée ce week-end, exception faite d'une attaque aux armes à feu, mercredi soir, à Berriane, selon des sources locales qui parlent également de la saisie d'un important lot d'armes blanches et d'armes à feu chez certains de ceux qui ne cessent de semer sang et pleurs dans la région. Une accalmie intervenant au lendemain d'un carnage commis mercredi à l'aube dans la localité de Guerrara à l'issue duquel des dizaines de décès et de blessés ont été comptabilisés. Ceci en sus de nombreuses maisons, véhicules et autres biens détruits et incendiés.